Liberté, égalité, fraternité... durabilité (4/4)

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La durabilité ! …. Ce titre vient d’une brochure récente éditée par la Fédération des Églises protestantes de Suisse qui livre les dix valeurs du protestantisme. Non pas simplement pour se mettre au goût du jour et dire : « Voyez les Eglises savent s’adapter.», mais profondément par fidélité à l’Evangile qui nous invite à une foi incarnée, c’est-à-dire inscrite dans notre humanité.
Durabilité…un concept actuel qui vise avant tout le réchauffement climatique, l’épuisement des matières premières non renouvelables. Cette essentielle sauvegarde du monde apparaît au début de la Bible avec les récits de la création. L’ Evangile, qui signifie littéralement « bonne nouvelle », perdure comme un appel sans fin d’un Dieu éperdu d’amour pour sa créature et sa création.
Alors laissons-nous imprégner des paroles du jour. D’abord, celles du prophète Esaïe au chapitre 61, (extraits des versets 1 à 4), paroles que Jésus d’ailleurs a reprises lors de sa première prédication dans une synagogue. Puis celles de l’apôtre Paul dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe (1 Corinthiens 13, 13). Enfin, les mots de ce même Paul à son collaborateur Timothée dans sa deuxième lettre à Timothée, au chapitre premier (extraits des versets 1 à 14).

Une connaissance, férue d’histoire, me rapportait ce mot de la mamma Buonaparte au sujet de son fiston devenu qui l’on sait : « Pourvou que çà doure… ». Oui, pourvu que ça dure. Mais quoi donc ? Les conquêtes, la gloire, l’Empire, le code Napoléon, les alliances politiques ? Liberté, égalité, fraternité , un petit clin d’œil à la République voisine. À ce trio, nous avons ajouté un quatrième mot : durabilité.
Depuis 2000 ans que ça dure, l’Eglise avec ses hauts et ses bas, ses heures de grand humanisme et ses terreurs, depuis 3800 ans que ça dure l’histoire d’Abraham, avec au cours des âges des descendants souvent frères ennemis : juifs, chrétiens, musulmans. Quant à la création, depuis le temps que ça dure avec ses merveilles et ses beautés, mais aussi avec ses catastrophes dites naturelles.
Durabilité, oui, oui. Un mot qui a du sens. Mais qu’est-ce à dire ? Étonnant que tout ce qui a trait à la dureté commence par les trois mêmes lettres. Ce qui peut être dur dans les conflits de famille, et cela pas seulement au moment de l’héritage, mais lors de rencontres obligées, comme autour du sapin et de la dinde de Noël. Ce qui peut être dur dans les secousses de l’existence peut durer des jours, des mois, des années et même toucher plusieurs générations.

Durabilité ? Qu’est-ce que cela évoque pour vous, auditrices et auditeurs de la RSR, et vous assemblée réunie à Bernex-Confignon ? Pour éviter un trou à l’antenne, je me lance avec l’aide des quelques témoins bibliques convoqués tout à l’heure dans l’arène des chercheurs de Dieu.
Ce qui dure et perdure, au-delà de toutes les vicissitudes du monde et de toutes les croyances, c’est, pour nous chrétiens, une Parole qui vient de plus haut que nous et qui a résonné dans la vie et la parole même des suiveurs de Dieu tels que la Bible nous les révèle.
Et, à la veille des fêtes de Noël, il y a cette Parole de la divine présence qui a pris corps en Jésus le Christ. Comme s’il fallait marquer le sceau de l’amour de Dieu en un humain en qui nous retrouverions les racines de notre humanité faite d’ombres et de lumières. Le prophète Esaïe l’a proclamé haut et fort. « L’esprit du Seigneur est sur moi (…) pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres. Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer une année de grâce, pour consoler ceux qui sont dans le deuil, pour changer le souffle qui s’épuise en drapé de louange. »
Voilà bien ce dont le monde d’aujourd’hui a besoin, chacun des humains qui le compose, et donc chacun de nous aussi. Tant de catastrophes, tant de guerres, tant de racisme, tant de viols et d’agression de toutes sortes, tant de douleurs, tant de brisures de cœur, de déception, d’amertume, d’enfermements, de ratages, d’incompréhensions, de querelles. La liste est longue et pourrait être désespérante !
Même si la beauté de la vie se poursuit au travers de gestes de solidarité, de tendresse, d’ouverture, de réconciliation ou encore au travers d’une nature et d’une faune riches et magnifiques. Certes, notre existence se meut constamment entre malheurs et bonheurs. C’est précisément dans notre existence d’humain et dans notre monde que Dieu le Très-Haut est devenu le Très-Bas pour nous rejoindre là où nous sommes, avec ce que nous sommes, avec notre propre histoire de vie.
Se dessinent alors une promesse, une consolation, une espérance qui sont autant de lumières sur notre sentier et notre route. Voici que des cœurs brisés sont traversés d’un souffle de guérison, voici que des captifs sont traversés d’un souffle de liberté et de libération, voici que des prisonniers (il ne suffit d’avoir été en prison pour se rendre compte de ce qui nous rend captifs ou nous emprisonne), voici que des prisonniers voient les portes de leur prison s’ouvrir vers un avenir prometteur, voici que les larmes libérées des endeuillés deviennent source de consolation, voici que pour ceux qui sont épuisés, essoufflés, qui n’en peuvent plus ou se trouvent au bout du rouleau redécouvrent la joie de vivre, le goût de savourer ce qui se donne de beau et de bon pour chanter ou rechanter la vie.

