Un Noël d'avenir

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Depuis la nuit des temps, l’homme est déçu de son présent et ne perçoit son avenir autrement que comme une catastrophe annoncée. Qui n’a jamais entendu dire : « C’est plus comme avant ! », ou encore, « Heureusement que je suis trop âgé pour voir ce qui va arriver ! ». Comment se fait-il donc que l’homme ne soit jamais convaincu de ce qu’il est en train de vivre et n’arrive à imaginer que l’avenir ne puisse apporter autre chose que des problèmes majeurs.

Et, à cet égard, Noël est-il vraiment une consolation ? Qu’y a-t-il de réjouissant, en effet, à voir l’enfant de Bethléem naître dans une telle précarité. Une bonne nouvelle ? D’accord mais une bien fragile bonne nouvelle exposée à tous les mauvais coups de la vie. L’enfant n’est pas né, que déjà la police le recherche, la barbarie le menace. La violence qui aura raison de lui pointe déjà le boute de son nez !

Pourtant, à cette brutalité s’oppose déjà la force de la promesse qu’il incarne. Parce que cet enfant, comme tous les autres enfants, est une orientation vers le futur. Il ouvre un avenir. Quelle que soit sa situation, il est l'avenir !

« Un enfant nous est né », proclame Ésaïe à son peuple qui marche dans les ténèbres. Le pays est alors dévasté, le peuple d’Israël est déporté. Mais voici que la naissance d’un enfant royal annonce un règne de paix. Cette naissance restaure une espérance dans la débâcle.

Et là on se dit : qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ! Dieu souhaite-t-il nous faire comprendre que cet enfant nouveau-né est dépositaire d’un pouvoir si particulier qu’aucun problème ne va lui résister ? Et pourquoi mettre cette annonce de naissance en relation avec celle du Christ ? Noël est-il bien l’occasion de proclamer un message de pouvoir ? Mais, si on lit correctement le texte, même dans cette proclamation d'Ésaïe, il n’est pas dit que cet enfant va tout arranger d’un coup de baguette magique ! Néanmoins, en écho avec cette annonce prophétique du premier testament, les chrétiens confessent que la foi commence avec un tout petit enfant. Et il faut bien le dire : nous n’avons manifestement pas encore reconnu toute la portée d’un tel événement.

Car la naissance ouvre la voie d’un nouveau commencement. Elle contient en germe les perspectives d’un avenir qu’annonce tout enfant qui vient de naître. Cet enfant de la promesse devient symbole d’un avenir de vie qui s’oppose aux souffrances que traverse Israël.

Aujourd’hui, c’est Noël, et nous célébrons l’enfant couché dans la crèche. Mais que faisons-nous vraiment ? Que confessons-nous lors de cette fête ? La théologie parlera de Dieu fait homme. Mais, il faut le dire, il s’agit bel et bien de Dieu fait enfant ! Dieu dont le règne de paix est inauguré par la naissance d’un tout petit enfant. Est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien réaliste ?

En fait, l’Évangile est imprégné de l’image de l’enfant. « Quiconque reçoit en mon nom un petit enfant me reçoit » dit le Christ. « Si vous ne devenez pas comme les petits enfants… » ou encore « car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent ! »

Pourquoi l’enfant est-il au cœur de ses préoccupations ? En demandant aux hommes et aux femmes de ressembler à un enfant, ou de l’accueillir, le Christ invite chacun à devenir lui-même enfant, parce qu’avec l’enfant, la vie apparaît qui est promesse de tous les recommencements, malgré sa grande fragilité. A chaque nouvelle naissance, se confirme la grande espérance de la victoire de la vie. Oui, l’enfant, même dans son extrême faiblesse, est source d’espérance, parce qu’il ouvre une perspective de vie.

