L'essentiel de la foi

image

Écouter le culte :

Nous avons tous en mémoire la polémique provoquée par le projet – abandonné – d’ériger le Cube de Gregor Schneider sur la place du Port comme emblème du Millénaire de Neuchâtel. Le rejet de ce cube noir, réplique de la Kaaba, révèle la peur que suscite l’irruption de l’islam dans notre pays. Cette peur s’ajoute à l’angoisse que nous ressentons comme croyants devant l’effritement de la foi chrétienne et des traditions qui l’accompagnent. Quand les traditions s’effondrent, il faut s’interroger sur ce qui est essentiel. A quoi faut-il absolument rester attaché ?
Nous sommes plongés aujourd’hui au cœur d’une crise de la foi, mais un rapide coup d’œil sur l’histoire de l’Eglise nous apprend que ne n’est pas la 1ère fois. Souvenons-nous de l’Eglise au 16ème siècle : elle était dans une situation catastrophique. La foi chrétienne était polluée par toutes sortes de superstitions nécessitant une réforme énergique. Le Collégiale de Neuchâtel en garde le souvenir, comme en témoigne la plaque commémorative qui se trouve ici derrière moi où l’on peut lire: « 1530. Le 23 octobre fut ôtée et abattue l’idolâtrie de céans par les bourgeois. »
Si on remonte encore dans le temps, on constate que la foi chrétienne traversait déjà une période de turbulences au 1er siècle à l’époque où Jean écrit la lettre dont nous venons d’entendre un extrait. Jean écrit sa lettre pour rappeler aux communautés chrétiennes ce qui est essentiel dans la foi. Le danger qui menaçait alors la foi chrétienne venait d’une déviance très en vogue qu’on appelait le gnosticisme. Ce courant de pensée donnait beaucoup d’importance aux réalités spirituelles, mais ne prenait en considération qu’une partie de l’Evangile. Il négligeait en particulier l’aspect éthique de la foi.

Notre époque est aussi confrontée à des déviances de la foi. Les sondages d’opinions nous apprennent qu’aujourd’hui l’intérêt pour les réalités spirituelles demeure même si les églises se vident. Cet intérêt se manifeste par la recherche et l’adoption de ce qui paraît le meilleur dans les religions du monde. Chacun se constitue ainsi une religion à sa convenance. En agissant de la sorte, nous nous façonnons un dieu qui correspond à notre propre conception de la divinité.
L’apôtre Jean nous met en garde contre cette tentation. Il nous rappelle ce qui constitue le fondement de la foi : ce n’est pas nous qui pouvons concevoir Dieu, c’est Dieu qui vient à nous et se fait connaître en Jésus-Christ. Nous sommes ici à la croisée des chemins. Il y a d’une part la religion des hommes qui essaient de concevoir ce qui est « en haut », la religion des hommes qui partent à la conquête de Dieu et d’autre part la religion des hommes qui reçoivent d’en haut la révélation que Dieu donne de lui-même. Voilà donc le premier volet de l’essentiel de la foi : ce n’est pas nous qui concevons Dieu, c’est Dieu qui se donne à connaître en Jésus-Christ.

Et voici le deuxième volet : en se révélant en Jésus-Christ, Dieu nous adresse un message. Jean écrit :« Voici le message que nous avons entendu de Jésus-Christ et que nous vous dévoilons : Dieu est lumière et il n’y a pas traces de ténèbres en lui. » (v. 5) Apparemment c’est un message banal. Toutes les religions disent que Dieu est lumière. Mais en Jésus-Christ ce message prend une coloration particulière : il signifie que Dieu qui est lumière fait irruption dans notre humanité, qu’il vient dans nos ténèbres pour nous en faire sortir.
L’enjeu du message n’est pas seulement de donner une plus juste connaissance de Dieu, c’est aussi de nous montrer en quoi consiste la juste manière de vivre. Cette bonne manière de vivre est celle de Dieu lui-même, à savoir une vie faite de miséricorde, de vérité, de paix, en un mot « de lumière. » Le message c’est que Dieu nous transmet sa lumière pour que nous nous mettions à en vivre. Ainsi le fait de mener une vie empreinte d’amour et de miséricorde, de droiture et de serviabilité devient le signe d’une foi authentique. C’est pourquoi Jean critique avec véhémence les gnostiques de son époque qui se piquaient de spiritualité mais négligeaient la mise en pratique de la Parole de Dieu. Il écrit : « Si nous disons : « Nous sommes en communion avec Dieu » tout en marchant dans les ténèbres, nous mentons et nous ne faisons pas la vérité. » (v. 6)
Ce combat de Jean pour que la foi chrétienne s’incarne dans une vie en conformité avec la volonté de Dieu est une nécessité constante. J’ai évoqué tout à l’heure la crise de l’Eglise au 16ème siècle. Cette crise était aussi celle de la société. La méconnaissance de la Bible allait de paire avec la dissolution des moeurs. Il a fallu l’intervention vigoureuse de réformateurs tels que Guillaume Farel pour redonner à l’Evangile la place fondamentale qui lui revient et entraîner les croyants à vivre véritablement selon l’Evangile.

En proclamant que Dieu est lumière, Jean nous rappelle aussi que Dieu, en se faisant connaître en Jésus-Christ, révèle l’état de péché du monde. Ça se comprend aisément : il suffit d’allumer un projecteur pour que les zones d’ombre soient mises en évidence. Ainsi en nous plaçant dans la lumière de Dieu nous prenons conscience de notre péché. La lumière de la perfection met en évidence nos imperfections. C’est le revers de la médaille. La révélation de Dieu en Jésus-Christ nous oblige à nous confronter à notre péché. C’est quelque chose que nous n’aimons pas faire. Le mot péché fâche. Il suscite la réprobation : « Il faut cesser, dit-on, de culpabiliser les gens. » On rejette la Bible sous prétexte qu’elle est culpabilisante.
Nous touchons ici à un aspect souvent mal compris de l’Evangile. La Bible ne cherche pas à nous écraser sous le poids du jugement de Dieu, mais à nous donner accès à sa vie de lumière. C’est ici que la confession des péchés joue un rôle. Nous n’avons pas besoin de confesser nos péchés pour les faire connaître à Dieu. Il les connaît déjà. Mais en confessant nos péchés nous manifestons que nous avons pris conscience de nos zones d’ombre. C’est le premier pas nécessaire pour faire tomber les obstacles à la lumière de Dieu.
D’autre part confesser nos péchés à Dieu ne doit pas nous faire peur puisque le message de Jésus-Christ est celui de la grâce de Dieu. « Si nous confessons nos péchés, Dieu, fidèle et juste comme il est, nous pardonnera et nous purifiera de tout péché. » (v. 9) Ainsi la confession des péchés prend une valeur libératrice. Elle nous rend lucides sur notre condition de pécheurs, mais sans défaitisme. Elle nous rend humbles, mais en même temps elle nous aide à nous réjouir de la miséricorde de Dieu et elle nous donne l’énergie pour repartir à neuf sur un chemin de lumière.
Jean nous explique en deux mots ce qu’est ce chemin de lumière : c’est la communion fraternelle. « Si nous marchons dans la lumière comme Dieu lui-même est dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres. » (v. 7) Lorsque souffle la tempête, que tout s’écroule autour de nous, il faut faire le gros dos et s’accrocher à l’essentiel. Jean nous en montre le chemin : rester sous la lumière de Dieu et persévérer dans l’amour fraternel.
Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Simon Peguiron
Musique