C'est de tous les pères du monde qu'il faut dire : sans toi, je ne vis pas...

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Écouter le culte :

A Noël, vous aurez une crèche chez vous ?
Une crèche que vous irez chercher au galetas, et vous ressortirez un à un tous les santons ?
Chez nous, c’est un moment magique : déballer chaque année la crèche de Noël – sauf qu’il y a un problème. Toujours le même problème. Marie, les bergers, les anges, on voit bien quel rôle ils ont eu dans l’histoire, même le bœuf et l’âne… mais lui, Joseph ? Il a fait quoi ? On le place généralement près de Marie, pour qu’il ait une place, mais en fait, quel fut son rôle dans cette naissance ?
Dans les tableaux de la Nativité, il a la tête du pauvre type qui n’y comprend pas grand chose. Et sur les icônes orthodoxes, il tourne le dos à la scène en se grattant la tête. A ce charpentier barbu au visage tranquille, on donne un rôle de figurant, comme si tout avait pu se passer sans lui...

Eh bien non. Pas du tout. Et l’évangile selon Matthieu nous le fait comprendre, parce qu’à côté de la toute célèbre annonce faite à Marie, que rapporte l’évangile selon Luc, il y a eu une annonce faite à Joseph. Vous venez d’en entendre le récit dans cet évangile : l’ange du Seigneur apparaît à Joseph et lui dit : « N’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme… ». Sans lui, tout aurait pu rater.

Joseph… Joseph dérouté par la perspective d’une naissance mystérieuse, la venue au monde d’un enfant qui n’est pas de lui. Et il s’est demandé quelle attitude prendre. Parce que Joseph était un homme « juste », dit l’évangile, c’est-à-dire que comme nous, mieux que nous je pense, il tentait de conformer sa vie à la volonté de Dieu. Pour le croyant juif qu’il était, être fidèle à Dieu revient à suivre les impératifs de la Loi. Et la Loi, la Torah, est claire : une femme adultère, même si on est fiancé, doit être répudiée. Et c’est ce qu’il décide de faire. Il est même plein de prévenance, remarquez, puisqu’il projette un divorce discret pour éviter de ternir la réputation de Marie. Juste, correct, discret, Joseph. Un homme bien sous tous les rapports.

Mais, surprise, tout son plan va s’effondrer. Un ange lui apparaît en rêve. Qui lui demande de revenir sur sa décision.

Au moment où il pense à cela, l'ange du Seigneur se montre à lui dans un rêve. L'ange lui dit : « Joseph, fils de David, n'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme. Oui, l'enfant qui est dans son ventre vient de l'Esprit Saint. Elle va mettre au monde un fils, et toi, tu l'appelleras Jésus. En effet, c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Arrêtons-nous un peu, là. Cette demande est totalement surprenante. Elle est même totalement inconvenante. Il y a des choses qui se font, et des choses qui ne se font pas. Et là, l’ange pousse un peu loin.
Tout d’abord, il lui demande de ne pas renvoyer Marie. Mais c’est agir à contre-courant des règles juives du temps. A contre-courant de la sainte Torah. Ce qui lui est révélé, c’est que la fidélité à Dieu ne consiste pas à suivre à tout prix des règles morales, des principes même les mieux établis, mais à suivre ce que Dieu attend de lui à ce moment-là. S’ouvrir à une obéissance inattendue. Vous voyez d’ici les commentaires que les gens de Nazareth (les voisins, les amis) ont fait sur ce Joseph qui gardait avec lui une Marie enceinte ? Vous entendez leurs sous-entendus, leurs rires gras ? Joseph a pris le risque de braver à la fois ses scrupules, sa fierté, et les on-dit. Cela fait beaucoup à la fois.
Ensuite, que demande Dieu ? De donner un nom à l’enfant. Toi, tu l’appelleras Jésus. Vous avez bien entendu : Dieu demande à Joseph d’être le père de Jésus, parce que – en Israël autrefois comme chez nous aujourd’hui, en tout cas symboliquement – donner un nom à son enfant, c’est le reconnaître publiquement comme son fils. Dieu a demandé à Joseph de faire une place à Jésus, de lui donner une famille, de s’engager à l’aimer. Il lui a demandé d’endosser cette vocation à la fois merveilleuse et éprouvante d’être père, d’être là, permettant à son enfant de devenir adulte.
Et Joseph a accepté. Il a permis ainsi à Jésus de prendre sa place dans la communauté humaine, au sein de cette bourgade qu’est Nazareth. Ça n’a pas été facile. Et l’évangile le raconte aussi : Jésus a été menacé dès sa naissance par la colère meurtrière d’Hérode, et Joseph averti en rêve a sauvé Jésus de la mort en entraînant Marie et son fils en Egypte. Il a aussi permis à son fils de devenir un homme, en lui donnant comme tous les pères juifs une instruction religieuse ; il l’a présenté au Temple, suivant la coutume, pour consacrer au Seigneur le premier-né de la famille, et il l’a fait circoncire. Et puis, il lui a donné un métier, son métier : constructeur du bois.

