Le trésor de l'espérance

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Nils Phildius

Texte: 1 Pierre 2, 9-10

Vous autres auditeurs de ce culte, vous êtes tous super. Et vous, autres membres de la paroisse de Bernex-Confignon, vous êtes extraordinaires, vous les Compagnons du Jourdain, vous êtes merveilleux. Oui, vraiment, vous êtes des saints de Dieu, vous êtes des gens formidables. Vous êtes ceux qui avez été choisis par Dieu pour être dans sa lumière. Vous êtes comme des perles qui brillent dans la nuit.
Je suis sûr que vous êtes en train de vous dire que j'exagère. " Il est un peu démagogique, ce pasteur. Il nous passe la brosse à reluire pour nous faire plaisir et pour se faire apprécier. " Et pourtant, je le redis : vous êtes super. Ces paroles de félicitations, ce n'est pas moi qui les ai écrites. C'est l'épître de Pierre qui nous parle à travers les siècles. Je vous relis le passage de cette première épître de Pierre au chapitre deux : " Vous êtes une nation sainte, le peuple choisi par Dieu". Ces mots sont aussi pour vous, qui êtes l'Eglise d'aujourd'hui !
J'en entends derrière le poste qui disent : " Oui, oui d'accord, cause toujours ! Mais l'Eglise d'aujourd'hui, elle n'est pas si reluisante que ça ! Elle ne fait plus envie à grand'monde : regardez combien de personnes viennent encore au culte. L'Eglise, elle est bien fade aujourd'hui, quand elle n'est pas carrément dépassée par les événements. Elle n'a plus de parole claire, elle ne sait plus comment parler aux foules, elle n'est plus attirante, engageante. Pire même : il y a tant de gens qui ont été déçus par l'Eglise, ou même blessés, à vie ! L'Eglise, elle a pu en faire du mal, et elle en fait encore. Combien de fois est-ce qu'on a été mal reçus quand on a téléphoné au pasteur, combien de fois a-t-on été mal compris ? Et combien de personnes ont juré ne plus mettre les pieds dans une paroisse ? Et c'est cette Eglise qui ose parler de l'amour du prochain ! Il faudrait d'abord qu'elle balaie devant sa porte, l'Eglise ! Alors : dire qu'elle est une nation sainte, c'est un peu facile ! "

Oui, c'est vrai, il faut le reconnaître. Si on est tout à fait objectif et honnête, on ne peut pas le nier : même si elle fait quelques belles choses, dans l'ensemble l'Eglise d'aujourd'hui n'est pas reluisante. On peut se demander si elle l'a été un jour d'ailleurs !
Oui, c'est cela l'Eglise, et je crois que c'est bien comme cela. L'Eglise, ce sont des gens misérables, des humains comme les autres, bien ordinaires, des personnes bien maladroites parfois, qui ont bien de la peine à suivre l'Evangile. Oui, l'Eglise a toujours été un cortège de personnes bien portantes ou malades, qui s'aiment et se détestent à la fois, qui se blessent et se pardonnent tous les jours ou presque. Des gens bien ordinaires vraiment. Des gens qui ne font pas spécialement envie, qui ne sont pas plus remarquables que les autres. Des gens qui essaient tant bien que mal de vivre de l'Evangile de Jésus, mais qui y arrivent bien rarement.
Au fond, c'est cela l'Eglise : des gens loin d'être parfaits, des hommes et des femmes fragiles, humains et pécheurs. Et c'est Dieu qui vient cacher au coeur de cette église-là quelque chose de merveilleux. L'Eglise, c'est un peuple où coexistent en même temps le très ordinaire, et le très extraordinaire. Oui, pour Dieu, l'Eglise, c'est un vase d'argile qui contient des pierres précieuses, qui contient un trésor.

