J’ai peur de quoi à Noël ?

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Écouter le culte :

Si l’on est honnête ce jour de Noël, si l’on est honnête avec les personnages de Noël que nous découvrons dans l’Evangile, il nous faut admettre que ces personnages : Marie, Joseph, les bergers, les mages aussi plus tard, dont nous parlerons bientôt à l’Epiphanie... tous ces personnages, si l’on est honnête, ne sont pas en permanence dans la facilité, dans la joie immédiate, dans le bonheur incontesté et sans souci.

Si l’on est honnête avec les personnages de Noël, on découvre chez eux peut-être un peu de souci, voire de peur. On imagine assez honnêtement Marie trop jeune pour assumer sa réalité de grossesse, dans une dynamique conjugale pour le moins compliquée. Joseph aussi : Joseph qui doit accueillir cette grossesse non désirée, qui doit accueillir un enfant qui va lui être confié à lui aussi, de quoi également cultiver la peur. Les mages, les mages qui vont quitter une terre connue, qui vont se mettre en route et découvrir un palais sombre à Jérusalem auprès d’Hérode. Et les bergers ; et les bergers aussi, l’Evangile nous dit qu’ils ont peur, qu’ils craignent, qu’ils sont surpris, bousculés, au moment où cette nouvelle mystérieuse, étonnante, à travers cette apparition céleste, leur dit que quelque chose se passe près de chez eux.

Si l’on est honnête, avec d’abord les personnages de l’Evangile, on découvre qu’il y a des peurs légitimes.

Et mes chers, si l’on est honnête ce jour de Noël avec nous-mêmes, avec nos propres vies, avec nos propres parcours, avec nos propres trajets, nos propres histoires, il nous faut aussi admettre que tout n’est pas lisse, simple et joie immédiate. Il n’y a pas forcément, ce jour de Noël, que foie gras, bougies, paillettes et rires... Il y a peut-être d’autres peurs qui surgissent à Noël ; peut-être le souci de certaines tensions familiales autour de la table que nous retrouverons les heures qui suivent ; peut-être de la peur pour celles et ceux qu’on aime, qui vont mal ; peut-être peur pour notre propre santé, fragilisée ; peut-être aussi la peur des émotions qui font surface, parce qu’on sait combien à Noël tout ce qui s’est passé cette dernière année revient de manière forte à notre mémoire et dans nos cœurs. Je pense en particulier à celles et ceux qui ont perdu un être cher cette année.

Si l’on est honnête avec nous-mêmes comme avec les personnages de l’Evangile, il nous faut admettre que tout n’est pas tout simple, résolu, facile.

Mais l’Evangile de Noël justement nous invite à être honnête jusqu’au bout et à découvrir que précisément ces hommes, ces femmes, qui ont douté, qui ont tremblé peut-être, qui ont hésité en tout cas, que ces hommes et ces femmes sont allés de l’avant, ont découvert qu’une force intérieure leur était donnée, qu’il était du coup possible non seulement d’affronter, d’assumer leur peur, leur réalité personnelle familiale et sociale, mais aussi de les traverser, et de les traverser ! voilà ce qu’honnêtement je découvre dans l’Evangile de Noël, voilà ce qui me réjouit et me rassure.

Et c’est en particulier avec le parcours des bergers que je m’arrête avec vous ce matin. Des bergers dont on nous dit, d’abord quand ils sont dans leurs champs, qu’ils ont peur de ce Dieu qui vient les réveiller, les mettre en route, parce qu’ils ne comprennent pas, parce que peut-être ils ont aussi une petite, bien piètre estime d’eux-mêmes. De simples bergers dans les champs, les voilà en première ligne. Les bergers vont traverser, surmonter leur peur.

Deux choses les rassurent, deux choses vont s’offrir à eux, vont grandir en eux et leur permettre ainsi non seulement de traverser la nuit, d’aller rencontrer le Sauveur, mais de repartir - et c’est probablement ça le plus important de l’Evangile de Noël - de repartir confiants, renouvelés, et c’est ça le défi de nos vies, pour nous tous aujourd’hui : c’est que l’Evangile de Noël nous trouve dans nos réalités qu’il nous faut accepter honnêtement ; que l’Evangile de Noël nous permette dans les heures qui viennent, de repartir, autrement, plus forts, plus lumineux.
Première chose qui se passe pour les bergers, première dimension ; c’est que les bergers vont prendre conscience que la présence de Dieu est à leur portée, tout près ; aller jusqu’à Bethléem, juste quelques pas, quelques centaines de mètres, au pire un ou deux kilomètres, autrement dit un chemin accessible, possible. Voilà la première découverte qui va rassurer ces bergers, c’est que Dieu ne demande pas des efforts surhumains hors de ma portée !

