Série l'Exode et l'exil

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Vous qui êtes assis ici devant moi, dont je croise le regard ou vous qui écoutez ce culte à la radio, avez-vous encore une demeure, un lieu où puisse se vivre la rencontre avec notre Dieu ? Plus globalement, notre société, notre société civile, l'ensemble de ceux qui vivent autour de nous, plus ou moins croyants, confiants, méfiants, douteurs, convaincus, sceptiques, en recherche, ont-ils un tel endroit ? Avons-nous, comme société civile, un lieu où la rencontre avec Dieu, avec l'essentiel, avec la référence fondamentale puisse se jouer ?
Cette Cathédrale sur la cité à Lausanne, comme toute église au cœur d'un village, mais comme sans doute aussi toute synagogue, toute mosquée a cette fonction, ce rôle. Encore faut-il que ceux qui habitent autour le sachent, qu'ils en prennent conscience. C'est à travers l'obéissance (obéissance ça veut dire écoute, écoute attentive ) que se dressent ces lieux-là. Il n'y a pas d'immédiateté de la présence de Dieu, en tout cas pas dans notre tradition biblique. Dieu se donne à connaître toujours à travers quelque chose ou quelqu'un. Ici, c'est à travers Moïse qui agit avec obéissance.
Moïse détermine un lieu : Dieu est attentif à tous mais sa rencontre ne se fait ni partout ni n'importe où. Il place dans ce lieu une parole, les tables de l'alliance, pleines d'interdits d'ailleurs : « Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas. » Il place des paroles qui ont été dites (inter-dites) entre lui et son peuple, entre son peuple et lui pour permettre un dialogue. Il n'y a pas une rencontre spirituelle flottante, il y a des paroles références.
Moïse place à l'extérieur, d'un côté, les pains de proposition, notre nourriture, le souci de notre corps et du corps des autres; de l'autre côté, le chandelier, la lumière, la vie spirituelle. Pains et chandelier encadrent l'autel des parfums, la prière. Ensuite, Moïse clôt par un voile.
Il y a un lieu déterminé qui porte tous les signes de notre existence. Il obéit, il met en place. Ne pas attendre que Dieu nous tombe sur la tête comme un hasard, mais écouter ce qu'il nous propose comme lieu de rencontre. Écouter, obéir, agir, se mettre en route, être rassemblés, restaurer le portail peint de la Cathédrale, savoir les cantiques et les entraîner, mettre en place un cadre où Dieu peut venir.

En même temps, nous ne manipulerons pas Dieu (ou la rencontre de la transcendance) avec des rites, avec une obéissance, avec la mise en place du cadre idéal où elle viendrait. J'ai été attentif à la manière dont Dieu nous échappe continuellement. Il est là, la nuée remplit la demeure le jour. Au moment où les choses sont claires, lui est dans la nuée. Pas moyen de le définir, dire ce qu'il est et ce qu'il n'est pas. Il est dans la nuée. Aucune église, aucune mosquée, aucune synagogue ne pourra avoir de théologie, c'est-à-dire dire ce que Dieu est, car les plus éclairés, ceux qui sont le jour sont confrontés à la nuée. Il y a là une présence, mais elle reste mystère. Le jour, la nuée remplissait la demeure et Moïse lui-même n'y entrait pas. Nous ne saurons pas qui est ce Dieu qui est présent.
Mais savons nous nous-mêmes qui sont nos parents qui pourtant nous ont mis au monde ? Qui est notre conjoint, nos enfants avec lesquels nous vivons? Ne sont-ils pas eux aussi dans un certain mystère ? J'ai sans arrêt à approcher ce mystère et, devant lui, je dois garder une distance respectueuse.
C'est dans la nuit qu'il y a la flamme. C'est peut-être dans les temps de crises qu'il y a visibilité. Combien de personnes visitées à l'hôpital, rencontrées dans un temps de deuil ou de joie, de naissance, oui dans ce temps où rien n'est normal, qui m'ont dit « J'ai conscience, je sais qu'il est là ! » Mais c'est une flamme dans la nuit inapprochable aussi car on s'y brûlerait.
Enfin, si la demeure est bien mise en place, si « le portail peint » accueillait les pèlerins fatigués de leur pèlerinage, si la Cathédrale nous offre ce lieu d'arrêt, si ce culte radio permet à ceux qui le vivent avec nous, à vous qui le vivez avec nous au-delà des murs de cette Cathédrale, d'avoir un temps d'arrêt, êtes-vous conscients que c'est toujours pour une remise en route ?
Quand la nuée s'élevait au-dessus de la maison (Ascension ? disparition ?), le peuple d'Israël se mettait en route. Lorsque Dieu nous paraît irrencontrable, lorsqu'il n'est plus présent, c'est le moment de nous mettre en route, de bousculer nos habitudes, de reprendre la recherche, d'entrer dans un monde nouveau, il nous le promet.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jean-Christophe Geiser
Musique
Choeur de la Cathédrale, direction Jean-Louis dos Ghali (env. 40 p.)