Des mages et des cadeaux

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A quelques jours de la nuit de Noël, après avoir fêté la naissance de Jésus dans la crèche de Bethlehem, nous entendons aujourd’hui l’évangile de Matthieu qui nous raconte la visite des mages. Des personnages de la crèche, ce sont les derniers à arriver. Après les bergers, voici les mages venus d’Orient, les riches païens après les pauvres croyants. Leur arrivée nous ouvre une série de questions: qui sont-ils? D’où viennent-ils? Que signifient leurs cadeaux? Et bien plus profondément : qu’est-ce qui motive leur recherche? Que cherchent-ils au juste? Et qu’ont-ils reconnu dans ce bébé entre les bras de sa mère?

Bien sûr, nous ne pouvons pas savoir qui sont ces mages venus d’Orient, d’autant plus que nous ne savons pas si le récit de l’adoration se fonde sur une réalité historique ou sur une légende, mais ce qui compte c’est ce qu’ils signifient pour le jeune peuple des chrétiens au milieu duquel l’évangile a été écrit. Et eux y ont trouvé quelques pistes que je partage avec vous.

La magie et les mages sont souvent vus comme quelque chose de dangereux et de maléfique dans le peuple juif, mais dans ce cas nous n’avons pas à faire à des magiciens avec leurs incantations, mais aux « magoi » perses, dont Hérodote l’historien grec dit qu’ils sont un peu ce que sont les philosophes pour les Grecs. Les mages ne sont pas des magiciens mais des intellectuels dans l’ancienne Perse et dans leur Empire qui s’étendait par moment jusqu’en Palestine. Les mages sont donc des intellectuels venant de l’Est ayant découvert une constellation ou une étoile et l’ayant interprétée comme un présage de la naissance d’un sauveur en Israël. Le prophète païen Balaam avait fait un tel présage: « De Jacob monte une étoile, d'Israël surgit un sceptre » en nombres 24. Pour Remigius, c’est là la source prophétique sur laquelle se basent les mages pour trouver la Palestine.

Ces philosophes arrivent à Jérusalem, capitale de la Judée et donc lieu naturel pour la naissance d’un roi. Mais il n’est pas là et la recherche continue, les scribes les mettent sur la bonne piste et les envoient à Bethlehem où ils trouvent enfin la crèche. La réponse est là, l’enfant dans les bras de sa mère, ils se prosternent comme devant un roi, ils se prosternent comme devant un Dieu et offrent leur cadeaux: de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Nous ne pouvons pas savoir exactement ce qui leur a permis de reconnaitre le Christ. Jusqu’à aujourd’hui, nous le savons bien à Neuchâtel, la crèche peut diviser. Reconnaitre en Jésus, reconnaitre en cette famille de réfugiés la présence de Dieu parmi nous relève d’un certain mystère, relève d’un certain miracle. Et pourtant ces hommes sages l’ont découvert. Et par leurs cadeaux, ils partagent avec nous ce qu’ils ont découvert.

Les cadeaux, nous connaissons aussi ça! Surtout en cette période de l’année, et la signification d’un cadeau est sujette à beaucoup d’interprétations. De façon générale, plus le lien avec quelqu’un est évident, plus la relation est simple, plus il est facile de faire un bon cadeau, un cadeau, comme on dit, qui a du sens. Et plus elle est complexe et chargée, plus il est difficile de trouver le bon cadeau. Les mages, eux, font de très bons cadeaux, preuve que leur relation avec Dieu doit être bonne. Non parce que ce sont des cadeaux chers - ils le sont aussi -, mais parce qu’ils ont beaucoup de sens.

Trois cadeaux et chacun révèle une partie de l’identité du Christ. L’or, tout d’abord, admiré pour sa pureté et pour son éclat, est le symbole de la gloire, l’or est le symbole de la royauté. En offrant de l’or, les mages nous disent qu’ils se trouvent devant un roi. Ils disent qu’ils reconnaissent dans cet enfant dans l’humble étable toute la gloire et la magnificence d’un roi, digne successeur de David et de toute l’annonce d’un messie.

L’encens ensuite: l’encens qui brûle dans tous les temples du monde. L’encens symbolise le prêtre et est un cadeau digne de Dieu. En offrant de l’encens, les mages nous disent qu’ils se trouvent devant un Prêtre, voire devant Dieu.

Mais le troisième cadeau jette le trouble: la myrrhe, qui sert certes à guérir, mais surtout à embaumer. En offrant de la myrrhe, les mages nous disent qu’ils voient déjà la mort, qu’ils se trouvent devant un homme mortel.

