Pour voir passer le Christ, il n'y a pas de mauvaise place!

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Écouter le culte :

Voilà que la Pastorale de la Rue peut passer à la Radio ce matin et c'est grâce à l'invitation de la Paroisse de La Sallaz-Les Croisettes. Nous qui célébrons tous les dimanche soir à la chapelle de la Maladière, voilà qu'on nous invite dans des grands murs ! Et ce matin, nous pouvons apporter en plus à tous les auditeurs un bout de notre terrain d'église, d'église de rue, là où nous partageons quotidiennement les chemins de traverse de la marge, de l'exclusion et de la pauvreté de chez nous ; là où nous cherchons et où nous sommes cherchés par tous ceux et toutes celles qui ont perdu presque tout et vivent avec presque rien et surtout avec presque personne.

C'est aussi là que le Christ marche et qu'il n'arrête pas de rencontrer. Jésus marche sans arrêt, il est en route, ce matin comme hier, c'est lui qui fait la démarche – vers nous, sur le chemin de Jéricho ou du Temple de la Sallaz. Il traverse la vie des gens, il les chope au passage, et c'est comme ça que nous pouvons le rencontrer, comme c'est arrivé à Zachée : en grimpant... aux arbres !

Mais qui est Zachée ? Un homme curieux, petit, faussement riche, tricheur, manipulateur d'argent sale, un type louche et en plus, ou à cause de tout cela, un distancé de l'Eglise de son temps. Zachée est le genre de personne dont on nous a recommandé d'éviter la rencontre. Et Zachée cherche à satisfaire sa curiosité et à compenser ses complexes d'infériorité d'homme de petite taille. Il n'est jamais facile dans la vie d'être petit, dans aucun sens du terme : il faut tendre le cou pour voir par-dessus l'épaule des autres, ceux qui cachent le monde et qui empêchent d'être au-devant de la scène de la vie.

Alors, dans notre texte biblique, il est un mot qui caractérise Zachée, un mot qu'il est utile de mieux comprendre grâce à cette figure : Zachée est le type même du « pécheur ». Le texte nous le dit : nous avons affaire à un « pécheur ». Et comme la Bible nous dit que nous sommes tous des pécheurs, l'histoire de Zachée, pour chacun de nous, commence bien : nous sommes tous des Zachée ! Et alors, comme Zachée, c'est avec tous ces défauts qu'il va falloir vivre, aussi devant Jésus qui va croiser notre chemin. Il va falloir grimper ! Zachée est pris d'un accès de curiosité : il a envie de voir Jésus, il ne veut pas manquer l'occasion, Dieu ne passera peut-être pas deux fois dans sa vie, alors, qui sait ? Mieux vaut se pousser un peu, se hisser dans les hauteurs, quitte à se ridiculiser, et surtout, quitte à rester coincé. Au risque de manquer la rencontre avec la vedette qui va passer par là...

Fiché dans son sycomore — un arbre qui permet même aux petits de grimper parce qu'il a des branches jusqu'au bas du tronc — Zachée est bloqué : ou il reste coincé là et il verra ce qu'il veut voir, mais ne pourra pas s'approcher de Jésus. Ou alors, il redescend, mais au risque de se retrouver tout derrière, incapable de rencontrer le Maître qui passe sur son chemin. Alors, Zachée choisit d'être ce qu'il est et d'en supporter les conséquences : il verra Dieu passer, mais sans pouvoir aller à sa rencontre, hélas. À la place où il est, il n'a guère de chance de pouvoir rejoindre Dieu, il est condamné à rester bloqué dans son arbre. Et c'est là que survient l'imprévu, la surprise qui dérange tout le monde, c'est là que Jésus va semer la pagaille dans le cortège et chez les spectateurs de la vie : « Zachée, descends vite de là : il me faut aujourd'hui entrer dans ta maison. » Zachée, descends vite ! Zachée, sors de ta situation coincée, viens, bouge-toi de ton coin : c'est moi, ton Dieu, qui vais te rencontrer. « Zachée ! »

Rendez-vous compte : Jésus l'appelle, et il ne lui dit pas : « Hé, toi, là-haut, descends voir et viens vers moi ! » Non, c'est juste le contraire qui se passe : Jésus lui crie son nom, « Zachée ». Jésus le connaît ! Et le nom de Zachée, savez-vous ce que cela veut dire en hébreu ? Cela signifie : « Dieu se souvient ». Alors, c'est comme si Jésus lui criait : « Descends, ‘Dieu-se-souvient’ ». C'est dire que Jésus sait qui est ce pécheur type, il le connaît parfaitement, il se souvient de lui, alors que Zachée, lui, ne connaît pas Jésus.

Curieux : Dieu nous connaît parfaitement, alors que nous sommes incapables de le connaître par nous-mêmes. Et non seulement Dieu nous connaît, chacun, par notre nom, mais Dieu veut nous rencontrer. Il nous appelle à la place où on est, Dieu veut entrer chez nous, « demeurer dans nos maisons » comme dit le texte. Ce n'est pas Zachée qui va vers Jésus, c'est Jésus qui va vers lui. La chance pour Zachée, son bonheur, son salut, ne vient pas de lui, de ses forces, non. Son bonheur vient de Dieu lui-même, de Dieu qui passe par là et l'aime au point de vouloir aller chez lui. Oui ! Voilà que Jésus, en prenant l'initiative de la rencontre, devient le proche de Zachée, celui qui change tout dans sa vie. Et Zachée se retrouve au centre de la vie, au centre des ragots ; pensez donc, un type pareil, voilà que ce Jésus va précisément chez lui. Zachée, lui, s'en fiche ! Pour lui, une seule chose compte : la joie. La joie d'avoir été vu, reconnu, rencontré et aimé : Dieu est devenu son ami et il a bien l'intention de le rester – si Zachée le veut bien. Ce qui sauve, ce qui fait vivre, c'est d'aller vers les autres, à la place où ils sont, comme ils sont. Que devient Zachée par cette rencontre de Jésus avec lui ? La réponse est ahurissante, complètement folle : Zachée devient d'une générosité inouïe, déplacée : « Eh bien ! Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j'ai fait tort à quelqu'un, je lui rends le quadruple. » On entend d'ici les murmures des gens : ah, le bluffeur ! ah le tricheur ! Du jamais vu, du jamais entendu !

