Chemins

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Frères et Sœurs,

Ça fait pas mal de temps que je pense à l’homme. Ça fait du temps que je vois, plus ou moins, de quoi l’homme est fait – homme ou femme d’ailleurs – à quelques différences près. L’humain a une tête, des yeux, une bouche, des oreilles et un nez. Et vous avez, comme moi, remarqué que tout est orienté du même côté, comme les mains d’ailleurs et comme les pieds !
Je ne sais pas si vous vous êtes, un jour, posé la question du pourquoi ? On m’a dit un jour – j’étais enfant – que la tête était faite pour penser ! On m’a dit que les yeux de l’homme étaient faits pour voir où il posait ses pieds. On m’a dit qu’il avait une bouche pour parler à ceux qui lui font face. On m’a dit qu’il avait des oreilles dont les pavillons étaient, étonnement, orientés vers l’avant et un nez pour détecter les vents et les odeurs qui lui viennent de face.
De la même manière, les mains sont orientées vers l’avant. Bien sûr, on peut aussi croiser ses mains dans le dos, mais ce n’est pas efficace si ce n’est pour dire ou faire comprendre aux autres qu’on se sent en sécurité, voire qu’on se balade sereinement. Et les pieds, les pieds ? Talons vers l’arrière, orteils articulés vers devant, ils sont faits pour avancer, cheminer, parfois courir, ça dépend de l’âge. Ils sont faits pour ça, du moins c’est ce que j’imagine ! C’est dire qu’on est tous fait pour aller de l’avant, tous faits pour avance !

J’aime, c’est vrai, les hommes qui marchent, les hommes qui avancent, malgré eux et parfois malgré tout, mais qui avancent. Je pense à Moïse qui, dans le désert, avançait avec son peuple. Il n’était jamais devant, il n’était jamais derrière, il cheminait avec eux, il était avec eux et tous marchaient, avançaient, progressaient vers la promesse donnée.
Je pense aussi à ces mots de Jésus, dans l’Evangile de Jean, ce Jésus qui nous dit : « Je suis le chemin… », « c’est moi qui suis le chemin », une invitation à le suivre sur ses chemins à lui…
Je pense aussi à ces autres mots de lui : « Toi, suis-moi… ! » Ces mots disent « confiance », ils disent « n’ayez pas peur… ! », ils disent « Je vous mène vers un ailleurs qui sera de paix, de plénitude, de pardon et de soleil ! » Mais ce n’est pas toujours facile d’avancer, pas toujours facile de trouver sa route, pas toujours facile de continuer à mettre un pas devant l’autre.
Je pense à ceux qui cheminent dans les couloirs des hôpitaux, ceux qui vont de scanner en IRM. Je pense à ceux qui, oubliés par le temps passent d’analyse en analyse. Je pense à ceux qui n’ont en face d’eux que le regard des leurs, regards faits de tristesses, de peines, de doutes et d’espérance et qui cherchent des mots pour dire que demain soit possible. Je pense à ceux qui comptent leurs jours dans le regard des médecins, des soignants, des parents et des amis et qui sont tellement en quête de vérité, de mots vrais, des mots qui ont toujours tant de peine à venir.

