Je m'abandonne et je crois

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La première chose qui me frappe dans les textes que nous avons lus tout à l'heure — comme d'ailleurs dans tous les textes de Noël - c'est l'omniprésence de la joie. Marie, bien sûr, éclate d'allégresse quand elle apprend la grâce dont elle est l'objet, et elle entonne le Magnificat. Elisabeth, sa cousine, lui fait écho en l'accueillant, de même que l'enfant qu'elle porte et qui tressaille d'allégresse comme nous le rapporte l'Evangile.
Mais c'est aussi Zacharie, le père de Jean-Baptiste, qui entonne un hymne de louange; ou les bergers qui se précipitent à l'étable en pleine nuit. C'est également les vieillards Siméon et Anne qui retrouvent une nouvelle jeunesse et un nouveau dynamisme. Les anges eux-mêmes, avec toute l'armée céleste sont saisis d'une joie nouvelle et entonnent un chant de louange.
Oui, c'est une joie universelle, je dirai même cosmique, qui se dégage de tous ces récits de Noël.

Mais il est une deuxième chose qui me frappe dans ces textes de la Nativité. Et tout aussi fortement : c'est le lien entre la joie et la venue d'un Sauveur.
Zacharie s'écrie : " Béni soit le Seigneur… qui nous a suscité un puissant Sauveur. " Luc 1, 69
Les anges chantent : " Aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur. " Luc 2, 11
Siméon, en prenant l'enfant Jésus dans ses bras bénit Dieu et dit : " Mes yeux ont vu ton salut " Luc 2, 30
Ainsi, la joie qui éclate à Noël, bien plus encore que celle de voir se lever des hommes et des femmes de bonne volonté comme on aime à dire en cette période de l'année, c'est la joie qui provient de ce que le Sauveur annoncé par les prophètes est venu.

Un Sauveur, c'est-à-dire quelqu'un qui, comme le dit Zacharie dans sa louange, "…dirige nos pas et éclaire ceux qui sont dans la nuit " (1, 79). Et il y a tant de gens aujourd'hui qui ne savent plus où ils en sont, qui n'ont plus de repères, qui sont " paumés " comme ils disent, et dont la vie n'a pas de sens c'est-à-dire ni direction, ni signification. Et voilà qu'à tous ceux qui sont ainsi perdus dans le brouillard de l'existence, dont la vie tourne en rond ou à vide, Noël leur dit : un Sauveur vient, qui veut vous prendre par la main et donner un sens à votre vie.
Un Sauveur, c'est-à-dire aussi quelqu'un qui vient " nous délivrer de nos ennemis " comme le dit encore Zacharie. (7, 1). Sans parler d'ennemis extérieurs, il y a tant d'ennemis intérieurs qui viennent troubler notre paix. Tant de gens se battent contre l'angoisse, la peur ou la solitude par exemple. N'est-ce pas une des caractéristiques de notre société ? Et voici qu'à tous ceux qui se battent ainsi contre ces ennemis redoutables Noël vient dire : vous n'êtes pas seuls dans ce combat, un Sauveur vient pour vous accompagner et diriger vos pas sur les chemins de la vie. C'est certainement une des raisons de la joie exubérante d'Anne qui vivait seule depuis si longtemps.

Un Sauveur, c'est enfin quelqu'un qui pardonne. Qui est même venu exprès pour cela. Quand Siméon dit à Marie cette parole étrange : " une épée te transpercera l'âme. " (2, 35). il entrevoit déjà la Croix. Car Noël est indissociable de la Croix, c'est à Golgotha que Jésus a porté nos fardeaux et pardonné nos péchés. C'est là que le salut a été accompli une fois pour toutes et c'est bien ce que Siméon discerne déjà lorsqu'il s'écrie, en prenant l'enfant Jésus dans ses bras : " Mes yeux ont vu ton salut " (2.30)
Et là encore combien de gens autour de nous ont besoin de pardon ! Combien ploient sous un fardeau de culpabilité. Ils essaient désespérément de s'en débarrasser, en le niant ou en le refoulant, mais il ressurgit périodiquement. Et voici que Noël vient leur dire : Un Sauveur est venu qui pardonne. Pleinement. Totalement. Il a pris sur lui tout ce qui nous pèse. Il a payé pour toutes vos fautes.
Oui, la joie de Noël c'est qu'en Jésus un Sauveur nous est donné qui donne un sens à nos vies déboussolées, apporte la guérison à nos cœurs blessés et pardonne nos fautes.
Il est enfin une troisième chose qui me frappe dans ces récits : la joie de Noël est liée non seulement à la venue d'un Sauveur dans le monde, mais à l'accueil de ce Sauveur dans nos vies : les bergers viennent adorer l'enfant, les mages se prosternent devant lui et lui donnent ce qu'ils ont de plus précieux. Et Marie elle-même s'écrie : " Mon âme se réjouit en Dieu mon Sauveur." (1, 47)
Luther disait que le cœur de l'Evangile se trouve dans les pronoms personnels et les adjectifs possessifs. Jésus en effet n'est pas venu pour être simplement un sauveur, ni le Sauveur, mais mon Sauveur, ton Sauveur. Il est venu pour que nous l'accueillions dans nos vies. Pour que, comme le pasteur Bader le disait dimanche dernier, nous ayons une relation personnelle et vivante avec lui. Oui, la joie de Noël, la bonne nouvelle de Noël, la vraie, celle qui demeure, c'est cela : accueillir Jésus dans notre vie.

