Le Christ pourrait naître mille fois à Bethléem

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Écouter le culte :

Depuis plus d’un mois, deux mois même, dans beaucoup de magasins, on attend Noël, on décore les vitrines, de rouge et vert de manière traditionnelle, de bleu et d’argent pour faire plus moderne.
On décore les fenêtres, les rues, et les lumières scintillent partout.

Devant les bureaux de la commune de Neuchâtel un parking, et sur le parking un magnifique sapin, rouge et or.

Cette année, des employés avaient cru bien faire en y plaçant une crèche stockée dans les hangars de la ville. Une crèche taillée par un bucheron de Chaumont et offerte à l’occasion d’une visite à Neuchâtel du conseil fédéral l’année précédente.
Cette crèche a été retirée 24 heures plus tard, provoquant un flot de lettres et de réactions souvent très affectives sur ce rejet apparent du Christ, ou plutôt d’un symbole religieux.
Une affaire qui a été relayée au-delà des frontières neuchâteloise.

Et cette crèche, qui serait probablement passée assez inaperçue, a été regardée comme jamais sans doute. Replacée à 100 mètre de là, le long du Temple du Bas, un Temple construit pour accueillir l’afflux de réfugiés huguenots, elle a été dès lors bien dorlotée. On lui a même apporté récemment un sapin enrubanné.

L’on attribue l’origine des crèches à St-François d’Assise, lui qui avait souhaité de tout son cœur de pouvoir vivre dans le village de Greccio une crèche vivante, toute simple, qui lui permette, ainsi qu’à ses frères et aux habitants du village, de vivre la joie de Noël, de la venue de Dieu dans leur vie de tous les jours.

Les mystères de Noël, comme les crèches, existaient déjà, mais François en a probablement mis en valeur la simplicité originelle.

La Bible nous raconte en effet que ce n’est pas à Jérusalem, mais à Bethléem, petit village, qu’est né Jésus, et que ce n’est pas dans un palais, mais dans une étable qu’est né le Fils de Dieu.
Dans une crèche, une mangeoire, pauvre au milieu des pauvres.
L’enfant Jésus nous a ainsi rejoints dans notre quotidien. Il s’est frotté à notre paille, à notre odeur parfois difficile à supporter et à notre réalité.
Il a connu ensuite bébé la réalité de l’exode, de la fuite pour échapper à la mort. Comme tant d’autres malheureusement.

Dès la naissance, Jésus a été confronté à une réalité difficile de notre monde et s’est préparé au ministère qui l’attendait.

Un ministère qui l’a conduit jusqu’au don de sa vie sur la croix.

Année après année, les crèches nous le rappellent, et cette année, la crèche de Neuchâtel l’a mis en évidence, comme une parabole.

Que représente la crèche pour nous ? Du folklore, un joli symbole de Noël, une décoration, la réalité de la venue de Dieu sur notre terre?
En réalisons-nous vraiment la portée existentielle ?

La crèche de Neuchâtel va bientôt regagner son hangar, nos crèches familiales leurs cartons, certains attendent encore l’arrivée des rois mages le 6 janvier, mais que se passera-t-il ensuite, cette parenthèse refermée ? Quelle trace va laisser Noël en nous, en dehors des cadeaux, des cartes et de nos estomacs un peu lourds ?

Une phrase attribuée à un mystique allemand du 17e siècle Angélus Silésius m’a alors interpellée : « Le Christ pourrait naître mille fois à Bethléem, s’il ne naît en ton cœur, cela ne sert à rien. »

Lorsque j’ai recherché la citation précise dans son œuvre, Silésius allait encore plus loin en disant : « Le Christ serait-il mille fois né à Bethléem et non en toi, tu restes perdu à jamais »

Evidemment, ce n’est plus le langage actuel, on ne parle plus de perdition et d’enfer, et pourtant, positivement, ne nous est-il pas justement dit à Noël « qu’il nous est né un Sauveur ? »

Nous sauver ! Mais de quoi ? De nous-mêmes d’abord, de notre éloignement de Dieu, de nos peurs, mais aussi du mal, de la mort et du néant… C’est pour cela que Dieu s’est fait homme, partageant notre vie de la crèche à la croix, et nous invitant à partager sa vie, sa mort et sa résurrection.