Et comme tous les pères, j’imagine, Joseph a beaucoup aimé et lutté, hésité et prié, espéré et souffert, pour que son fils devienne un homme. Il a pris sur lui ce risque d’être père, fort et fragile à la fois, attentif, nécessaire.

Etonnant chemin de Dieu ! Pour faire naître le Christ sauveur, pour apporter le salut à l’humanité, Dieu a eu besoin des gestes et de la fidélité de ce charpentier de Nazareth. Non, Joseph n’a pas été un figurant. Il nous révèle le véritable visage de l’obéissance.

Obéissance… voilà, le gros mot lâché ! Qu’est-ce que ça vous dit, obéissance ? Beaucoup de gens estiment ce mot déplaisant. Si obéir consiste à faire ce que je dois et renoncer à ce que je veux, non merci ! Le mot éveille la crainte de perdre sa liberté pour se plier à des règles de béton. Mais j’insiste, regardez Joseph. Il nous révèle le véritable visage de l’obéissance. Suivre la voix de Dieu, c’est permettre à Jésus de prendre une place au milieu de nous, d’être un homme vivant et non pas mort. C’est autoriser Jésus, “Dieu-avec-nous”, d’être présent.
Le défi de l’obéissance, dans les évangiles, n’est pas de nous rétrécir dans une soumission déplaisante, mais de donner à Jésus un espace, où se reflètent le pardon et la tendresse de Dieu.

Etonnant chemin de Dieu ! Comme autrefois, la question posée à Joseph nous est adressée. Car le Christ aujourd’hui, celui qui est né pour nous, ne naîtra pas sans nous. Il était à la merci des soldats d’Hérode, quand Joseph l’a pris dans ses bras et l’a sauvé. Et Joseph a eu envers lui cette foi des mains, du geste qui sauve, du regard qui aime.
Jésus nous est donné – c’est le message de Noël – mais il est à notre merci. Il ne peut être “Dieu-avec-nous” que si nous sommes d’accord. Il ne s’impose pas. Il se tient à la porte et il frappe. A celui qui ouvre, qui lui fait de la place, il entre chez lui.

Noël qui s’approche est la fête de l’Enfant livré. Fête de l’Enfant qui ne peut naître et grandir que si des hommes et des femmes l’accueillent en partant à sa rencontre, lui offrant un toit, une famille, une communauté.
Le rôle de père est aujourd’hui en crise. Joseph pourrait être un bon modèle.
Ne l’effaçons pas, ne l’effacez pas de Noël.
Amen.

Parmi tous les personnages de Noël, Joseph est le grand oublié. Comme si tout avait pu se passer sans lui, et qu'il n'était bon qu'à tirer l'âne pour conduire Marie enceinte à bon port... Eh bien non, Joseph ne fut pas inutile dans cette incroyable histoire! Dimanche, vous pourrez constater que Joseph était indispensable à la venue de l'Enfant-Dieu. Et avec Joseph, c'est de tous les pères du monde qu'il faut dire : sans toi, je ne vis pas...

Détails

Avec la participation de
Jean Chollet et Daniel Fatzer
Orgue
Musique
Leps'Go (Choeur de gospel de l'Aumônerie de l'UNIL) sous la direction de Christine Donzel, piano, Christine Donzel