Du cauchemar de Martin Luther King au rêve d’un pasteur contemporain

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Chers vous,

« I Have a dream », avait dit ce protestant marquant du 20e siècle, Martin Luther King.
Et pendant 4 semaines de cultes RTS ce mois de juin, nous nous posons la question pour nous-même…
De quel monde rêvons-nous ?
Avons-nous un rêve ? Osons-nous encore rêver ?

Je m’y risque :

Mon rêve final serait un monde où l’amour du Christ serait la norme ! Imaginez 10 fois moins de voitures, car il suffit de tendre le pouce pour être pris par le ou la prochain-e automobiliste qui passe !
Des résidences secondaires pour tout le monde, car toutes ont la clé à la porte et chacun peut s’y installer quelques jours en embellissant l’endroit avec ses compétences !
Une résidence principale pour chacun-e, car chaque foyer accueille une autre famille !
Plus de peur ; beaucoup de générosité ! Plus personne à la rue ou en migration forcée ! Plus de guerre ! La créativité humaine mise au service du bien commun ! Chacun reconnu dans ses compétences et accepté dans ses incompétences ! Beaucoup de reconnaissance les uns à l’égard des autres… Bref, un monde à venir, certes, mais pas avant la venue en gloire du Christ ! Ce n’est donc pas pour l’immédiat.

Laissant donc ce rêve final de côté, je recommence à rêver, mais cette fois comme Martin Luther King, c’est-à-dire un rêve pour le monde contemporain.

Ce monde contemporain, dans lequel nous vivons, mis à part ces bons côtés visibles en surface, reste en profondeur à mes yeux, un monde cruel, injuste, écoeurant, souvent dur, peu fraternel… donc un monde difficile à vivre.

C’est un monde bourré d’injustice ! Détresse migratoire, Darfour, Syrie, banlieues urbaines désespérantes et j’en passe…

Dans ce monde-là, mon rêve pour ce monde contemporain s’ancre dans un cauchemar !

En effet, savez-vous que mis à part son rêve, Martin Luther King vivait un cauchemar !
Avez-vous la moindre idée de ce qu’était le cauchemar de Martin Luther King ?

Ecoutez bien, car là est le cœur de la prédication de ce jour… C’est pourquoi du reste je le répéterai !

On pourrait s’attendre à ce que le pire cauchemar de Martin Luther King soit l’injustice commise envers les noirs aux USA, et contre laquelle il se levait, il se dressait courageusement !
Eh bien non… cette injustice était le cœur de son combat et le lieu de son rêve, mais pas son cauchemar !
Non, son pire cauchemar était : écoutez bien !

« A la fin, dit Martin Luther King, nous ne nous souviendrons pas des paroles de nos ennemis, mais des silences de nos amis… »

Le silence de nos amis… comme pire cauchemar !

Quand le Christ aura établi son royaume, l’injustice sera éradiquée, et les combats comme ceux qu’a menés Martin Luther King n’auront plus lieu d’être.
Mais avant cela, les combats pour la justice ne vont pas cesser, même chez nous, dans un état de droit, en particulier dans le monde du travail.
Et, au cœur de ce genre de combat, mon rêve pour une terre moins cruelle, c’est que le silence de nos amis cesse, et qu’ainsi la lâcheté humaine recule !

Mon rêve est que, quand l’injustice l’emporte contre nous, quand nos ennemis nous discréditent afin de se disculper de leur cruauté à notre égard, nous n’ayons pas en plus à subir le silence assourdissant de ceux qui se disent nos amis.
Mon rêve, avant la venue en gloire du Christ, n’est pas celui d’un monde sans injustice, mais d’un monde où les amis s’indignent et résistent quand l’injustice nous tombe dessus.
D’un monde où nos amis se mettent debout pour clamer haut et fort : stop ! stop à l’injustice ! stop aux règlements de compte ! stop à l’épuration des gens qui gênent nos dirigeants ! ces dirigeants qui ressemblent parfois à des « nains dressés » dans le jardin qui leur a été confié par les citoyens, comme le dit le célèbre théologien Jürgen Moltmann : quand les nains autoritaires se dressent contre nous, qu’alors au moins nos amis réagissent, s’indignent, et pour le moins, ne se murent pas dans le silence !

L’injustice, quand elle s’abat sur vous, est cruelle, douloureuse, déprimante.
Mais elle devient cauchemardesque quand en plus s’y ajoute le silence lourd de vos amis… et le pire, ce sont leurs justifications pour se taire… C’est impressionnant toutes les excuses que l’on peut se donner à soi-même pour se taire, lâchement !

Ce cauchemar vécu par Martin Luther King, je le connais à ma petite mesure, ici, chez nous, en terre vaudoise en particulier, terre où l’on laisse volontiers se faire décapiter un major courageux, un certain Davel, pour en faire un héros avec belle statue des années plus tard, quand le danger est passé.
La lâcheté et le silence imposés aux victimes de l’injustice est une des violences les plus cruelles que nous humains savons pratiquer, encore et encore…

Seigneur, donne-nous de pouvoir pleurer, pleurer beaucoup, de nos lâchetés, comme l’apôtre Pierre après son reniement !