Nous sommes nous communauté de Bernex-Confignon, nous Compagnons du Jourdain, nous auditeurs, cette Eglise du Christ à la fois ordinaire et merveilleuse. Parce que nous sommes le peuple pardonné de Dieu, et parce que nous sommes tous et chacun d'entre nous dans la lumière de Dieu. J'aimerais vous raconter une petite histoire que j'ai trouvée dans un livre du pasteur Antoine Nouis.
Un jour, le responsable d'une Eglise rencontre un sage pour lui parler de sa communauté : autrefois, mon Eglise était vivante, fervente, unie; les gens étaient merveilleux et le dimanche matin, on devait pousser les murs pour faire une place à chacun. Maintenant, ce n'est plus pareil. Nous sommes moins nombreux, nos chants sont poussifs; nous ne savons pas comment parler de notre foi, et il faut avouer que nous n'attirons plus grand monde. On a le sentiment d'être un petit reste et que plus personne ne s'intéresse à l'Evangile. La foi s'est-elle retirée de notre monde, ou est-ce que nous ne savons pas nous y prendre ?

Le sage garde le silence un moment, puis répond :
- Votre problème, c'est que vous ignorez le trésor qui est au milieu de vous.
- Quel trésor ? interroge le responsable ?
- Et bien voilà, il y a parmi vous quelques perles qui sont particulièrement précieuses pour Dieu.
Le responsable rentre chez lui pensif. Des perles précieuses dans sa communauté, comment est-ce possible ? Le dimanche suivant, il commence à regarder les fidèles rassemblés avec un autre regard : parmi ces hommes, ces femmes, il y a des perles aux yeux de Dieu !
Ne pouvant garder cette nouvelle pour lui tout seul, il la fait partager aux fidèles de son Eglise. A partir de ce jour, chacun se met à poser sur son voisin un autre regard. Au bout de quelques mois, le responsable ne comprend pas très bien ce qui s'est passé. Mais son Eglise est redevenue vivante, fervente et unie. Amen !
(D'après Anthony di Mello, " Dieu est là, dehors ", DDB, 1995, p. 80. Tiré de Antoine Nouis, " Un Catéchisme protestant ", Réveil Publications, 1997, p. 479)