Et cette bonne nouvelle n'est pas seulement pour nous personnellement, car Jésus veut être le Sauveur non seulement de nos vies, mais aussi de nos couples.
Je pense à ce camp que nous avons vécu il y a quelques années. Alors que nous étions réunis, le dernier soir, pour un moment d'échange et de partage, un homme a dit d'une voix grave et émue, il me semble l'entendre encore : " Ma femme et moi, nous voulons nous remarier avec le Seigneur. " Puis il ajouta : Vous avez peut-être remarqué que nous ne portons plus d'alliances ; nous les avons ôtées il y a longtemps, car notre couple va mal. Et la femme de compléter : j'ai chez moi en permanence une valise toute prête pour le jour où je partirai, mais maintenant, c'est vrai, nous voulons nous remarier avec le Seigneur.
En effet, quelques semaines après le camp nous avons reçu un faire-part où ce couple annonçait sa volonté de renouveler leur alliance de mariage et ils invitaient tout le camp pour une fête. Tout le monde est venu et, entassés dans leur salon, en la présence de leurs 4 enfants, nous avons relu les textes bibliques et prié pour eux. Ils avaient acheté de nouvelles alliances et se sont promis une nouvelle fidélité. Jésus était devenu non seulement le Sauveur de leur vie, mais le Sauveur de leur couple.

Et ce qui est vrai sur un plan personnel ou conjugal l'est aussi sur un plan communautaire. L'an prochain marquera le 100e anniversaire du Réveil au Pays de Galles, Réveil qui a bouleversé non seulement l'Eglise mais le pays tout entier.
Le pays de Galles, en 1904, c'était le grand producteur de charbon. Cardiff, la capitale était le principal port charbonnier au monde. Les mineurs furent les premiers à être touchés par le Réveil spirituel au point que dans quantité de mines le travail d'extraction de la houille commençait par un temps de louange et de prière !
Et voilà qu'un jour, au fond d'une de ces mines, il y eut un coup de grisou, c'est-à-dire le feu au fond de la mine avec tout ce que cela signifie : les mineurs bloqués sous terre, les galeries qui risquent de s'effondrer, le danger partout. Très vite, les secours s'organisèrent à la surface pour aider ou accueillir les mineurs rescapés : pompiers, médecins et, bien sûr, les familles. Et l'angoisse qui grandit au fur et à mesure des minutes et des heures qui s'écoulent. Et puis, au bout d'une attente interminable on entendit des bruits qui se rapprochaient et quelle ne fut pas la stupeur de la foule de voir ces mineurs noirs de charbon, de boue et de poussière sortir de la mine en chantant :
"Torrents d'amour et de Grâce
Amour du Sauveur en croix
A ce grand fleuve qui passe
Je m'abandonne et je crois."
Ce chant est d'ailleurs devenu par la suite comme le signe de ralliement du Réveil gallois. Parmi les secours, il y avait un médecin, le Dr. Green connu pour son athéisme militant. Il fut bouleversé par ce dont il avait été le témoin et il écrivit plus tard : " Ce fut le premier coup porté à mon athéisme. Ces hommes ne sortaient pas d'une réunion de prières, mais de l'enfer, et ils chantaient l'amour du Sauveur ! "

Mes amis, ce temps de l'Avent sera vraiment un temps de Bonne Nouvelle et de joie si nous aussi, comme Marie, comme Elisabeth, comme Anne et Siméon, comme aussi ce couple des camps-familles ou les mineurs du Pays de Galles, comme tant d'autres, ici et ailleurs nous accueillons dans nos vies ce Sauveur. Nous pouvons, ici dans ce temple ou devant notre poste de radio, lui dire tout simplement dans un moment de silence : Tu me connais Seigneur, tu sais où j'ai besoin de guérison, de pardon et de paix ; alors toi qui es venu à Noël pour nous donner cela, je t'accueille, toi mon Sauveur.
"A ce grand fleuve de l'amour du Sauveur
Je m'abandonne et je crois."

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Michel Bignens
Musique
Rhema (groupe musical de jeunes)