Nous sommes tous uniques, donc tous différents : « Ta souffrance ne sera jamais ma souffrance et ma souffrance ne sera jamais la tienne. » « Je ne comprendrai jamais ta souffrance et tu ne comprendras jamais la mienne. » On ne pourra jamais prétendre comprendre l’autre, parce qu’on n’est pas l’autre et on ne le sera jamais. On ne sera que soi, toujours et prétendre comprendre l’autre ne sera qu’une prétention de rien ! Il faut pourtant avancer parce que nous sommes faits, créés, pour aller de l’avant.
Si nous étions des arbres, on creuserait la terre de nos racines pour prendre pied, consolider sa terre. Si nous étions des poissons, on se battrait contre le courant. Si nous étions des crabes, on n’avancerait qu’en biais et jamais droit devant pour affronter, exister. Si nous étions l’hiver, on avancerait vers le printemps et si nous étions le printemps on se préparerait à marcher vers l’été.
Avancer, toujours parce qu’il le faut ! Ah, les chemins de la vie ! Mais les chemins de la vie sont comme les chemins de la terre. Pas toujours faciles, ça monte, ça descend, ça se croise, ça s’élargit, ça se rétrécit, c’est plein de tours et de contours et quand on arrive dans une croisée il n’y a, habituellement, pas moins de deux ou trois directions à prendre sans indications aucunes. Et même s’il y a des indications, peut-on être sûr qu’un gros malin n’a pas changé les poteaux indicateurs de direction, en les tournant à peine ?
Il y a également, parfois, des obstacles sur le chemin, un arbre tombé qu’il faut tenter d’enjamber, un petit ru qui a débordé, rendant le chemin bourbeux et qu’il faut contourner, une grosse pierre qui a déroché et qu’il faut, c’est plus prudent, ne pas toucher et passer à l’écart
Il y a aussi la nature des deux côtés du chemin, alors on s’arrête, on regarde, on s’approche, on cueille peut-être, parfois. C’est qu’il faut avoir sur les chemins de la terre comme sur les chemins de la vie, outre le sens de l’orientation, de bonnes connaissances botaniques entre autres pour ne pas confondre la grosse myrtille avec la belladone.

Les chemins de la vie ne sont pas les avenues des grandes villes. Sur les chemins de la vie on ne trouve pas à tous les carrefours une bonne âme pour vous indiquer la route et encore faudrait-il faire confiance. Les chemins de la vie sont parfois bordés de tentations et des dangers les plus fous. Pas faciles les chemins de la vie !
Nous sommes tous embarqués si j’ose le dire ainsi, sur les chemins de la vie ! Tous ! Mais nous ne savons pas tous où nous allons, nous ne savons pas tous quelle destination est la nôtre. Nos itinéraires sont différents mais nous sommes en chemin : destination fortune ? Destination pouvoir ? Destination notoriété ? Destination reconnaissance ? Destination bonheur ? Destination hasard ? Destination demain ?
Il y a autant de destinations qu’il y a de choix de vie. Il y a autant de chemin de vie qu’il y a de destinations. Mais il y a bien plus de croisées ou de ronds-points qu’il n’y a de destination et d’itinéraires. Bien plus de brouillard, bien plus d’arbres couchés en travers du chemin, bien plus de fossés à traverser, bien plus peines et de souffrances qu’on ne le voudrait.
Mais les chemins de la vie sont à notre dimension, nous avons tous notre propre potentiel. Il faudrait tout simplement que dans nos destinations nous choisissions plutôt le ciel que les mirages du pouvoir, de la reconnaissance ou de la fortune. Mais qui veut d’une destination « humilité », « simplicité » ? Qui veut d’une destination pardon ? Qui veut d’une destination justice ? Qui veut d’une destination paix ? Qui veut d’une destination salut ?
Il faut que résolument nous prenions la pelle et la pioche pour préparer le chemin de Dieu vers nous et que, tout autant résolument, nous nous avancions sur les chemins qui mènent de la terre à la Vie. On est de la terre, c’est sûr mais nous sommes tous destinés au ciel de Dieu. Point n’est besoin d’altimètre, de portable et autre GPS, le chemin est tracé, même s’il reste toujours et encore des croisées difficiles de choix.
Avancer, cheminer, le chemin n’est pas facile, mais il est sûr. Et la voix de Dieu n’est pas cette voix suave qu’on peut entendre dans le GPS, l’altimètre pas toujours très sûr parce qu’on se croit toujours plus haut qu’on ne le croit et toujours bien plus dans la bonne direction qu’on ne le croit.
C’est que, sur les chemins de la vie il pleut souvent la haine, comme il pleut l’indifférence, comme il pleut la morale et le regard des autres, le jugement des autres. Le chemin vers le ciel est fait de prières et de confiance en ce Dieu qui est venu cheminer avec nous sur les sentiers de la terre pour nous élever un peu plus haut vers son ciel à lui. Nous nous sommes arrêtés ; arrêter pour reprendre souffle, reprendre quelques forces. Si nous nous sommes arrêtés, c’est pour mieux repartir sur le chemin de notre vie et redécouvrir l’ « essen… ciel… », lumière de Dieu ! Amen !

Louange

Tu es peut-être,
Seigneur,
Comme un idéal incertain
Après lequel
Court depuis tous les temps notre humanité,
En mal d’une espérance,
A la recherche de son propre devenir.

