Comment naître de nouveau

image

Chers amis paroissiens d’Ollon-Villars, vous amis vacanciers de passage à Villars qui êtes avec nous ce matin et vous tous qui nous écoutez par les ondes de la radio, nous aimerions nous laisser interpeller, en ce dimanche 13 juillet, ainsi que dimanche prochain, ici au Temple de Villars, par deux rencontres importantes avec Jésus racontées par l’évangéliste Jean au début de son livre. Si l’évangile selon Jean se caractérise, d’une part, par les longs discours d’adieux que Jésus tient à ses proches avant de les quitter, discours que l’on ne retrouve pas tels quels dans les autres évangiles, il se caractérise aussi par ces rencontres marquantes que font différentes personnes avec Jésus. L’évangile selon Jean est l’évangile des rencontres : rencontres avec la femme samaritaine, avec Nicodème, avec Nathanaël, mais aussi l’infirme de la piscine de Béthesda et bien d’autres encore.
Évangile selon Jean, évangile des rencontres, et aussi, pourrait-on dire, évangile de la foi. C’est ce que mettent en avant les paroles qui viennent clore le livre, la première conclusion au chapitre 20 : « Tous ces signes (c’est-à-dire tous ces miracles de Jésus ) ont été mis par écrit, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. »
Il s’agit pour toutes ces personnes qui rencontrent Jésus de reconnaître en Lui la vie même de Dieu et de parvenir elles-mêmes à cette vie donnée par Dieu. Mais n’anticipons pas trop et revenons au début de notre évangile !

Jésus est à Jérusalem et on nous dit que beaucoup crurent en lui, voyant les miracles qu’il faisait. On nous dit aussi que Jésus lui-même ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous. Le ton est donné. Les miracles que fait Jésus, dit Jean l’évangéliste, c’est une chose. Etre guéri, être relevé par Jésus, c’est une chose, mais encore faut-il croire en Lui, encore faut-il reconnaître en Lui le Messie, le Fils de Dieu. C’est cela le miracle de la foi. Le miracle de la foi, c’ est le miracle par excellence. Le véritable miracle, c’est de naître à la vie offerte par Dieu. C’est ce que nous dit la rencontre de Jésus avec Nicodème.
Nicodème est un notable. Il appartient au parti éminent des pharisiens. Ce mot vient de l’araméen « péroushim » qui signifie « les séparés ». Les pharisiens sont l’un des trois grands partis juifs du temps de Jésus, avec les sadducéens et les esséniens. Les pharisiens étaient les plus étroits des trois, les garants du respect de la loi religieuse. Ils croyaient à l’immortalité de l’âme. A la résurrection des corps, à l’existence des esprits, aux récompenses et aux sanctions dans l’au-delà. Les pharisiens pensaient que les âmes des méchants resteraient emprisonnées sous terre, tandis que celles des bons revivraient dans des corps nouveaux.
Le cœur de leur système de pensée ramenait la religion à l’observation de la loi. Leur système de pensée enseignait que Dieu ne donne sa grâce qu’à ceux qui se conforment à ses ordonnances. La foi des pharisiens courait le risque de devenir une piété formaliste, la disposition du cœur ayant moins d’importance que l’acte extérieur posé aux yeux de tous. Au fil des années, l’interprétation de la loi et son application à tous les détails de la vie quotidienne avaient pris une grande importance. Les commentaires des docteurs juifs avaient fini par former un véritable code faisant autorité.
Avant sa rencontre avec Jésus sur le chemin de Damas, l’apôtre Paul lui aussi était pharisien, et il se glorifiait de la solide formation reçue dans la religion de ses pères. Flavius Josèphe, l’historien juif, était pharisien et disait que les scribes du temps de Jésus non seulement interprétaient la Loi plus subtilement que les autres, mais aussi imposaient au peuple une masse de préceptes tirés de la tradition ne figurant pas dans la loi de Moïse. Si les pharisiens des débuts se distinguaient par leur droiture, par leur courage, et représentaient en quelque sorte l’élite de la nation, par la suite leur niveau moral et spirituel baissa, les points faibles de leur système de pensée apparurent au grand jour et leur attirèrent des critiques virulentes. On connaît le fameux « race de vipères » que leur lança Jean le baptiste, les enjoignant à produire du fruit digne de la repentance. Jésus lui-même dénonça leur orgueil, leur hypocrisie, leur négligence des éléments essentiels de la loi, alors qu’ils attachaient la plus grande importance aux petits détails.

