Le baptême de Christ, quelles significations pour nous ?

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Nous pouvons, nous aussi, partager la question de Jean le Baptiste au Jourdain : pourquoi le Christ a-t-il demandé, souhaité, lui aussi, recevoir le baptême ? La réaction de Jean signale bien qu’il y a là une incompréhension, une difficulté. Parce que le baptême de Jean, à ce moment-là, dans le Jourdain, c’était un signe rite de conversion, une promesse de changement. L’eau comme signe de pureté, comme idéal d’une vie nouvelle.
Le baptême offert pour les contemporains de Jean, pour celles et ceux qui entendent sa parole, sa prédication, qui se rassemblent, qui sont touchés par les mots du prophète, ce baptême est comme un tremplin pour de nombreux visages à ce moment-là pour réorienter leur vie. Pardon des péchés, lavés, nettoyés au fond de l’eau du Jourdain, un retour à la volonté de Dieu.
Alors, cet idéal-là, qui sanctionne un changement, qui sanctionne aussi qu’il y a eu des erreurs par le passé, on peut comprendre avec Jean cet étonnement: mais pourquoi le Christ, pourquoi Jésus, lui aussi, a-t-il besoin, souhaite-t-il ce baptême ? Je laisse à d’autres le soin de répondre à toutes ces questions historiques, parce que ce que j’entends de fondamental dans l’Evangile aujourd’hui, c’est trois raisons d’espérer. C’est trois raisons de nous réjouir, c’est trois raisons d’apprécier, nous, aujourd’hui, cette initiative, ce désir du Christ de recevoir le baptême.
La première raison, qui me touche et me permet de me réjouir aujourd’hui à l’écoute de ce texte, c’est que l’initiative de Jésus qui dit à Jean : « Eh bien moi aussi, je souhaite recevoir l’eau du baptême », cela signifie que le Christ s’identifie à tous les visages qui sont là, au bord du Jourdain. Le Christ manifeste ainsi qu’il devient comme ces hommes et ces femmes en soif de vérité, que Jésus souhaite faire partie de ce peuple, de cette famille, de cette communauté d'hommes et de femmes fragiles qui constatent que leur vie n’est pas parfaite, qu'elle comporte un certain nombre de failles, d’erreurs, d’échecs, ce que le texte, les textes bibliques évoquent avec le vocabulaire du péché.
Quand Jésus dit : « Moi aussi, je passe par l’eau du baptême de Jean le Baptiste. », il dit à tous les témoins du baptême, il nous dit à nous, auditeurs de cet Evangile : le Christ se fait tout proche de nous. Le Christ devient comme l’un d’entre nous, il ne fait pas de différence entre lui, appelé Fils de Dieu, et nous avec nos échecs et nos difficultés. Et cela, c’est pour moi une raison fondamentale d’espérer et de me réjouir, de découvrir qu’à travers ce baptême au Jourdain, Jésus rejoint non seulement tous ces visages de son temps, tous ces gens de Galilée, mais il nous rejoint nous, signalant ainsi que rien dans nos vies n’est trop compliqué pour qu’il nous rejoigne, que rien dans nos vies n’a été trop raté, trop difficile ou trop pénible, que dans ce que nous connaissons, dans ce que nous traversons, rien n’est trop sombre pour qu’il ne puisse parvenir à nos côtés. S’il se fait l’un d’entre nous, prenant cette identité humaine avec tout ce que cela veut dire, alors, s’il est l’un d’entre nous, il devient comme moi, tout proche dans chacun de mes combats, tout proche dans chacune de mes hésitations, tout proche peut-être aussi dans les culpabilités qu’il m’arrive de porter.
Le baptême du Christ au Jourdain, c’est cette affirmation que rien dans mon existence ne peut mettre Dieu à distance. En traversant l’eau du Jourdain, le Christ me rejoint, y compris jusque dans l’épaisseur la plus obscure de ma réalité. Jésus se fait tout proche, en s’identifiant à tous les visages. Il ne fait plus de différence entre les hommes et les femmes, entre le peuple hébreu et le peuple païen. C’est ce que Pierre a mis du temps à découvrir. Pierre qui pourtant a vu moult occasions où la tendresse du Christ a été manifestée à tous, Pierre qui aura besoin encore de nombreux mois pour comprendre - jusqu’à cette rencontre avec Corneille, l’officier romain - qu’il est lui aussi rejoint, retrouvé, apprécié, accompagné, encouragé par le Christ.
Le baptême de Jésus au Jourdain, c’est une espérance extraordinaire pour nous. Rien ne peut plus mettre Dieu à distance de ma vie, quel que soit ce que j’ai fait ou pas fait, pensé, imaginé ou raté. Il est désormais en permanence à mes côtés pour m’encourager et m’accompagner.

