Reconnaître notre besoin de l’essen-ciel

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Frères et Sœurs,

Pourquoi pas, ce matin, faire un petit tour dans le bon vieux temps ? Le bon vieux temps auquel je fais référence n’est en fait pas si vieux que ça. C’est ce temps où on écrivait encore des lettres sur papier, avec son stylo préféré. Ce temps où on prenait le temps d’écrire une adresse et de coller un timbre sur l’enveloppe avant de partir au bureau de poste pour leur confier notre missive.
Aujourd’hui, les mots tombent sans grâce sur notre ordinateur, brefs – autant qu’ils peuvent l’être – concis, sans mots recherchés, sans mots autres que ceux qu’il faut. On va droit au but, sans âme aucune, mais en visant ce qu’on croit être l’efficacité !
On en a perdu la magie des mots, la magie de la phrase. On ne dit que l’essentiel, sans âme !
On me dit que c’est le progrès. Et moi, je me demande si on peut encore parler de progrès quand tout s’en va vers l’essentiel, quand tout est ramené à l’essentiel, désincarné ?

Pour vous mettre en déroute, j’aimerais pouvoir dire que dans le mot « essentiel » il y a le mot « essence » et le mot « ciel ». Ce qui est faux bien sûr, mais j’aimerais tant que dans le mot « essentiel » il y ait le mot ciel. L’essence, là, concrète, c’est sûr ! Mais ce serait tellement beau d’y mettre un coin de « ciel » ! Il me semble qu’au sens, à l’essence, il devrait y avoir accoler le mot ciel, c-i-e-l, juste pour qu’on s’élève un peu plus haut, qu’on donne un peu de hauteur et de chaleur, qu’on s’approche un peu plus de Dieu.
Oui, il faudrait mettre un peu plus de « ciel » aux mots qu’on écrit, aux paroles qu’on dit, à ce qu’on veut exprimer. Comme aux mots « providentiel » ou « existentiel » pour les habiter un peu de la présence de Dieu !

Je voudrais revenir à la lettre, à la lettre qu’on écrivait quand on savait encore écrire, quand on prenait encore le temps d’écrire. On l’envoyait à des amis. Et, dans cette lettre il y avait trois éléments importants : il y avait le bonjour qu’on apportait suivi d’un petit mot sympathique, puis les raisons de l’envoi de la lettre et enfin l’au revoir fait de salutations et de mots chaleureux, de souhaits pour que la vie continue dans le meilleur !
Tout à l’heure c’est un texte de l’Epître de la « lettre » aux Ephésiens qui vous a été lu. Quand l’apôtre Paul écrit à cette communauté des chrétiens d’Ephèse, il commence par quelques mots d’introduction, son bonjour à lui : « Paul, apôtre de Jésus Christ par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles en Jésus Christ : à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ…. » Rien de particulier à ces mots si ce n’est que cela ne ressemble pas vraiment aux mots à nous. Nous, on écrit : « Bonjour à toi ! J’espère que tu vas bien. Je souhaite que mes mots à moi te trouvent en pleine forme… »
Paul, lui, fait référence à ses devoirs d’apôtre, il n’écrit pas n’importe quoi, à n’importe qui. Il est – et c’est le plus important – celui qui écrit au nom du Christ et de la foi qui l’a touché. Pas au nom de l’état, pas au nom des institutions, mais au nom d’un ailleurs, qui fait de lui, le porteur d’une parole, d’une parole de force et d’espérance.
Grâce et paix ? Vous savez bien qu’on en a besoin ! Mais qui peut nous donner grâce et paix si ce n’est quelqu’un qui nous vient du ciel de Dieu ? La finale de la lettre est du même genre. Je reprends le texte de l’épître, de l’épître : « Paix aux frères, amour et foi de la part de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ. Que la grâce soit avec tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus Christ d’un amour inaltérable… »
Retour fantastique à Dieu, à son fils, retour fantastique à « la référence » fondamentale, celle qui nous fait vivre. Après ces mots on peut continuer à exister, continuer à vivre, continuer à avancer parce qu’on est sous le regard et la bienveillance de Dieu. Le regard de Dieu, fondamental, important, essentiel pour vivre sur cette terre de misère. Il nous faut bien une espérance et la seule espérance qui survive à nos doutes, à nos nuits, à nos souffrances, c’est le Dieu de Jésus-Christ.

