
Écouter le culte :
« Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. »
Cette question des disciples de Jésus peut aussi être la nôtre aujourd’hui :
Comment prier aujourd’hui ? Quelle est notre prière personnelle ? Quelle est notre prière communautaire ?
Les défis de notre époque et de nos vies questionnent aussi notre prière :
- Comment prier pour les situations de guerre qu’il y a dans notre monde ?
- Quelle est la prière d’un Ukrainien ? Quelle est celle d’un citoyen russe ? Qu’est-ce qu’un Palestinien demande dans sa prière ? Et comment prie un Israélien ?
- Comment prier aussi face à la crise climatique ? Faut-il demander à Dieu d’inspirer des solutions techniques et de stimuler le courage des dirigeants ? Ou alors s’agit-il de prier pour soi-même afin de trouver la force de revenir à plus de sobriété ?
- Et puis comment prier face à la maladie qui nous touche ou frappe un proche ? Peut-on demander la guérison ? Ou alors, s’agit-il plutôt de demander à Dieu de nous aider à accepter la situation et d’avoir le courage d’avancer vers l’avenir ?
- D’ailleurs, est-ce qu’il faut demander quelque chose dans la prière ou s’agit-il plutôt simplement de méditer ?
Face à ces questions, je crois profondément que toute prière est légitime car la prière, c’est le lieu d’expression de la vérité de ce que l’on est. On peut tout dire à Dieu : nos espoirs, nos craintes, nos désirs, notre joie, notre ras-le-bol, nos rancœurs, notre frustration et même la haine qui peut parfois nous habiter.
Les psaumes de la Bible expriment tout cela, jusqu’à la haine de l’ennemi, par exemple au Psaume 143 :
« Seigneur, délivre-moi de mes ennemis ;
près de toi je suis à l'abri.
Apprends-moi à faire ta volonté, car tu es mon Dieu.
Que ton Esprit me guide avec bienveillance
sur un terrain sans obstacle.
Puisque tu es le Seigneur, rends-moi la vie.
Au nom de ta justice, tire-moi de la détresse !
Au nom de ta bonté, anéantis mes ennemis,
détruis tous mes adversaires, car je suis ton serviteur. »
Je crois que toute prière est légitime, si elle est l’expression devant Dieu de tout ce qui nous habite. Ce qui n’est pas légitime, c’est de vouloir la main sur Dieu, c’est de préjuger de sa réponse. Ce qui n’est pas légitime, c’est d’enfermer Dieu dans la vision que l’on a de lui.
Pour Jésus, la prière, c’est une aventure. C’est un dialogue avec Dieu qui peut transformer la personne qui prie. Quand je prie, je suis questionné par les paroles de Jésus :
- Est-ce que tu crois à ce que tu pries ?
- Qu’est-ce qui est vraiment essentiel pour toi, essentiel au point que tu irais déranger un ami en pleine nuit ?
- Jusqu’où es-tu prêt à aller, à persévérer, à te battre pour ce que tu demandes ?
- Et ce que tu souhaites et demandes, est-ce que c’est bon pour toi et pour les autres ?
- Est-ce que ta prière fait sortir de la bonté de l’humain ou est-ce qu’elle est l’expression de l’égoïsme ou de la méchanceté ?
Il s’agit de dire à Dieu tout ce qui habite nos cœurs, mais aussi de se laisser questionner. La prière se veut un véritable dialogue avec Dieu. Quand je prie, je suis aussi invité à faire place à l’écoute.
Le Psaume 139 l’exprime ainsi :
« Mon Dieu, regarde jusqu'au fond de mon cœur,
et connais tout de moi !
Mets-moi à l'épreuve, reconnais mes préoccupations profondes.
Vois bien que je n'ai pas adoré de faux dieu,
et conduis-moi sur le chemin de l'éternité ! »
Se laisser questionner et regarder à l’attitude de Jésus-Christ, cela peut aider à ouvrir son regard et aller au-delà de ce que nous ressentons, à ne pas rester figé, à ne pas enfermer Dieu dans l’image que nous nous faisons de lui. Peut-être même, cela peut aider à dépasser la haine.