La deuxième raison d’espérer, la deuxième raison qui nous permet de nous réjouir aujourd’hui, auditeurs de ce récit du baptême du Christ, c’est que Jésus, par son baptême, préfigure, anticipe le nôtre, bien sûr. Et il souligne, il annonce en particulier ces paroles prononcées pour lui, mais qui, du coup, ont été prononcées pour chacune et chacun d’entre nous à notre propre baptême, cette parole fondamentale qui traverse le ciel et qui rejoint la réalité terrestre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui, je mets toute ma joie. »
Oui, le baptême du Christ, c’est le signal visible pour Jean bien sûr, mais aussi pour tous les autres témoins, que les prophéties s’accomplissent, que le Messie, que le Sauveur attendu passe désormais au milieu d’eux et qu’il y a cette parole fondamentale, unique, qui oriente tout le reste de sa vie : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Préfiguration, anticipation de notre baptême, parce qu’à ton baptême, c’est bien ce qui a été affirmé sur ta vie, il y a de nombreuses années pour la plupart d’entre nous. Il s’agit donc avec confiance de réentendre que nous demeurons fils et filles de Dieu.
Je crois qu’il est précieux parfois de réentendre cette certitude, précieux de nous en souvenir lorsque nous traversons la maladie, lorsque nous connaissons des difficultés dans nos maisons, dans nos familles, lorsque nous sommes envahis par le doute. Jusque-là, cette parole qui a été affirmée à ton baptême, retentit en ton cœur, en ta vie, en ton existence, tu es fille, tu es fils de Dieu. Tu l’as été avant même que tu ne puisses pleinement l’assumer. Et c’est la joie et le bonheur du baptême des tout petits. C’est la joie et le bonheur du baptême de celles et ceux qui l’ont choisi adultes, c’est la joie et le bonheur de celles et ceux qui sont en attente du baptême. Il n’y a pas d’âge pour le recevoir, il n’y a pas d’âge pour s’y préparer. C’est le moment indélébile, c’est le moment unique de nos vies : Dieu murmure en nous que nous sommes ses enfants bien-aimés. Le Christ a annoncé cela, a préfiguré cela pour que nous puissions le vivre jour après jour dans notre existence.

Enfin, le baptême du Christ, c’est comme un concentré d’engagements à venir. Le baptême du Christ, c’est tout le potentiel de ce que le Christ sera dans les jours, dans les semaines et dans les mois qui suivent. Tout est là : le Fils bien-aimé du Père, celui qui est choisi, envoyé pour témoigner du salut de Dieu. Tout est déjà là, et c’est au baptême, par l’eau du baptême, que tous ces engagements, toutes ces manifestations vont commencer à éclore. Le baptême du Christ au Jourdain, c’est comme le signal du départ pour tout ce qu’il pourra offrir, partager, manifester par ses paroles, ses paraboles, par ses gestes et ses miracles, bien sûr par ce qu’il subira à la Croix et bien sûr par la résurrection.
L’entier de l’œuvre du Christ commence à poindre au moment du baptême. C’est le point de départ, c’est le tremplin. C’est à partir de là que tout commence, que tout est dévoilé, que tout est communiqué, que tout est offert. Et je crois, du coup, qu’il y a eu ce même concentré d’engagement à venir, qu’il y a eu ce même concentré, ces mêmes potentiels de gestes, de paroles, de signes d’espérance à notre propre baptême. Et que du coup, il y a encore, dans chacune de nos vies, de ces éléments-là de lumière et du Royaume qui peuvent encore éclore.
Il y en a eu beaucoup dans ton existence. Si tu fais mémoire, si tu te retournes sur tes pas, tu découvres qu’il y a eu de ces signes, de ces moments savoureux du Royaume. Mais il y en a d’autres, parce que, dans ton baptême, le potentiel qui t’a été confié, tout ce qui de manière concentrée a été imprimé sur ta vie par cette eau, tout n’est pas épuisé. Alors, oui, il y a de quoi se réjouir, parce que dans chacune de nos vies, il est encore des ressources, il est encore des gestes, il est encore des engagements, il est encore des paroles, des attitudes, des rencontres à exploiter, à faire éclore, à partager, pour qu’à travers ton existence, le Royaume soit visible, le Royaume soit en marche, comme un concentré d’engagements à venir, au baptême du Christ, et donc dans nos propres baptêmes.
Du coup, cela mérite, cela exige, cela réclame le travail du discernement. Ta vocation, parce que comme le Christ, toi aussi, au baptême tu as été mis de côté, mis à part, tu as reçu vocation. Et c’est toute notre vie que nous avons à ruminer cela, à nous y plonger, à nous y replonger. Alors dans les heures et dans les jours qui viennent, cherche, prie, scrute intérieurement ta vie pour y trouver ce qui, dans ta vocation, t’a été offert et peut encore éclore, ce que tu peux encore partager avec les tiens, avec ton Eglise, avec ce monde qui a tant besoin de gestes et de signes du Royaume.
Il y a au bord du Jourdain de quoi nous réjouir, témoins du baptême de Jésus le Christ, il y a de quoi nous réjouir parce que d’abord, avec cette eau, Jésus devient l’un de nous, tout proche de tout ce que nous pouvons traverser, voire subir. Mais dans l’eau du baptême il nous rappelle aussi, encore et toujours, combien nous serons éternellement les enfants du Dieu de lumière. Et puis nous réjouir parce qu’il y a encore à scruter dans nos vies pour y découvrir ce qui a été soigneusement déposé au jour de notre propre baptême, encore des potentiels à exploiter. Alors Dieu aussi se réjouit avec nous. Son Eglise se réjouit pour tout ce que vous avez, tout ce que nous avons encore à donner, à recevoir.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Ezko Kikuchi
Musique
Andreas Krämer, violoncelle
Wulfram Gerstner, violon