Appel à devenir des visionnaires

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Écouter le culte :

Sommes-nous en train de mourir à petit feu, à l’ombre de la Cathé et dans la quiétude des nombreux temples qui parsèment le canton ? Celui de Villars, depuis lequel ce culte est retransmis, est un alerte quinquagénaire. Déjà 7 ans avant son inauguration, une première série de plans avait vu le jour. Mais le Temple actuel est assez différent du projet initial. Il a fait un quart de tour pour une meilleure utilisation de l’espace environnant. On a beaucoup dû parler à l’époque de nord, de sud, d’est et d’ouest. Comme dans la vision d’Ezéchiel.
Je poursuis la comparaison. 7 ans entre le premier plan et l’achèvement, c’est la signification du 7 dans la bible. Un chiffre dont les multiples rythment le livre d’Ezéchiel. De plus, dans un sens, Villars a eu d’entrée droit à un Temple nouveau. Comme dans la vision d’Ezéchiel.
Il est bâti en imposantes pierres de taille. Mais une esquisse le proposait dans une forme plus stylisée. Comme dans la vision d’Ezéchiel.
On y prévoyait des arbres en abondance. Comme dans la vision d’Ezéchiel.
Sans pour autant qu’il soit question de fleuve impétueux se jetant dans la Mer. Quoi que : en contrebas, passe un petit filet d’eau, qui enfle progressivement et descend jusque dans la plaine. Il pourrait bien alimenter le Rhône qui, lui, se jette dans la Grande Bleue. Ce ruisselet traverse une profonde dépression de terrain, qui sépare Chesières de Villars et qu’on enjambe grâce à un majestueux pont. Dans la vision d’Ezéchiel aussi, il est question de dépression. Autour du Jourdain, dans la plaine de la Araba, littéralement la désertique. Il s’agit de la plus profonde dépression du globe, avec la Mer Morte en cul-de-sac.
La Mer Morte : image de désolation, hormis une fine bande fertile sur les côtés du fleuve. Image de vanité, avec cette Mer intérieure sans vie, malgré tout ce qui s’y déverse. Et image de l’Eglise, dont la bande fertile s’amenuise sous nos latitudes ? Et dont les méandres rétrécissent, après 2000 ans de pérégrination terrestre ?
Temples déserts, sécheresse spirituelle, finances dans le rouge. Faut-il renoncer ? Fermer boutique ? Se recycler ? Comme dans « Ecclesiastic Park », cet ouvrage piquant de feu le Pasteur J.-M, Chappuis. Sous-titré : « L’histoire fantastique de William Bolomey, dernier pasteur chrétien. » « Mesdames et Messieurs, veuillez rendre les honneurs ! » La question est posée : aurons-nous encore des paroissiens dans 15 à 20 ans ?

Une fuite d’eau
Ceci dit, notre église se veut proactive face à la pénurie qui s’annonce. Vraisemblablement en fidèles, mais aussi drastiquement en ministres. Elle réorganise ses régions, elle aide les paroisses à faire face. Selon un projet et un plan qui veillent à ne rien laisser au hasard. C’est bétonné comme – devinez ! – dans la vision d’Ezéchiel, très précise.
Mais n’y aurait-il pas quelque part une faille comme dans la vision d’Ezéchiel ? Autrement dit, ne faudrait-il pas laisser de la place à l’imprévu ? Vous savez à ce vent qui souffle où il veut ? Déstabilisant à première vue, mais cela pourrait s’avérer divinement agendé. Ceci dit, je n’aurais pas voulu être l’Architecte du Temple dont Ezéchiel a la vision. Surtout le jour de la, comment dit-on, la remise du chantier ou des clés ? Parce que cette fuite d’eau sortant de derrière l’autel, mais quel cauchemar ! On en a ici une version hivernale, avec des problèmes de gel parfois dévastateurs.
Mais l’eau, en fait, c’est la vie ; surtout dans le désert ! Il suffit d’une source pour qu’il se transforme en oasis luxuriante. Et dans la vision, ça va à la vitesse grand V : l’eau monte à une allure vertigineuse. Toutes les 1000 coudées, soit moins de 500 mètres. Jusqu’aux chevilles, puis aux genoux, aux reins, pour finir en eaux de nage.
Le petit filet est devenu un torrent infranchissable ! Et le désert une plantation fabuleuse. C’est mieux que la 3D et il n’y a pas besoin de lunettes. Ezéchiel devient l’acteur d’un jeu vidéo hyper réaliste qui le laisse épuisé sur la rive. Et quand il se retourne, encore plus fort que Power Point, des arbres poussent.
Ça devient quasi-psychédélique, avec des fruits chaque mois de l’année et des feuilles qui servent à la guérison. Des nations, précisera Jean dans sa reprise de la vision, au livre de l’Apocalypse.
Car Ezéchiel est avant tout un navi, un voyant, un visionnaire ! Pointe d’humour : Messieurs les Rationalistes et cartésiens, ça devient dur. Vous avez le choix entre passer sur la 1ère, avec Synopsis et ses critiques de films. Cars 2, Lourdes ou Beginners au menu de ce matin. Ou mieux : rester, aiguiser votre curiosité et découvrir des sources insoupçonnées !