Trois cadeaux qui révèlent trois facettes du Christ : Jésus le roi, Jésus ce Dieu au milieu des hommes, Jésus l’homme qui va mourir.

Par leur extraordinaire clairvoyance, par le don qu’ils ont de deviner la vérité, les mages prouvent qu’ils sont plus que de simples intellectuels, plus que de simples scientifiques, qu’ils sont véritablement des sages. Des hommes qui cherchent avec tout ce qu’ils sont, avec leur tête, leur cœur et leurs tripes, des hommes qui aiment la vérité et qui la reconnaissent même déguisée. Pour cela, l’intelligence seule ne suffit pas, il faut aussi une intelligence du cœur. Une fois adulte, Jésus dira: « Heureux ceux qui ont un cœur pur, car ils verront Dieu. » Pour voir en l’enfant l’Emmanuel, Dieu avec nous, les mages avaient ce cœur pur et cette humilité de se prosterner devant un simple enfant.

Le texte connait également deux autres façons de chercher le savoir et d’utiliser l’intelligence qui mettent encore plus la sagesse des mages en évidence. La première façon est vécue par les scribes et les maitres de la loi. Lorsqu’on leur dit qu’un roi est né en Palestine et qu’on leur demande où, ils donnent une réponse tout à fait juste. Ils disent à Bethlehem. Il y a un seul problème avec cette réponse, elle ne les met pas en route! Ils accumulent le savoir pour le savoir, sans autre raison que d’épater et de savoir. C’est un savoir stérile, ni bon ni mauvais, qui est juste, mais qui ne sert pas la personne qui le possède. Ce savoir peut-être utile aux autres pour le bien, comme dans le cas des mages, ou pour le mal, comme dans le cas d’Hérode! Alors que les mages sont touchés au cœur par leur recherche et qu’elle les implique complément, la recherche des scribes est superficielle, car elle n’est pas au toucher avec leur cœur et avec leur énergie de vie, ce n’est pas une recherche de vérité mais simplement un savoir banal. Ce savoir est vide de sens et vide de valeur.

Pour la troisième façon d’utiliser le savoir, le texte nous donne l’exemple terrible d’Hérode. Les mages cherchent à savoir pour le Bien, pour la vérité. Hérode, lui, par peur et pour son propre pouvoir, il veut savoir où est cet enfant pour pouvoir le tuer. Il ne cherche pas le bien mais le contrôle, et sa recherche ne se fait pas avec un cœur pur mais avec un cœur avide. Le cœur de ce roi est sombre, il cherche le savoir pour pouvoir dominer les hommes, pour maintenir son pouvoir et par peur. Toujours, la recherche scientifique des hommes a été soumise au danger d’être orientée ainsi par ceux qui sont au pouvoir. Le savoir ne sert alors pas l’humanité mais la trahit, il ne nous mène pas à la vérité, à la liberté et au bien, mais à la haine et au meurtre. La recherche doit toujours servir la vérité si elle ne veut pas tomber dans cette dépendance coupable des puissants.

Alors orientons-nous non pas vers Hérode et ses peurs, mais vers l’exemple des mages.
Apprenons d’eux à chercher la vérité et à chercher Dieu avec une soif qui nous fait bouger. Et apprenons à voir les signes de sa présence et à comprendre qui il est avec notre intelligence mais aussi avec notre cœur. Et j’espère que lorsque nous l’aurons reconnu dans l’enfant dans la crèche, dans Dieu qui s’est fait homme, nous aurons aussi l’humilité de nous agenouiller et de l’adorer. En le cherchant de tout notre cœur et en l’adorant, nous trouverons la joie, cette joie de reconnaitre Dieu partout, cette joie dont le monde a tant besoin pour guérir. Cette joie de voir dans la simple famille de Bethlehem la présence de Dieu, de reconnaitre dans ces gens qui n’ont pas d’endroit pour dormir, dans ces gens qui sont en fuite, la présence de Dieu et la présence du Sacré. Cette joie est de voir en chaque humain qui vit autour de nous la présence sacrée de Dieu.

En effet, c’est en s’inclinant devant le Christ que la raison et la foi trouvent leur pleine dignité et nous ouvrent, nous les hommes, à la joie d’être simplement devant cet enfant qui nous sauve par sa présence.

Amen.

Des mages se mettent en route et leur recherche les amène à la crèche. Leur comportement et leurs cadeaux révèlent qu’ils reconnaissent dans ce nouveau-né Dieu qui vient sauver le monde.

Détails

Avec la participation de
Cécile Guinand
Orgue
Simon Péguiron
Musique