Le Christ est né dans une étable, il peut bien accepter de prendre aussi naissance en moi !

Et je citerai une deuxième phrase de Silésius : « Quel malheur, Notre Dieu entend demeurer dans une étable… mon enfant, débarrasse ton cœur et vite, offre-le lui ! »

J’ajouterai même, « offre ton cœur, aussi encombré soit-il et le Christ lui-même t’aidera à y mettre de l’ordre et de la lumière. »

En effet, si nous laissons le Christ naitre en nos cœurs, nous pouvons alors ranger tranquillement nos crèches et nos sapins, nos bougies et nos guirlandes, car la lumière viendra maintenant nous illuminer de l’intérieur, le Christ grandira en nous, et nous fera grandir.

Alors peut-on vivre sans crèche à Noël ?

Dans un certain sens non, parce qu’elle nous rappelle justement le sens de Noël, de la racine latine, « natalis », naissance, la naissance de Jésus…
Et parce qu’elle nous rappelle que le Tout-Puissant s’est fait petit enfant, que le Très-Haut est venu dans le Très-Bas, pour nous rejoindre entièrement.

Et je cite Cédric Némitz, journaliste, dans un édito de la Vie protestante : « Dieu chez nous, avec nous, comme nous. En bois, en grès, en paille, les crèches perpétuent ce message simple et sublime, l’air de rien. »

L’air de rien. Le visible qui nous dit l’invisible.
La fameuse crèche de Neuchâtel, taillée à la tronçonneuse, nous dit bien que Dieu ne fait pas dans la dentelle, mais dans le brut, dans la vie.

Peut-on vivre sans crèche à Noël ?

Oui, bien sûr, puisqu’elle ne fait que rappeler une réalité déjà advenue.
On peut vivre sans crèche, mais pas sans le Christ.
Cet enfant si mignon dans sa crèche est le Sauveur du monde, c’est le message de Noël.
Non pas d’abord un message de bonne volonté, mais l’acceptation avant cela d’une autre volonté, celle de Dieu qui veut nous rejoindre et demeurer en nous.

Noël, c’est un choix : accepter ou non le Christ en nos vies, laisser naître continuellement le Christ en nos cœurs. Ce n’est pas une jolie histoire, c’est la décision de notre vie, son orientation profonde.
Puissions-nous nous laisser habiter par l’amour divin venu nous réconcilier et nous transformer.

Dans la paroisse de Neuchâtel, comme dans d’autres paroisses, nous réfléchissons dans le cadre du 500e anniversaire de la Réforme sur les thèses qui seraient pertinentes pour parler de l’Evangile aujourd’hui. Nous avons écrit pour parler du Christ et du salut en Christ, ces deux thèses :

1- « Nous n’existons pas si on nous prend Jésus. Il est notre vie, notre paix, notre espérance. »
2- « L’être humain est toujours tenté de se passer de Dieu, Jésus nous révèle la grâce de vivre dans l’amour de Dieu »
J’aime les lumières, les sapins et les crèches, mais je peux m’en passer. Mais je ne peux vivre sans le Christ, il est ma vie, ma lumière et ma joie.

C’est Noël aujourd’hui et nous sommes ici pour nous souvenir et rendre grâce.

Amen.

A Neuchâtel, une polémique a fait rage dernièrement. Pourquoi avait-on enlevé la crèche de dessous le sapin communal ? Raz de marée de commentaires dans les rues, sur Facebook ou dans les journaux, pétition des jeunes UDC… Quelle est la place d’une crèche à Noël ?
Que peut-on bien fêter à Noël ? Quelle est la place de Noël une fois que la crèche est rangée dans son carton et le sapin dégarni ? La crèche relève-t-elle du folklore ou a-t-elle quelque chose à nous dire encore aujourd’hui ?

Détails

Avec la participation de
Cécile Guinand
Orgue
Simon Peguiron
Musique