La bonne place?

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Écouter le culte :

Une place pour chaque chose
Un ami bibliothécaire m'avait rendu attentif à l'importance qu'il y avait, dans une bibliothèque publique, de toujours remettre un livre à sa place. Un livre qui n'est pas à sa place est un livre perdu! Sauf à entreprendre un inventaire complet de la bibliothèque, il y a peu de chance qu'on le retrouve. Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place! Dans une bibliothèque, la pertinence de cet adage se vérifie pleinement. Et ce n'est certainement pas le seul endroit!

Dans notre cadre de vie, dans notre environnement proche, une multitude d'objets et de personnes ont leur place attribuée. Pas besoin de réfléchir, pas besoin de perdre du temps à les chercher: ils sont là, à leur place. Et c'est bien ainsi. Vous voulez boire un verre de lait? Vous allez dans la cuisine, vous ouvrez l'armoire à vaisselle, puis le frigidaire… et l'affaire est réglée.

Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Cette manière de concevoir notre environnement et nos relations dans la société a quelque chose de rassurant. C'est la marque d'une stabilité reposante. Pas besoin de se prendre la tête, pas de risque d'être surpris ; l'ordre est respecté, la tradition est sauve. Et pourtant cette manière de concevoir notre environnement et nos relations a le défaut de ses qualités. Elle empêche tout changement, elle empêche toute évolution, elle empêche tout renouveau. D'une certaine manière, elle est porteuse de mort. Car la vie, c'est le changement. La vie, c'est l'étonnement. La vie, c'est le mouvement. La vie, c'est la surprise. La vie, c'est le déplacement.

Quand Dieu met le désordre
Et la Bible ne nous dit pas autre chose. Même si les récits de la création peuvent nous donner l'impression que Dieu attribue à chaque chose sa place, l'ensemble des récits bibliques nous montre que Dieu provoque sans cesse des déplacements. Ainsi, pour libérer son peuple d'Égypte, Dieu ne choisit pas le beau parleur, le leader né, mais il choisit un Moïse un peu gauche, qui s'exprime avec difficulté. Pour devenir roi d'Israël, il ne choisit pas un gaillard bien bâti et expérimenté, mais un petit berger en début de carrière. Et quand Dieu décide de venir visiter son peuple, il ne choisit pas de naître dans un palais ni de mourir dans un lit: c'est l'étable et la croix, deux lieux qui, à vue humaine, ne sont pas les bonnes places pour un Dieu.

Aujourd'hui, nous sommes le dimanche de l'Épiphanie. L'Épiphanie, c'est une fête qui commémore la révélation du Christ à l'humanité tout entière, cette humanité personnifiée par les savants venus d'Orient. Ça, c'est le sens et la place de cette fête dans notre vie de foi et dans notre calendrier chrétien. Et si l'on essayait de donner à cette fête une autre place, un autre sens?

Pour moi, l'Épiphanie, c'est une fête qui nous rappelle que Dieu nous invite à nous laisser surprendre, que Dieu nous invite à accepter de changer de place – un changement qui n'est pas seulement spatial, mais un changement qui est aussi un changement intérieur. Un changement que les mages ont vécu eux-mêmes il y a deux mille ans.

Les mages doivent changer
Oui, pour les mages, un certain nombre de choses ont changé de place. Pour eux, tout a commencé dans le cadre de leur activité. Quand on observe le ciel, on sait que chaque astre a sa place. Ainsi, chaque nuit, les mages pouvaient observer les changements et remarquer que tout se faisait selon une certaine logique. Et voilà que cette belle logique est perturbée par un objet lumineux qui n'est pas à sa place. Un objet qui surgit au milieu d'un bel agencement et qui provoque la surprise.

Donc, dans leur logique, les mages pensent que cette apparition témoigne d'une naissance royale. Alors on se met en route, on change de place. On n'est plus derrière sa lorgnette, mais les pieds dans la poussière pour aller on ne sait où.

Logiquement, les mages arrivent à Jérusalem. Si un roi est né, il faut aller là où il y a un palais. C'est là la bonne place. Eh bien non! Là aussi Dieu brouille la logique humaine. On cherche dans un palais, alors que la bonne place c'est dans l'étable.

Et, pour le retour, changement d'itinéraire. Une nouvelle fois Dieu propose un autre chemin. Oui, dans l'histoire des mages, rien n'est à sa place. Une manière de dire au lecteur de l'Évangile que la naissance du Christ inaugure un temps de déplacement. Une manière de nous dire aussi, à nous les chrétiens d'aujourd'hui, que le déplacement est constitutif de notre foi. On ne peut pas être chrétien et rester toujours à la même place.