Tu es peut-être,
Seigneur, l’idéal incertain
Dont nous espérons tous
Qu’il viendra mettre un terme à nos incertitudes.

Tu es peut-être,
Seigneur,
Ce quelqu’un
qui saura nous combler
et qui saura
nous dire
que l’espérance
n’est jamais vaine,
qu’il faut savoir tomber
pour connaître la joie
de marcher,
que la nuit
porte en elle
la puissance de la lumière…

Tu es peut-être,
Seigneur,
Ce que nous sentons germer en nous
…depuis longtemps

Tu es peut-être,
Seigneur,
L’aboutissement d’un chemin
Qui n’en finit pas de se renouveler,
Ou chaque tournant
Nous est comme
Une nouveauté.

Tu es peut-être,
Seigneur,
Ce qui nous pousse
A n’être qu’un,
Ce qui nous pousse
A une autre grandeur
Que notre solitude,
A une autre vie
que cette existence
qui nous mène à la mort.

C’est tout,
Seigneur,
Ce que nous savons dire
Quand il s’agit de toi,
Car ces mots
dans lesquels nous te cherchons
n’épuiseront jamais
ce que tu es.

Mais nous croyons,
Seigneur,
que tu es celui que nous attendons
Dieu d’amour et de paix
Dieu de pardon
Dieu de justice et de vérité.

Seigneur,
Nous te louons !

Amen

(D’après « Quel est ton nom… », F. Chagneau, éd. Desclée)

Prière d’épiclèse

Nous voulons recevoir ta Parole, Seigneur…
Nous voulons la faire vivre comme toi tu as vécu notre humanité.

Nous voulons nous laisser conduire par ta Parole,
En acceptant nos limites,
même sans savoir où elle pourrait mener nos pas
Oui, nous voulons nous laisser conduire par ta Parole
en pleine confiance…

Que ta Parole se lève en nous
Seigneur,
quelle se lève pour les pauvres
pour ceux qui peinent
pour ceux qui souffrent
pour ceux qui comptent les jours aux barreaux de leur prison.

Ta parole, Seigneur,
nous voulons la porter dans nos mains, des mains tendues vers demain,
nous voulons la crier,
nous voulons la chanter jusqu’à en perdre la voix
nous voulons la porter dans le désert même de nos vies à nous.

Que ton Esprit,
Seigneur,
Fasse vivre ta Parole…
En nous et à travers nous…

Que ceux qui nous entendront
comprennent que c’est toi qu’ils ont écouté et entendu !

Amen !

(D’après « Quel est ton nom… », F. Chagneau, éd. Desclée)

Intercession

Seigneur,

Tu sais que nos chemins de terre ne sont pas faciles
Tu sais qu’ils sont faits de nos angoisses et de nos peurs,
Qu’ils sont faits de nos désirs et de tout ce qui nous dépasse…

Nos chemins de terre sont souvent difficiles
Faits de peines et d’échecs que nous ne comprenons pas
Faits de désespoirs et d’espérances… et si pauvres de toi

Chemins de terre, chemin de traverse, chemin de vigne…
Chemins de pèlerinage, chemin de foi, de certitudes…
Mais encore chemins barrés, occultés, refusés, déniés…

Chemins de révoltes, chemins de retour, de rejets…
Chemin de jugements, chemins de fermeté
Chemins de pauvreté, chemins de rien qui ne mènent nulle part…

Conduis-nous sur tes chemins à toi
Chemin de pardon et d’amour,
Chemins de justice et de paix…

Conduis-nous, Seigneur, sur les chemins du ciel
Sur les chemins de ton ciel à toi
Pour que nous trouvions la vie en toi et à travers toi…

Donne-nous donc de nous libérer de nos destinations d’humanité…
Pour ne penser qu’à ce que tu veux de nous,
Qu’à ce que tu veux pour nous…

Conduis-nous donc vers toi…
Et que l’amour, la paix, l’espérance et le pardon
Ne soient jamais des impasses, mais des routes « enciellées » qui nous mènent vers toi.

Amen !

(Maurice Devaux)

Détails

Avec la participation de
Orgue
Sara Gerber
Musique
Jean Sidler, violon