D’Ezéchiel à Jean
Poursuivons : qui est-il donc, ce visionnaire d’Ezéchiel ? Il avait déjà été emporté en début de ministère par une vision. Tellement forte qu’elle en était douloureuse. Mais, celle-là, c’est le couronnement. Durant 7 chapitres – tiens, 7 ! – il nous entraîne dans une visite virtuelle du Temple. Extrêmement détaillée. Avant de conclure son livre par la répartition des tribus sur le territoire et une description glorieuse de la ville sainte. Pour un pays en ruines et un peuple en exil, c’est puissant !
Mais alors, on l’avait un peu oubliée, cette fuite d’eau : ques a quo, qu’en est-il ? Eh bien, la clé de lecture se trouve au beau milieu de la vision, au chapitre 43 :

Il me conduisit vers la porte, la porte qui est tournée en direction de l'orient.
Et voici, la gloire du Dieu d'Israël arrivait, depuis l'orient, avec un bruit semblable au bruit des grandes eaux, et la terre resplendissait de sa gloire.
Et la gloire du Seigneur entra dans la Maison, par la porte qui fait face à l'orient. …On me dit : « Fils d'homme, c'est l'emplacement de mon trône et la place de mes pieds ; c'est là que j'habiterai, au milieu des fils d'Israël, pour toujours.

Alors là, chers auditeurs, on passe aux choses sérieuses : c’est « Elohim 2, le retour ! » Le Seigneur est de retour aux affaires, sa gloire envahit le nouveau Temple. Il s’en était retiré, le pays était à l’abandon et le peuple dilué dans l’exil. Sa gloire : kavod en hébreu, littéralement ce a qui du poids. Et là pour le coup, c’est vraiment du lourd ! Tout d’abord, il est question de la même direction : l’orient. Et ensuite, du bruit d’eaux tumultueuses au cœur du désert ; c’est pas banal. Et enfin, de la gloire divine qui remplit le moindre recoin du Temple. C’est bétonné, ou plutôt aéré au souffle de l’Esprit qui occupe tout l’espace.

J’habiterai au milieu des fils d’Israël… pour toujours, précise le texte. Ça ne vous rappelle-t-il rien ? Les écrits de l’Ezéchiel du Nouveau Testament, Jean, cet autre visionnaire en ouverture de son Evangile, tout d’abord :

La Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.

Puis dans le lieu très symbolique du puits de Jacob, en territoire samaritain :

Celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.

Et enfin dans le temps très symbolique de la Fête des Tentes, célébrant l’Exode :

Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus debout s'écria : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein, comme dit l'Écriture.
Il dit cela de l'Esprit qu'allaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; car l'Esprit n'était pas encore, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié.

C’est tout bonnement incroyable ! Tout commence sur un étrange tapis volant qui transporte Ezéchiel des rives de Babylone, là où ses frères pleuraient, leurs harpes suspendues aux saules. Jusqu’en terre d’Israël dévastée, où il voit un nouveau Temple ; rien de moins. Avec un homme tenant un roseau pour mesurer à la main pour la visite guidée. Puis le rythme s’accélère, avec la gloire de Dieu qui pénètre les lieux. Et ce filet d’eau jaillissant de l’autel qui va tout fertiliser sur son passage.

