Le Christ nous fait le cadeau de devenir fils et filles de Dieu

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Ah, les résolutions que l'on prend à Nouvel An ! C'est une belle et bonne tradition, vous ne trouvez pas ? Les résolutions sont bonnes à prendre, en effet. Mais le plus souvent, soyons honnêtes, elles ne passent pas le cap des prochaines fêtes... Et c'est, à vrai dire, un peu vexant. Et comment, que c'est vexant ! Parce que cela nous place devant nos limites, devant nos incohérences, devant notre manque d'endurance. Parce que cela creuse encore davantage ce fichu décalage qu'il y a entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être. Cela nous fait réaliser que nous sommes peut-être, au fond, incapables de changement. Et que le temps, plutôt que de jouer en notre faveur, nous enfoncera toujours plus dans nos malheurs.

Est-ce donc inutile de prendre des résolutions ? Je ne le pense pas. J'en ai pris, moi aussi, sur les pistes de ski, jeudi dernier, au jour de l'An. Mais je ne vais pas vous les révéler. Surtout pas dans une prédication. Et encore moins sur les ondes de la RTS, avec quelques milliers d'auditeurs pour témoins... La honte si je me plante ! Et puis surtout, cela ne regarde personne. Non, mes résolutions ne sont pas un sujet de prédication ! Et il ne me viendrait pas à l'idée de vous demander de me dévoiler les vôtres.

Une résolution, chers amis, c'est au fond assez intime, en plus d'être fragile. Et si cela marche - ou ne marche pas - ce n'est pas seulement en raison de nos forces ou de nos faiblesses. Mais c'est aussi - et c'est peut-être bien d'abord - parce qu'il s'agit d'un cadeau que l'on voudrait se faire à soi-même. Ce n'est pas simple, on le sait, de se faire un cadeau à soi-même ! Est-ce que je le mérite vraiment ? Est-ce que j'en vaux la peine ? C'est difficile de s'offrir quelque chose de bon ! Finalement, cela nous aiderait peut-être que quelqu'un d'autre le fasse pour nous… Peut-être qu'une résolution prise pour moi par un autre serait plus efficace...

Peut-être... Sûrement, même... Enfin, voilà quelques réflexions autour de Nouvel An, puisque nous venons d'en franchir le cap. Mais Nouvel An n'est pas une fête chrétienne. Il nous faut, ce matin, revenir à la fête de Noël, qui a inauguré un temps spécial. Le temps de Noël, justement. Un temps qui va, chez nous, en Occident, de Noël au dimanche de l'Épiphanie, autour du 6 janvier. L'Épiphanie, c'est l'arrivée des mages à la crèche. Qui donc a décidé que ces mages venus d'Orient feraient une marche à l'étoile pour se rendre à Jérusalem, puis à Bethléem ?

Qui donc a pris la résolution de ce voyage vers un enfant roi qui venait de naître en Judée? Il semblerait bien que ce soient eux, les mages, mais c'est aussi l'astre qui les a décidés à se mettre en chemin. Ils se sont donc convaincus les uns les autres de suivre cet astre inhabituel dans le ciel, et derrière leurs délibérations, derrière l'astre, derrière leur décision de se mettre en chemin, on peut deviner, avec l'évangéliste Matthieu, on peut deviner que c'est du « signé Dieu », même si Dieu n'est pas nommé dans le récit. La résolution des mages a donc passé par des observations, par des décisions, par des délibérations, par des questions à Hérode et à ses théologiens et même par une réorientation divine lors d'un songe : retirez-vous par un autre chemin…

Les mages ont donc emprunté un autre chemin, sans passer par Jérusalem. Ils sont rentrés dans leur pays, laissant à Bethléem, chez un enfant qui venait de naître, des cadeaux que l'on aurait plutôt vus destinés à un enfant de roi, né dans la capitale. Mais à y regarder de près, ces cadeaux étaient bien destinés à Jésus, l'Emmanuel. Irénée de Lyon, Père de l'Église venu de l'Orient, lui aussi, en a magnifiquement décrypté la triple signification. Écoutez plutôt :

« Ayant été guidés par l'étoile, vers la maison de Jacob, jusqu'à l'Emmanuel, ils firent voir, par les présents qu'ils offrirent, quel était celui qu'il adoraient :
- la myrrhe signifiait que c'était lui qui, pour notre race humaine mortelle, mourrait et serait enseveli ;
- l'or, qu'il était le Roi, dont le règne n'aurait pas de fin :
- l'encens, enfin, qu'il était le Dieu qui venait de se faire connaître en Judée et de se manifester à ceux qui ne le cherchaient point. »

Les mages sont venus les mains pleines et sont rentrés les mains vides ! Ils ont dit, en déposant leurs présents, quelque chose de ce Jésus qui venait de naître. Et je crois volontiers que ce quelque chose qu'ils ont dit par leurs présents les a complètement dépassés. Et pourtant, c'était bel et bien leur résolution pour marquer la naissance de ce nouveau type de roi sur la terre...

Les mages d'Orient sont donc venus les mains pleines, et ils sont rentrés chez eux les mains vides... Vraiment ? N'ont-ils rien reçu à Bethléem, les mages d'Orient ? N'ont-ils été, dans le pire des cas, que les faire-valoir plus ou moins authentiques ou folkloriques du petit Jésus ? N'ont-ils été, dans le meilleur des cas, que les révélateurs de la royauté universelle de ce Jésus, qui allait déployer la signification de l'encens, par sa vie, de la myrrhe par sa mort et de l'or par sa résurrection ?