Pasteure Isabelle Chappuis-Juillard

Textes: 1 Pi 3, 15 -16 et Romains 12, 2

" Soyez toujours prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous ". L'espérance, c'est un mot qui a beaucoup parsemé articles et pensées lors du passage à l'an 2000, peut-être parce que c'est le mot qui fait le mieux échec au fatalisme, à la violence, à la peur, toutes ces choses que nous connaissons bien pour en être abreuvés quotidiennement à travers journaux et téléjournaux. Fatalisme par exemple devant les guerres au Kosovo, en Tchétchénie, devant les hordes de réfugiés, devant les massacres au Timor oriental. Violence entre autres des dégâts infligés à la nature, aux animaux, aux êtres humains par des ouragans, des tremblements de terre, ou l'absurde naufrage d'un bateau dangereux. Peur des atrocités et de la barbarie à visage humain qui rôde si proche, peur de la pauvreté et du chômage, peur des conflits dans nos familles, dans nos quartiers, dans nos écoles, dans notre travail.
Mais vous, vous qui êtes confrontés à tout cela, soyez toujours prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous. c'est l'appel qui a retenti en cette fin du 1er siècle, vers les années 90-100, lorsqu'un auteur courageux s'est adressé à des communautés dispersées et exilées dans des coins du monde où s'annoncent de sanglantes répressions pour les chrétiens, et c'est l'appel qui retentit encore aujourd'hui, en cette fin de millénaire saturée et écoeurée de fatalismes, de violences et de peurs.
Alors, en quelques mots ce matin, je voudrais tenter de réfléchir avec vous à ce message bimillénaire, à ce qu'il peut encore nous apporter : " Sanctifier dans nos coeurs le Christ qui est Seigneur ", c'est là le fondement de l'espérance chrétienne. Parce qu'un jour ce Seigneur-là s'est approché de nous, parce qu'il a ouvert et inauguré la voie de l'anti-mort, de l'anti-détresse et de l'anti-perdition, parce qu'un jour ce Seigneur-là est aussi entré dans nos coeurs où il s'est installé avec douceur et détermination, comme au coeur de tant d'autres croyantes et croyants avant nous et avec nous, alors nous pouvons espérer, et cette espérance possible, elle devient réaliste et elle se réalise.
Elle se réalise d'abord parce que l'espérance c'est en soi déjà un réseau. Un réseau tout proche dans ma famille, avec mes amis, dans mon travail, dans ma chambre d'hôpital, dans ma paroisse, dans mon Eglise. Un réseau tout vaste aussi, celui de notre terre devenue de nos jours notre village planétaire; on en fait le tour en ballon, on la visite par le tourisme ou par des activités du coeur au milieu des guerres et des dévastations, un village qu'on peut explorer et connaître chaque jour un peu plus grâce à Internet, la télévision et les médias, une Eglise universelle qui vit et qui lutte dans des millions de lieux du monde. L'espérance, c'est que nous avons une place au coeur d'un immense réseau qui nous dépasse, et qui pourtant nous appelle et nous interpelle. Selon la belle formule que Michel Kocher m'a soufflée hier au téléphone, nous sommes aujourd'hui dans le temps et dans l'espace du " village planétaire de l'espérance ". Ensemble et partout nous pouvons faire échec, avec des petits ou des grands moyens, à la mort, à la détresse, à la perdition, parce qu'ensemble nous sommes en Christ.
C'est dire que l'espérance, c'est un travail de longue haleine, un travail intérieur de chaque jour et de tous les jours. Une opération de discernement à travers un foisonnement de valeurs et de réalités qui s'entrechoquent et, il faut bien le dire, qui souvent nous fatiguent. Mais rendre compte de l'espérance, c'est continuer à discerner coûte que coûte ce qui est de Dieu et ce qui est contre Dieu, peut-être en appliquant la règle d'or : ce qui est bon pour moi est bon pour mon vis-à-vis; ce qui est bon pour moi et pour mon prochain est bon pour Dieu. C'est ainsi qu'on livre combat à l'Ennemi, au Mauvais, au mortifère. L'espérance, c'est ce long et constant travail intérieur de discernement auquel les autres s'attendent et dont ils nous demandent des comptes. Parfois nous nous trompons, ou nous reculons, ou nous nous enfuyons. Peu importe si nous ne sommes pas toujours adéquats : ce qui est nécessaire, c'est que nous soyons toujours sur le qui-vive, en état de préparation, en état de discernement, en état d'espérance.
Alors l'espérance devient expérience. Justifier de mon espérance, c'est d'abord l'avoir rencontrée en moi, avoir expérimenté moi-même cette mystérieuse rencontre avec mon Seigneur; avoir expérimenté la douceur, le respect, la dignité d'une telle rencontre. Et c'est alors comprendre le rôle important que j'ai à jouer, telle que je suis, là où je suis, dans mon village tout proche ou tout vaste et dans ma vie toute simple ou toute puissante : oui, c'est sûrement vrai, j'ai à rendre compte de l'espérance de Dieu lui-même pour le monde et pour chacun et chacune de nous, contre le fatalisme, la violence et la peur. Une espérance que je peux conjuguer, parler et dire avec d'autres. C'est pourquoi je vous propose de conclure ce message tous ensemble en affirmant notre foi, comme une force commune de vie et d'espérance.

Je crois en Dieu,
Puissance de création du Tout Autre qui me précède comme père et mère et qui m'a placée dans sa Création comme son enfant bien-aimé.
Il m'a adressé à ma liberté et à ma vocation. Il me veut partenaire et responsable dans la gestion de ma vie et du monde. Il me laisse le choix de le reconnaître comme mon Dieu, mon Unique.

Je crois en Dieu,
Eternité de présence du Tout-Proche qui est venu me rejoindre en cet homme de Nazareth, pour partager mes grandeurs et mes misères, mes joies et mes peines, mes casses et mes reconstructions.
Avec moi, il continue à vivre tout proche, au quotidien de mes journées, pour les transfigurer d'un amour fou et d'une espérance tenace.
En sa résurrection, il fait de moi et avec moi, une garantie de la vie plus forte que la mort, de la paix plus forte que la haine, de la compassion plus forte que la violence

Je crois en Dieu,
Lumière d'intelligence du Tout-Aimant qui éclaire mon coeur, mon esprit, mon âme, ma route et mes pas.
En elle, je deviens capable de rayonner à mon tour pour faire échec à l'obscur, au chaos, aux pouvoirs de la peur et du mal.
En elle je deviens capable de rendre compte, avec bienveillance et douceur, pour les autres et avec les autres, d'une formidable espérance qui m'habite et qui a déjà transformé plusieurs fois ma vie, mes relations, mon Eglise et même le monde.

Je crois en Dieu Tout-Autre, Tout-Proche et Tout-Aimant.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique
Chorale des Compagnons du Jourdain