La prière, c’est quelque chose très personnel. Elle a quelque chose d’intime, car on peut tout raconter à Dieu : ce qu’on ressent, ce qu’on désire, ses échecs, ses réussites, tout ce qu’on vit.
Pourtant, pour Jésus, la prière a aussi une dimension collective, communautaire. La prière invite à se centrer sur l’essentiel, sur ce qui est véritablement important. Elle relie aux autres. Ainsi, Jésus parle de l’accueil d’un ami qui arrive en pleine nuit. Il évoque les bonnes choses que l’on veut donner à ses enfants.
Les relations sont essentielles pour nos vies. La prière relie aux autres d’une autre manière. Quand on prie pour quelqu’un, on prend soin de la relation d’une manière mystérieuse et invisible à travers un Autre, Dieu. La prière relie aussi des inconnus, comme nous le vivons aujourd’hui ici à Sonvilier. Nous connaissons plusieurs personnes de l’assemblée, d’autres seulement de vue, d’autres encore sont de passage comme le Moto Club La Colombe qui nous a rejoint ce matin.
Parmi vous les auditeurs qui nous écoutez, il y a des gens que nous connaissons de la région ou par d’autres liens. D’autres auditeurs nous sont totalement inconnus et éloignés. Pourtant, nous sommes reliés les uns aux autres par ce culte que nous vivons. Nous prions et nous méditons ensemble. Il y a un lien invisible et mystérieux qui nous unit les uns aux autres.
La prière, c’est une aventure qui engage celui qui prie : Jésus parle de demander, de chercher, de frapper à la porte. La prière invite à s’engager, à se prendre au sérieux dans ce que l’on demande. Pourtant, Jésus invite aussi à une forme de lâcher-prise. Il invite à laisser émerger des chemins nouveaux qu’on n’aurait pas imaginés pour soi-même et pour le monde.
Jésus invite à demander, chercher, frapper à la porte, mais ce qui se passe ensuite ne dépend pas seulement de celui qui s’engage. Oui, il trouve, mais on lui donnera, on lui ouvrira. Le chemin dépend aussi d’un autre qui n’est pas précisé. Peut-être que ce sont d’autres personnes que nous rencontrons au fil du chemin. Peut-être qu’il s’agit de Dieu lui-même qui donne et ouvre des portes. Ces deux interprétations ne s’opposent pas. Elles se complètent car Dieu agit et répond souvent à travers les autres.
Finalement, la prière nous rappelle que nous ne sommes pas seuls. Elle invite à la bonté envers les autres et à se centrer sur l’essentiel. Toutes les situations que Jésus évoque concernent de la nourriture à partager : 3 pains pour un ami de passage, du poisson ou un œuf pour ses enfants. Prier pour les autres, c’est aussi ouvrir son regard et s’exercer à la bonté.
Jésus nous dit aussi que celui qui prie reçoit une force. Dieu promet une force, l’Esprit Saint à ce qui le lui demande. Prier, c’est se laisser porter par Dieu, même si on ne le voit pas, même si souvent, on ne reconnait sa présence qu’après coup, quand on prend le temps de regarder en arrière.
Prier, c’est aussi parfois ce qui reste face à des situations d’impuissance : il s’agit de laisser aller les choses et de tout confier à Dieu. Cela permet de retrouver sa juste responsabilité sans devoir absolument tout porter. Quand je prie, je peux discerner là où je peux agir et je peux laisser aller dans la confiance ce qui ne dépend pas de moi.
Confier tout chose à Dieu, c’est aussi une ouverture sur l’espérance, même si je ne vois pas d’issue. Là où je ne vois plus de chemin possible, je laisse aller mes préoccupations. Peut-être que Dieu peut ouvrir des chemins inattendus au-delà du désespoir, de la peur et de la haine. C’est mon espérance pour nous et pour le monde.
Jésus dit :
« Quand vous priez, dites :
Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »
Amen.