Oui, les mages de l'Évangile de Matthieu sont la préfiguration de la fin du même Évangile : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples... Et moi je serai avec vous jusqu'à la fin des temps ». Oui, les mages sont une incarnation de cette bénédiction, plus ancienne encore, faite à Abraham dans le livre de la Genèse : «  Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ... en toi seront bénies toutes les familles de la terre. »

Mais ce n'est pas tout. Ils sont encore les bénéficiaires de la résolution de Dieu ! Ils reçoivent un cadeau bien plus grand que ceux qu'ils ont déposés ! Ah bon, vraiment ? Lequel ? Celui de révéler, à l'insu de leur plein gré, la méchanceté et la bêtise sans limites du roi Hérode, qui pourrait parrainer, aujourd'hui, plusieurs rois, parmi lesquels celui de Damas ?

Les mages reçoivent un cadeau bien plus grand que ceux qu'ils ont déposés. Lequel ? Ils rentrent les mains vides, certes, mais le coeur plein. Et pas le coeur seulement, mais tout leur être est transformé ! En adorant Jésus, ils ont compris qu'il y avait là, dans cette petite maison de Bethléem, comme une révolution pour eux et pour le monde, ils ont reçu la résolution de Dieu 5 sur 5 !

Une révolution ? Une résolution ? Oui, la résolution de Dieu qui révolutionne la vie pour celles et ceux qui la reçoivent. Et cette résolution révolutionnaire, c'est que Dieu a décidé, en envoyant son Fils, que nous serions nous aussi ses fils et ses filles ! « Fils et filles, vous l'êtes bien, dira Paul aux Galates : Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba – Père ! » C'est donc cela, le cadeau de Noël, ou la résolution de Dieu pour nous : « En Christ, Dieu nous fait le cadeau de devenir fils et filles de Dieu ». C'est énorme. Cela nous donne une origine et un but. Cela nous donne une dignité et une responsabilité. Cela nous donne de la verticalité et de l'horizontalité.

Moi, je ne crois pas que Noël soit juste une affaire de fraternité, comme le suggère par exemple le nom des « Fraternoëls » de ma jeunesse, et qui étaient de belles initiatives... Je crois plutôt que Noël nous donne de la filialité ! Nous devenons fils et filles avec le Fils. S'ensuit une fraternité avec d'autres fils et d'autres filles, qui le savent aussi, ou ne le savent pas encore... Tenez, il m'a fallu quelques expériences pour faire le chemin des mages et de l'apôtre Paul en termes de cadeau, en termes de résolution de Dieu pour moi, comme pour chacun.

Sur mon chemin de mage découvrant la résolution de Dieu, il y a eu, entre autres, le Monastère des Clarisses de Jongny, que je visitais avec quelques catéchumènes de ma première paroisse. Alors que nous étions dans la chapelle et que nous entendions la douce musique d'une eau de source, la soeur nous suggérait à toutes et à tous de recevoir, pour nous, personnellement, cette parole de l'Esprit de Dieu sur le Christ au jour de son baptême dans le Jourdain : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu es ma Fille bien-aimée ». Ce n'est pas que pour Jésus ! C'est aussi pour moi, pour toi, que cette parole est dite.

Une autre étape de mon chemin de mage a été de prier le Notre Père pour la première fois avec l'un de mes enfants nouveau-né dans mes bras. Pour mon enfant, comme pour moi, je prenais conscience que c'est un Père, et que c'est le même Père. Et j'imagine volontiers que mon jeune collègue ici présent fait ce type de découverte avec son fils d'une année bientôt...

Oui, « En Christ, Dieu nous fait le cadeau de devenir fils et filles de Dieu ». Car fils et filles nous le sommes, quelle que soit notre orientation politique ou économique. Quelle que soit notre orientation professionnelle ou sexuelle... Eh oui, n'en déplaise au célèbre diacre satirique de Chastavel, qui passera aussi à la radio ce soir !... Non, il n'y a plus de différences discriminatrices !

En Christ, il n'y a plus les comme ceci et les comme cela, les comme il faut et les comme il ne faudrait pas, mais plus que des fils et des filles appelés à marcher vers cette découverte, et à continuer de marcher forts de cette découverte. C'est la résolution de Dieu en Jésus pour moi, pour toi... Et cette résolution est un vrai cadeau pour chacun d'entre nous !

Ce n'est pas à moi de la tenir, car c'est Dieu qui la tient, du début à la fin. Chaque jour de l'année, même quand je ne tiens pas mes résolutions. Mais moi, je voudrais vous dire que ma résolution principale est de continuer de croire en cette filialité tous les jours de 2015, déjà pour moi, mais aussi pour vous, chers paroissiennes et paroissiens, chers auditrices et auditeurs.

Amen

Pour aller vers soi-même, il faut partir, comme Abraham, et même parfois revenir, comme les mages. D'abord accrochés à l'astre comme à un fil, ils sont repartis sur fond de désastre, mais sont devenus les fils d'un Dieu proche. Aller-retour biblique, musical et radiophonique pour inspirer nos itinéraires (sans user de CO2).

Détails

Avec la participation de
Jean-Luc Crisinel et Claude Champion
Orgue
Nenad Djukic
Musique
Ensemble Auliden: Hélène Walter, soprano, Gaëtan Beauchat, hautbois, Guillaume Bouillon, violoncelle et Nenad Djukic à l'orgue