Durabilité, oui. Et il en est une, essentielle : celle que Paul l’apôtre résume ainsi : « Maintenant ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance, l’amour. Mais la plus grande, c’est l’amour. » Voici donc ce qui est appelé à durer en nous : la foi, l’espérance, l’amour.
La foi : une confiance en ce que malgré les heurts, les doutes ou l’impression parfois de se sentir abandonné(e) reste ancrée au profond de nous. La foi/confiance nous relie intimement à ce Dieu d’amour et ouvre les portes de la confidence.
L’espérance : que ferions-nous sans elle ? Espérer, c’est déjà savoir et entr’apercevoir que la lumière jaillira des ténèbres au creux de nos attentes et qu’en Christ la vie est plus forte que la mort, plus forte que toutes les morts que nous pouvons connaître ou subir.
L’amour : ce qui dure et perdure au-delà de tout. Nous sachant créés par l’amour humain et par l’amour de Dieu, nous sommes désormais mus par l’amour de Dieu, qui nous porte et nous emporte dans la foi et l’espérance pour retrouver Son regard d’amour et de tendresse le jour où nous retournerons dans la maison du Père.
Cet amour qu’on chante partout, cet amour qu’on recherche parfois dans la douleur. Cet amour qui parfois se mélange avec des élans de possessivité, de calcul, de manipulation ; ne dit-on pas parfois « il, elle a aimé à sa manière » ? C’est tout dire ! Mais l’amour dont parle l’apôtre Paul se conjugue avec la tendresse. Il s’agit d’un amour caresse, d’un amour qui ne juge pas et accueille l’autre comme il est, avec ce qu’il est, avec sa propre histoire qui a modelé son existence.

Durabilité, celle de la foi, de l’espérance et de l’amour. Mais encore celle dont parle l’apôtre Paul à son ami et collaborateur Timothée en lui rappelant sa « foi sincère » et en précisant qu’elle « a d’abord habité ta grand-mère Loïse et ta mère Eunice ». Durabilité de la transmission des valeurs, de génération en génération. La durabilité des valeurs essentielles, vitales même, de la simple politesse au respect de l’autre comme de soi-même (regardez ce qui se passe simplement dans les bus !).
La durabilité des gestes de solidarité de par le monde ou ici, dans les familles, les entreprises (pourquoi pas ?) comme la durabilité des énergies non-renouvelables. Un combat de justice et de vérité et, en fin de compte, un combat de foi, d’espérance et d’amour.
La transmission de l’amour du Dieu révélée par le témoignage biblique reste aujourd’hui un défi d’importance, à relever. On peut certes se lamenter et pleurer sur cette foi qui ne se transmet plus dans sa force et sa beauté auprès des enfants et des jeunes comme de leurs parents.
On peut en tout cas se réjouir, comme à Genève prochainement : plus de 30’000 jeunes viennent pour le 30ème pèlerinage de confiance de Taizé pour prier, chanter, écouter et partager la parole biblique, échanger sur les questions sociales, politiques, économiques, ecclésiales. Là se transmet un flambeau de vie avec les flammes de la foi, de l’espérance et de l’amour. Cela donne envie d’exulter, comme certains musiciens ont su magnifiquement le faire.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Christiane Leonardi (piano)
Musique
Mikaëla Halvarsson, soprano; John Turner, clarinettiste