Du temps de Jésus, les pharisiens formaient une coterie astucieuse qui trama le complot meurtrier contre lui. Il y eut toujours cependant parmi eux des hommes sincères comme Nicodème justement, Nicodème qui réapparaît à la fin de l’évangile en homme juste et droit venant chercher le corps de Jésus pour l’embaumer.
Nicodème est un homme intelligent. Il vient chercher la discussion avec Jésus. Nicodème est un homme intelligent, mais pas excessivement audacieux .Ses actes restent prudents et mesurés, puisqu’il vient trouver Jésus de nuit, en secret, à l’abri des regards. Il ne faudrait quand même pas se compromettre avec ce personnage de Jésus, probablement intéressant mais dont on ne sait pas encore grand-chose. Face à l’inconnu, la discrétion et la prudence sont de mise. Nicodème vient avant tout chercher le dialogue avec le maître de Nazareth, sa première phrase l’atteste bien, puisqu’il en dit juste assez pour susciter l’intérêt de Jésus et le laisser maintenant lui-même prendre la parole et délivrer son enseignement.
«En vérité en vérité je te le dis, dit Jésus à Nicodème, à moins d’être engendré d’en haut, nul ne peut voir le royaume de Dieu.» Jean aurait aussi pu dire « à moins d’être engendré d’en haut », nul ne peut « recevoir la vie » ou bien « nul ne peut avoir la vie éternelle », ce qui correspondrait mieux à son langage à lui. Ces mots de Jésus suscitent l’incompréhension du docteur de la loi, tenté de ramener toutes choses à ce qu’il connaît. Pour lui, l’homme est récompensé par ses actes, par son comportement droit, par l’application des commandements. Par contre, pour Nicodème, l’action de Dieu dans le monde, la re-création qui s’opère en Jésus restent encore très mystérieuses. Pour Jésus, le projet de Dieu c’est cette re-création de l’homme par la nouvelle naissance, par cet engendrement nouveau, d’en haut, qui est le fait même de Dieu et qui correspond à Sa volonté. Il s’agit d’être engendré d’en haut à la vie de Dieu. Le grec, langue très technique exprime beaucoup mieux que notre français les deux sens de ce mot. Il s’agit à la fois d’être engendré « d’en haut, c’est-à-dire de Dieu », et d’être engendré « à nouveau ». Ce double sens, typique de la langue grecque, n’existait par ailleurs pas dans l’araméen que parlaient et Nicodème et Jésus. La nouvelle naissance est l’acte par excellence de Dieu, l’acte de l’Esprit, qui recrée toujours du nouveau, du neuf, de l’inattendu. Bien avant Jésus, le prophète Ezéchiel déjà, parlait de ce cœur nouveau, de cet esprit nouveau qui seraient donnés à l’homme.

Dans son dialogue avec Nicodème, Jésus va expliciter ce qu’il entend par cet engendrement nouveau, en parlant de « naître d’eau et d’Esprit ». L’eau fait allusion à la purification du baptême. L’Esprit c’est l’Esprit-Saint de Dieu, l’Esprit recréateur, source de vie nouvelle. Dans ces quelques versets, l’accent porte plus sur l’Esprit que sur l’eau, l’eau fréquemment utilisée chez les prophètes de l’Ancien Testament et au sein de la communauté de Qûmran, comme symbole de l’Esprit-Saint. Naître à la vie de Dieu. C’est assurément le projet de Dieu pour l’homme, c’est assurément aussi ce qu’il nous faut chercher !
La nouvelle naissance est l’entrée dans la vie même de Dieu, même si elle n’en est, je dirais, que le portique d’entrée et même si ce portique est souvent richement décoré, souvent éblouissant ! La nouvelle naissance est un peu pour le chrétien ce qu’est pour un couple une magnifique cérémonie de mariage à l’église. Ce n’est pas un but en soi, mais un événement lumineux qui marque le commencement d’une grande et belle aventure. Mais ce n’est que le début. Il nous faudra ensuite, après l’éblouissement de la rencontre avec le Christ, après l’éblouissement de la nouvelle naissance, du premier amour, trouver dans nos vies de chrétiennes et de chrétiens force et régularité pour tenir fermement le cap sur cette vie nouvelle reçue de Dieu .Question de force morale et de volonté de notre part, pour rester fidèle à l’enseignement de Jésus. Rester fidèles à sa personne, à tout ce que nous avons reçu en Lui. Il nous faudra tenir nos regards fixés sur lui, sur sa personne descendue du ciel nous faire connaître les mystères de Dieu. Il s’agira pour nous d’accueillir chaque jour son témoignage, comme le dit Jean, d’accueillir chaque jour dans nos vies de chrétiennes et de chrétiens ce qui est digne de Jésus, il s’agira pour nous de tendre vers l’idéal de vie que Dieu nous a fait connaître dans la Bible et dans la personne de Jésus.
Il nous faudra aussi, je pense, rester en lien avec la communauté des croyants qui se rassemble au culte ou à la messe, dimanche après dimanche. Rester en lien avec des chrétiennes et des chrétiens, ne pas les critiquer, ne pas se laisser distancer ou devenir amers. Ne pas ménager nos efforts au jour le jour pour que quelque chose de la personne de Jésus passe au travers de nous, pour les hommes et les femmes que nous côtoyons sur nos chemins. Puisque Jésus n’est plus pour nous aujourd’hui cette personne concrète cheminant sur les routes de Palestine, toujours à disposition, toujours disponible pour enseigner ses disciples et répondre à leurs questions de toutes sortes, la rencontre avec Jésus se fait pour nous aujourd’hui en grande partie dans la rencontre avec tous ceux et toutes celles qui lui appartiennent, que nous rencontrons. Jésus n’est-il pas, d’une certaine façon, mystérieusement caché derrière chaque visage d’homme ?
Évangile selon Jean. Évangile de la rencontre. Évangile de la foi aussi, née de notre rencontre avec la personne de Jésus. Évangile de toutes les promesses. Source de lumière.
Redis-nous Seigneur, que nous n’avons pas rêvé. En Jésus tu nous fais la grâce d’une naissance nouvelle, en Jésus, tu nous accompagnes et tu nous illumines, pour les siècles des siècles.
Frères et sœurs, et vous amis qui nous écoutez par le biais de la radio, que Dieu par le souffle mystérieux mais efficace de son Esprit, nous donne d’accueillir chaque jour ce qui est digne de Jésus. Et que cette personne lumineuse du Christ soit le but et le point d’horizon de nos vies, qu’il soit lui-même notre force et notre soutien au quotidien, sur cette route où nous marchons ensemble.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Pierre Pilloud
Musique
Suzanne Perrin-Goy, hautbois