Mon rêve, c’est que dans un monde qui restera injuste jusqu’à l’avènement du Christ, nous puissions devenir des amis courageux les uns pour les autres, qui nous levons, et qui parlons, nous indignons en dénonçant l’injustice crasse quand elle s’abat sur nos semblables !

Mon rêve est que nous devenions des amis qui prennent la parole, qui prennent la plume, qui interpellent les médias, qui soient actifs, sortant donc de la passivité confortable !

Mon rêve est que nous devenions des amis courageux et humains, capables de s’indigner et de résister.

Mon rêve, c’est qu’un peuple d’indignés se lève, aussi ici en Suisse romande et pas seulement partout ailleurs dans le monde !

« Indignez-vous », disait Stephane Hessel dans la brochure du même nom, l’un des sages de ce mouvement d’indignation planétaire, qui publie aux éditions : « Ceux qui marchent contre le vent »
Ah, ah ! Oser marcher contre le vent ! alors que nous, les Vaudois en particulier, nous aimons par-dessus tout quoi ? Surtout ne pas faire de vagues ! ne pas trop remonter le courant et surtout pas aller contre le vent !

Et ainsi, peut-être à notre corps défendant, par atavisme, nous devenons complices de chaque autorité qui abuse de son pouvoir, ceci, par notre silence complaisant !

Jusu’à quand laisserons-nous faire ?
Jusqu’à quand nous tairons-nous ?

Le monde de l’injustice que je connais le mieux est le monde du travail, du rapport entre employeur et employé, dans un pays, notre pays, où le droit des travailleurs est peu défendu, pour le bien de l’économie selon certains, mais à quel prix pour les travailleurs,
en particulier pour ceux qui sont injustement écartés du monde du travail !

Et plutôt que de parler, voire parfois même de crier, nous invoquons notre impuissance à pouvoir y changer quelque chose, nous nous inclinons devant les règlements de compte des plus puissants envers les plus vulnérables, et devant la puissance destructrice de « Mamon » envers les travailleurs…

Faire du foin, qui nous l’empêche ? comme Jésus qui renversait les tables des marchands du temple ! Oh oh ! surtout pas, c’est pas notre truc et c’est politiquement très incorrect dans notre beau canton de Vaud… et peut-être aussi dans notre belle terre romande ?

Mon rêve, c’est qu’en terre vaudoise, comme en terre romande, se lève aussi un peuple d’indignés qui parlent et soutiennent au moins leurs amis soumis à l’injustice… afin que l’air de notre humanité soit un peu moins irrespirable.

Comme l’évêque d’Oran, torturé à mort il y a une vingtaine d’années, le disait dans la très belle pièce jouée à l’Espace Culturel des Terreaux le mois passé :

« Qu’est-ce qu’un ami qui se tait, quand son ami va mal ? »

Une autre citation, celle d’Abraham Lincoln : « Le silence est un péché lorsqu’il prend la place qui revient à la protestation; et d’un homme il fait un lâche ».

Le pire cauchemar de Martin Luther King, ce n’était pas la dureté des ennemis du droit des noirs aux USA, mais le silence de ses amis.
Mon rêve, c’est que faute de pouvoir éradiquer l’injustice pour le moment, qu’au moins un peuple d’indignés se lève et la dénonce, chaque fois qu’elle montre son nez !

Mon rêve, c’est qu’au moins tous ceux qui subissent l’injustice puissent compter sur des amis qui parlent, sur des amis qui cessent enfin de se taire !

Hommes, femmes, citoyennes, et citoyens en général,
Hommes, femmes, citoyennes et citoyens du Royaume du Christ qui vient,
Debout, parlons, dénonçons courageusement toute injustice dont nous avons conscience et au minimum celle qui touche nos amis !

Et toi, silence sournois, tais-toi !

Qu’au contraire, toi, l’indigné, tu proclames ta parole, libre !
Et qu’ainsi par votre, par notre indignation et notre résistance à l’injustice, se renouvelle devant nous un chemin d’espérance qui fait tant défaut.
Espérance dont nous avons tant besoin.

Amen.

Cette série de cultes radio sur Espace 2 à Saint-Laurent Église est en lien avec le célèbre discours de Martin Luther King, "I have a dream ".

Le pasteur Daniel Fatzer, exprime son rêve pour le monde d’aujourd’hui, le monde vaudois et romand en particulier. Mais son rêve est enraciné dans l’un des pires cauchemars de Martin Luther King. Le connaissez-vous?

Pour des raisons juridiques, l'enregistrement de ce culte n’est pas accessible.

Détails

Avec la participation de
Jean Chollet
Orgue
Musique
Chorale de St-Laurent Église, sous la direction de Christine Donzel