Avec l’enfant de Noël, Dieu nous dit : « Je mise sur l'avenir ! »

Avec cet événement, Dieu prend tout à l’envers. A nous, qui ne voyons de beau que le passé, et dénigrons trop souvent notre présent, Dieu nous dit : « Là où vous ne voulez pas rester, j’installe mon fils et à travers lui, je mise sur cet avenir auquel vous ne croyez pas. »

Et Dieu va plus loin encore. Cet enfant, dans sa fragilité, est livré aux soins, à la tendresse, à l’attention de ceux qui le reçoivent. En se faisant petit enfant, Dieu fait ce pari fou : il se livre à l’humanité dans cette dépendance à autrui qu’est la faiblesse. Il se confie à notre tendresse. Noël commence par un acte de foi dans l’amour humain. Dieu croit en nous. Il nous fait confiance !

Et là Dieu nous surprend, car il ne suffit pas de considérer l’enfant de Noël comme l’incarnation de notre espérance face à la vie. Par un renversement de perspective, nous le recevons aussi comme l’incarnation de l’espérance que Dieu place en nous. Dieu nous confie une responsabilité ! Il nous attend ! Il guette l’homme parce qu’il croit en l’amour que nous pouvons partager les uns avec les autres et qui ouvre dans notre monde des chemins inespérés, des chemins de nouveaux avenirs.

Donc, Noël serait la fête de… l'avenir ? Mais nous avons coutume de conjuguer Noël au passé. Un peu au présent, beaucoup moins au futur. Et c’est vrai : nous célébrons un événement daté, situé, selon deux évangiles, à Bethléem. Mais la mémoire que nous en faisons demande à devenir la mémoire de notre espérance. En effet, si Jésus est né un jour de notre histoire, il est surtout à naître, ou plutôt à mettre au monde aujourd’hui parmi nous. Noël, c’est bel et bien une parabole de notre avenir. Mais quel avenir ?

« Sa Parole a été faite chair et elle a habité parmi nous » écrit Jean. C’est une phrase à double-sens et cette ambiguïté est l’expression d’une vérité. Le mot grec traduit ici « parmi nous » peut également se traduire « en nous ». « La Parole a été faite chair, elle a habité en nous » – en chacun de nous. Nous l’avons reçue dans sa plénitude.

Le Christ nous révèle que la Parole créatrice de Dieu veut s’incarner en nous, au plus profond de nous. Qu’elle est ce qu’il y a de plus beau et de plus vivant en nous. La Parole prend chair en nous dans ce qu’elle offre de plus beau et de plus vivant pour les autres, dans cet amour dont nous sommes capables et qui l’emporte sur tout ce qui va vers la mort.

Cette année encore, Noël vous le dit : vous êtes promis à d’incessants recommencements par cette parole qui vient vous habiter. Vous êtes appelés à naître. Dans sa vulnérabilité offerte, dans sa promesse d’avenir de vie, l’enfant de Noël vous rejoint aujourd’hui, hommes, femmes et enfants en vous offrant une nouvelle naissance. Laissez donc naître le Christ en vous et parmi vous. Qui que vous soyez, du plus petit au plus grand, avec les limites qui sont les vôtres, comblés ou en mal de vivre, Noël vous invite à vous engager dans une aventure de vie, dans un rendez-vous de foi.

Qu’elle vienne donc cette nouveauté, aussi modeste soit-elle, cette naissance chez vous aujourd’hui ! Que la tendresse de Dieu manifestée en cet enfant rejoigne les hommes et les femmes que vous êtes, affamés de justice, de miséricorde et de paix ! Et que l’espérance vous envoie sur un chemin d’une vie en plénitude.

Alors vous vivrez désormais de commencements en recommencements, parce que malgré les aléas de l’existence, le malheur, la maladie, la haine, la violence, Dieu, qui est le Dieu vivant, par l’enfant, vous appelle à la vie. Et surtout, parce que l’avenir qui est le vôtre, Dieu offre désormais de le construire avec vous.

Amen

Dieu, à Noël, vient renverser les choses pour ceux qui sont nostalgiques du passé et déçus du présent. Il vient habiter cet aujourd'hui que nous fuyons pour construire avec nous un avenir nouveau.

Détails

Avec la participation de
François Christinat pour les lectures
Orgue
Nenad Djukic
Musique
Atena Carte au piano