Changer de place
Ce changement de place, ce déplacement, il ne faut pas seulement en parler, il faut aussi essayer de le mettre en pratique, de le vivre. Pour nous, paroissiennes et paroissiens de La Sallaz-Les Croisettes, cette volonté de changer de place, de se déplacer s'est concrétisée dernièrement dans un projet de réaménagement de l'église de Vennes. Inspirés par une expérience vécue dans une église de Minneapolis, aux États-Unis, les responsables de notre paroisse ont proposé de repenser l'aménagement de l'église de Vennes et de proposer un nouvel espace cultuel. Ce réaménagement est déjà le résultat d'un déplacement vécu par l'ensemble de la paroisse, qui a été partie prenante de la démarche et qui a accepté de se laisser bousculer. Ainsi, quand vous entrez dans l'église de Vennes, vous ne voyez pas une alignée de bancs bien rangés les uns derrière les autres. Quand vous entrez dans l'église, vous vous trouvez dans un espace meublé de bancs, de fauteuils, de chaises et de canapés. L'espace se veut accueillant et convivial pour tous, sans distinction: paroissien habituel ou nouveau venu, personne âgée ou enfant. Tous ont leur place. Vous pouvez trouver des photos sur notre site internet.

Mais pour que ce changement ait un sens, il faut qu'il soit seulement la partie visible d'un déplacement autre et bien plus profond. Un déplacement qui est d'abord d'ordre spirituel et théologique. Le récit des mages nous rappelle l'unité de la famille humaine. Le savant, le riche, le privilégié pénètre dans le lieu du dénuement, de la simplicité, de la misère. À ce moment-là, c'est dans l'étable que se vit la communauté humaine, la communauté des enfants de Dieu. Une communauté multiple, faite d'êtres humains de toute origine. Et si les mages rentrent chez eux par un autre chemin, ce n'est pas seulement pour éviter Hérode, c'est aussi à cause de ce qui a été vécu dans l'étable. La rencontre du Christ nous déplace et nous fait découvrir des chemins inconnus, des lieux que nous n'aurions pas eu l'idée de visiter.

Changer de place
Oui, aujourd'hui encore, Dieu fait se lever des étoiles et met en route des mages. Aujourd'hui encore, Dieu provoque des changements de place.

Jusqu'à présent, comme Église, comme chrétiens, nous avons peut-être consacré beaucoup de temps et d'énergie à défendre notre place et à remettre à sa place ce que d'autres voulaient déplacer. Mais il n'est jamais trop tard pour repérer dans notre ciel une nouvelle étoile. Il n'est jamais trop tard pour se lever et se mettre en route vers l'inconnu. Il n'est jamais trop tard pour changer de place et redonner vie à ce qui risque de se figer définitivement.

Alors, aujourd'hui, je vous invite – vous paroissiennes et paroissiens de La Sallaz-les Croisettes et vous tous qui nous écoutez à la radio – je vous invite à prendre le temps de l'observation et à regarder autour de vous si une nouvelle étoile n'a pas pris place dans ce ciel que vous croyez connaître par coeur. Une étoile qui ne brille pas nécessairement au firmament, mais une étoile qui, de toute évidence, vient perturber votre routine et vos habitudes.

Aujourd'hui, je vous propose aussi de voir de quelle manière vous pouvez vous mettre en route. Une route extérieure, qui peut être solide et ferme. Une route intérieure, qui peut être spirituelle et affective. Une route qui vous fera découvrir des réalités nouvelles; une route qui ne manquera pas de surprises.

Enfin, aujourd'hui, je vous pose cette question: vous, cherchez-vous encore Jésus? Et où le cherchez-vous? À quelle place? Dans un palais? Dans une étable? Dans la liturgie? Dans des bancs bien alignés? Dans la vie communautaire? Dans les églises? Dans la foule des centres-ville? Ou peut-être tout ailleurs, dans ce lieu que vous ne connaissez pas encore et que Dieu a choisi de vous faire découvrir?

Amen

Une place pour chaque chose… et chaque chose à sa place! Est-ce aussi simple que cela? Les mages ne sont pas arrivés à la bonne place… parce que Jésus n'était pas né à la bonne place. Pourtant, il y a des déplacements qui transforment la vie!

Détails

Avec la participation de
René Sterckx et Irène Kernen
Orgue
Anne Chollet
Musique
Jocelin Lipp à la basse électrique, Anne Chollet au piano, Lino Perdrix au vibraphone et marimba basse, Emmanuel Schmied à la trompette