Dieu t’offre sa présence, tout près, tout près de ce que tu es... juste, et c’est ce que font les bergers, il faut juste oser un léger déplacement, une petite mise en route pour une grande rencontre ; une petite mise en route pour une grande rencontre qui change tout.

Mais la mise en route, elle est possible, juste quelques pas pour les bergers. Autrement dit pour nous, Dieu, aujourd’hui, ne nous demande pas d’être quelqu’un d’autre, il ne nous demande pas d’avoir une autre vie, un autre fonctionnement, il nous dit simplement : décale-toi un petit peu, rends-toi juste un bout disponible à cette présence qui vient. Les bergers ont juste laissé un moment leurs bêtes, leur travail, leur réalité dans les champs ; juste un moment pour se rendre disponibles à ce Tout Autre qui vient.

Voilà ce qui est à ma portée, à la tienne aussi : laisser un bout de ton agenda, un bout de ton stress, un bout de ce qui fait ta vie, non pas pour dire que ça n’a pas de valeur, les bergers vont y retourner après, mais juste t’en libérer un instant pour te rendre disponible à cette présence qui change tout. Essayons, essaie, c’est à ta portée, une petite mise en route pour te rendre disponible à cette lumière qui vient. Voilà la première expérience qui rassure : tu peux rester celle, celui que tu es, Dieu ne te demande pas des exploits aujourd’hui, et c’est rassurant.

Et la deuxième chose, la deuxième dimension, qui va permettre à ces bergers de repartir joyeux malgré leur peur, c’est que les bergers vont découvrir véritablement le visage de Dieu cette nuit-là. Pour ces bergers dans la tradition juive, ces bergers qui probablement pratiquaient assez peu, parce que leur rythme professionnel les empêchait d’avoir, de pouvoir assumer tous les commandements et de fréquenter régulièrement la synagogue, ces bergers vont découvrir que Dieu, ce Dieu qu’ils vont trouver à Bethléem n’est justement pas celui qui fait la comptabilité de ce qui a été réussi, bien fait, bien aménagé dans leur vie ; le vrai visage qu’il trouve, c’est un enfant ; le visage d’un enfant est à des kilomètres d’un législateur qui nous impose des règles. Devant un petit enfant, on en a tous fait l’expérience, qu’on soit parent ou non, un petit enfant, il nous oblige, il nous contraint à prendre soin, à se tenir là et à laisser grandir en nous la capacité d’aimer, de contempler et de s’émerveiller.

C’est ça le vrai visage de Dieu, le vrai visage qui se révèle à Noël : c’est celui qui ne vient pas vérifier, contrôler toutes les parcelles de ton existence, de ta pratique, de tes pieuses actions tout au long de l’année, c’est ce petit enfant qui te permet de faire grandir en toi la capacité d’aimer, de prendre soin de ta vie, des autres, de celles et ceux qui sont sur ta route, et ça, c’est rassurant.

C’est non seulement rassurant, mais ça me permet d’être moi-même, de rester celui que je suis, devant ce Dieu qui me fait juste grandir, qui fait croître en moi une capacité d’aimer et de contempler. Les bergers vont quitter Bethléem, on peut imaginer statistiquement qu’ils ne vont pas davantage fréquenter la synagogue. Nous serons les mêmes ces douze prochains mois, mes chers, mais avec quelque chose de fondamental qui se dépose dans nos vies et qui nous rassure, qui nous pousse en avant et qui nous offre la confiance. C’est d’avoir rencontré le vrai visage de Dieu, ce Dieu qui souhaite simplement que ta vie fasse de la place à la capacité de s’émerveiller, de prendre soin, et d’aimer.

Noël, l’Evangile de Noël nous invite à être honnête, avec tout ce qui fait nos réalités, y compris nos peurs, nos angoisses et nos fragilités. Mais l’honnêteté de Noël, c’est aussi cette chance à ta portée, tout près, juste à côté de toi, c’est là que Dieu vient prendre place. Ne va pas le chercher si loin que ça, mais ose un léger décalage, un ou deux renoncements, pas plus, pour te rendre disponible à cette merveille et puis garde en toi la véritable image de Dieu, celle qui est révélée à Bethléem, un enfant, un enfant devant lequel on peut juste s’émerveiller et du coup repartir plus fort. Plus fort, pour vivre ce que nous avons à vivre aujourd’hui, demain, toujours. Amen.

Culte de Noël

Alors que tout semble facile, lumineux et paisible le jour de Noël, on découvre, quand on gratte les textes bibliques, des raisons de s’inquiéter... Et quand on gratte dans nos vies, trouverions-nous aussi des raisons de nous inquiéter ? Comment Noël peut alors devenir une occasion de nous rassurer ?

Détails

Avec la participation de
Jacqueline Hefti
Orgue
Ezko Kikuchi
Musique
Christian Lehmann, flûte traversière, le Chœur d’hommes d’Ecublens "L’Echo des Campagnes ", sous la direction d'Evelyne Glauser