On commence à se dire que ce Temple est trop idéal, trop parfait pour voir le jour. Certes, les Esséniens, ces croyants radicaux du temps de Jésus, y pensaient. C’est sur la base des indications d’Ezéchiel qu’ils avaient construit leur site. Là où on retrouvera bien plus tard les fameux manuscrits bibliques de la Mer Morte. Vaine tentative que celle-ci. Il faudra attendre des siècles sous les occupations grecque puis romaine, traverser des épreuves avec la révolte des Macchabée et le drame de Massada. Sous le vent brûlant, les dunes toujours plus imposantes, la Mer toujours plus morte. L’avenir toujours plus incertain, le peuple réduit à des ossements desséchés.
Et soudain, au bord du Jourdain, arrive cet homme avec sa gloire de Fils unique. Porteur d’eau qui devient source vive au cœur de nos déserts et qui nous offre l’Esprit, en torrents impétueux. Parce que cette fuite d’eau, c’était pas un défaut de construction. Mais le trop-plein de la gloire divine, incapable de rester confinée dans le Temple. Si beau et si idéal fût-il ! Sinon, il aurait été comme la Mer, mort malgré tout ce qui s’y déverse. S’il est arrivé à Jésus d’enseigner dans le Temple, comme à la Fête des Tentes, il est sorti offrir l’eau de la vie aux hommes et aux femmes qui tirent la langue.
Si la chrétienté a bâti de somptueuses cathédrales et de splendides chapelles, elle a surtout envoyé des témoins du Christ dans la profonde dépression du monde. Pour que le petit filet de la Pentecôte devienne ce torrent impétueux, franchissant tous les obstacles pour communiquer partout la Bonne Nouvelle.
Vous avez retenu, dans le texte ? La Mer Morte reprend vie ! On y trouve soudain autant d’espèces de poissons que dans la Grande Bleue. On garde les marais pour le sel, il faut conserver le fruit de la pêche. Proprement miraculeuse : on étend les filets d’Ein-Guédi à Ein-Eglaim.
Comme dans ce récit de la fin de l’Evangile de Jean, après la Résurrection, les disciples sont rentrés bredouilles d’une nuit de pêche. Jésus les attend sur le rivage et leur dit de lancer leurs filets et ils retirent 153 poissons. 153 : soit l’équivalent du nombre de nations répertoriées à l’époque. La pêche évangélique quittera donc les rives de la Galilée pour les océans du monde. 153, l’addition des chiffres 1 à 17.
Détail surprenant, c’est la valeur symbolique des deux points d’amarrage des filets. 153 pour Ein-Guédi et 17 pour Ein-Eglaim. Pas fondamental, mais tout de même intriguant.

Alors, notre église est-elle en train de mourir à petit feu ? Nous vivons effectivement dans un monde en pleine dépression. Et l’église ressemble plus à un ruisselet provençal en août qu’à la Grande Eau. On cherche des parades, on réunit les gens dans des séances, et c’est bien. Mais on en revient souvent aussi fatigués et bredouilles que d’une nuit de pêche. Et si quelqu’un nous attendait sur le rivage de nos échecs et de nos manques ? Et si, comme Ezéchiel, il fallait devenir des visionnaires ? Avoir ce regard qui devine le torrent impétueux dans le petit filet d’eau ? Cette espérance que le désert sera changé en étang. Et la Mer sans vie en réserve de poissons ? On a dit du Temple de Villars qu’il était un geste architectural fort.
Frères et sœurs, amis auditeurs, je vous, je nous invite à nouveau à un geste fort. Geste d’espérance au lieu de la morosité. Geste de prière pour que la gloire de Dieu renouvelle notre adoration. Geste de témoignage pour que la vie triomphe des forces de mort. Et que le filet de l’évangile soit rempli à craquer. De gens de toute race, de toute condition et de tout âge. Car le nouveau Temple, c’est le Christ. Le fleuve d’eau vive, c’est l’Esprit offert. Et le nouveau peuple, c’est vous, c’est nous et tous ceux que l’Evangile atteindra.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Lecteurs: Jean-Marie Knobel et Marc Halbriter
Orgue
Myriam Clerc
Musique
Marcel Bongou, Gospel