Mais passons sur la joie toute folle de Zachée, voyons la réaction de Jésus. Et là c'est pire encore : Jésus, Dieu en personne, approuve la joie de cet homme, ses folles promesses, Jésus lui-même y croit : mais oui Zachée, dorénavant nous ferons cela ensemble, moi avec toi et toi avec moi. Tu as trouvé un autre sens à ta vie, un autre chemin, et nous marcherons côte à côte, et je te garderai heureux sur ce chemin tout neuf. Oui, Zachée, tu es descendu de ton arbre et tu ne seras plus obligé d'y remonter. De petit, tu es devenu grand à mes yeux. Car, « aujourd'hui, Zachée, le salut est venu pour cette maison » et moi, je suis « venu chercher et sauver ce qui était perdu ».

Et nous à la Pastorale de la Rue ? Avec quel Zachée rencontrons-nous Jésus ? À Lausanne, ceux qu'on accompagne se sentent souvent comme Zachée : mal vus, mal aimés, pas nets, pas biens, si petits que personne ne les regarde. Au sens propre comme au figuré, ils sont à une place qui est très loin de ces bonnes places assises du Temple de la Sallaz. Et quand on est toujours à la mauvaise place, eh bien, on traîne sur les places de la ville. Est-ce qu'ils grimpent aux arbres pour voir passer la réalité de Dieu ?

Avant-hier, une Zachée me téléphone depuis la prison de Lonay : elle y est depuis si longtemps qu'on se demande pourquoi ils ne lui trouvent pas une autre place. Elle me dit : « Roselyne, ma princesse, j'ai trop de problèmes avec celui d'en-haut ! Il faudra que tu viennes me voir pour en parler. » Celui d'en-haut, ce n’est pas la cellule d'au-dessus, c'est Dieu. Et Maria, si tu m'écoutes à la radio, je t'embrasse en direct ! Et puis Maria me demande de lui passer Jean-Marc, qu'elle puisse parler un moment avec celui qui autrefois était coincé dans son arbre.

Jean-Marc, mon ami, ici présent, avec qui vous me voyez tout le temps, c'est un sacré Zachée et un Zachée sacré ! Je l'ai rencontré il y a plus de 16 ans, sur la place de la Riponne. Il n'était vraiment pas recommandable. Il était à une très mauvaise place aux yeux de la société et aux yeux du monde, mais pendant des années il surgissait là où j'étais, il cherchait à me voir, à me parler. Quand il y avait trop de monde, il repartait tout triste et je lui courais après pour lui donner un p'tit quelque chose. Plus il allait mal, plus il me demandait de l'aider à trouver une meilleure place de vie mais moi aussi, comme Zachée, j'étais coincée à ma place. Il a fallu le pire pour nous décoincer de nos arbres. Il y a huit ans, Jean-Marc a été amputé d'une jambe : « Un bout de viande en moins », qu'il disait. Et de sa fenêtre d'hôpital, il me montrait un arbre et disait : « Tu vois, si je n'arrive pas à marcher, je me pends à cet arbre. » Alors moi j'ai grimpé, grimpé, pour qu'il le rencontre, Jésus, ce Dieu qui se souvient, et qu'il puisse remarcher. Je ne savais même pas s'il y croyait à cette place de Dieu dans sa vie, mais la rencontre a eu lieu, et c'est vrai que tout le nouveau dans nos vies ne peut naître que de cette rencontre. Comme à Jéricho, aujourd'hui comme hier. Et Jean-Marc a été au centre des ragots, moi aussi du reste. Ceux d'avant croyaient qu'il bluffait et ceux d'après nous prenaient pour des fous. Désormais, nous marchons ensemble, Jean-Marc donne à la Pasto et à la vie le centuple de tout ce qu'il n'a pas pu donner avant. Mais nous ne sommes pas seuls, tous les deux. Il demeure avec nous, jour après jour et continue à nous bousculer pour pas qu'on s'installe, sans lui, à une autre place.

Amen.

Avec ce troisième culte au Temple de La Sallaz-Vennes, suite d'une réflexion sur le thème de "la place". Le 7 janvier: la bonne place n'est pas toujours celle qu'on pense! Le 14 janvier: la place des jeunes. Pour ce culte, la pasteure Roselyne Righetti, de la Pastorale de la rue à Lausanne, médite sur l'idée que "pour voir passer le Christ, toutes les places sont bonnes". Une réflexion sur la place de celles et ceux qui n'ont pas de place…

Détails

Avec la participation de
Marie-Claude Baatard, Valérie Bronchi, Laurent Balsiger
Orgue
Mina Balissat
Musique
Choeur Fa7 sous la direction de Jacqueline Savoyant, avec Marie-France Combremont, soliste, Daniel Danet au piano, Jean Baatard à l'orgue de Barbarie