Nous, on écrit : « Porte-toi bien et que les jours à venir te soient propices. » et on ajoute : « J’espère que ta santé reste bonne et que ta vie pourra s’épanouir pleinement. Meilleures salutations à toi et aux tiens…Amitiés (et parfois on ajoute…) bisous. » Là, on signe, on plie la feuille en deux ou en 4, c’est selon, on la glisse dans une enveloppe, on s’applique pour écrire l’adresse, on colle un timbre et il ne reste qu’à glisser la lettre dans la boîte postale.
C’est peut-être le schéma d’une lettre traditionnelle, du temps où on écrivait encore. Des formalités ces mots ? Non, pas vraiment, du cœur oui, même d’un coin de ciel !
Mais le plus important est à venir. Ce qui se trouve entre les salutations d’entrée et les salutations et vœux qui se trouvent à la fin de la lettre, autrement dit le cœur de la lettre ?
Le cœur de la lettre, ce sont ces mots qui vous ont été lus tout à l’heure. Et c’est dans ce cœur que nous trouverons la volonté de Dieu à notre égard, l’essentiel de la volonté de Dieu à notre égard. Je vous rappelle quelques-uns de ces mots dans un langage un peu plus proche de nous :
« Je me mets à genoux devant Dieu le Père… je lui demande qu’il vous donne d’être fortifié intérieurement par son Esprit… que le Christ habite dans vos cœurs… et qu’avec tous ceux qui croient en lui vous compreniez combien l’amour du Christ est grand, même si vous ne réaliserez jamais sa plénitude. A Dieu seul la gloire en tout temps et pour toujours ! » Je ne crois pas que ces mots aient besoin d’explications.
Dans nos vies, nous avons tous besoin de l’Esprit de Dieu pour nous guider, nous orienter et nous faire avancer. Dans nos vies à nous, nous avons tous besoin de recevoir, de ressentir l’amour du Christ pour nous. Dans nos vies, nous avons tous besoin de vivre et de faire vivre cet amour reçu. Dans nos vies à nous, il suffirait parfois de faire acte d’humilité, s’agenouiller, et reconnaître avoir besoin du ciel dans notre quotidien.
Recevoir, vivre, donner, mieux encore, demander et recevoir le pardon de Dieu, pardonner et aimer, ce serait notre manière à nous de louer le Dieu de Jésus-Christ !

J’aimerais revenir à l’essentiel et vous dire que ces mots je souhaite qu’ils soient les vôtres en ce dimanche. Parce qu’une lettre commence comme un jour qui s’annonce, elle se termine comme un jour qui prend fin, mais c’est entre les deux que nous sommes appelés à vivre. C’est comme une parenthèse, mais une parenthèse qui compte.
Je vous souhaite à tous, dans chacune de vos journées de vous mettre entre parenthèses, entre les parenthèses de Dieu, sans négliger ni la grâce, ni la paix, ni l’Esprit, ni l’amour !
La grâce et la paix, l’Esprit et l’amour, on peut toujours tenter de les expliquer par des mots du dictionnaire, mais ces mots-là, ces mots du ciel, on ne les comprend vraiment, on ne les intériorise vraiment que quand on les a reçus et vécus intérieurement ! Il suffirait, peut-être, de s’agenouiller un peu plus souvent et de reconnaître avoir besoin du ciel dans nos vies à nous finalement, reconnaître avoir besoin de « l’essen-ciel ! »
Amen !