Épiphanie, un chemin de nouveauté

Temple Saint-Martin de Vevey (©AUJ)

Écouter le culte :

Aujourd’hui 8 janvier, deux jours après l’Épiphanie, la fête des rois, la couronne des rois.

L’Épiphanie est le jour choisi par la tradition de l’Église pour méditer sur cet épisode étonnant, très «conte oriental», très «mille et une nuits» : la visite des mages à Bethléem rapporté par Matthieu au chapitre 2.

La visite des mages, combien de générations d’enfants n’a-t-elle pas fait rêver ? Qui n’a pas dans l’oreille le fameux refrain : « Ce matin, j’ai rencontré le train de trois grands rois qui partaient en voyage… » ? On peut dire, c’est bon pour les enfants, oui, mais nous, les adultes, ce récit a-t-il quelque chose à nous apporter ? Oh oui, et c’est ce que nous allons tenter de faire maintenant.

Quand on lit et médite ce texte, on y trouve une multitude d’éléments intéressants :

  • On peut y voir la quête de savants de l’époque qui cherchent le sens des choses et du monde dans les astres, des astrologues. C’est la science de l’époque. Ils cherchent des signes des temps, ils sont à l’écoute, ils ont entendu dire que qu’un roi devait naître chez les Juifs.
     
  • On y trouve non seulement des intellectuels en chambre qui devisent, mais des hommes qui se mettent en route, qui accrochent leur vie à une étoile, qui suivent leur idéal.
     
  • On peut y voir aussi des diplomates qui vont rendre hommage au roi d’un pays voisin. Toutefois cette quête faillit mal tourner : en suivant la logique humaine, la raison, ils vont droit au palais d'Hérode (c’est logique, un roi doit naître dans un palais), mais dans le cas précis le fameux roi recherché n’y est pas.
     
  • Diplomates qui, selon la logique tout humaine, vont au palais pour trouver l’enfant, et qui, ne le trouvant pas, vont scruter les Écritures, savoir ce qu’en disent les théologiens, et apprennent que c’est à Bethléem que le Messie doit naître (Ésaïe, les Psaumes, mais aussi Michée).
     
  • On peut voir dans les cadeaux des symboles : des symboles riches de sens. L’or, les moyens de vivre et d’être généreux. L’encens : la prière – « Que ma prière monte vers toi Seigneur comme l’encens du soir », Psaume 140 – signe de foi. La myrrhe, cet onguent associé à l’embaumement des morts, qui deviendra en régime chrétien, un signe d’espérance parce que lié à la résurrection.
     
  • Et avertis en rêve, ils repartent par un autre chemin…

Toutes belles et bonnes pistes de méditation, toutefois j’aimerais aujourd’hui développer un autre aspect de ce récit, un aspect central mais qui est parfois méconnu, celui précisément qui donne son nom à ce jour : l’Épiphanie.

Épiphanie (epi / phanein) : « epi », ce qui est sur, au-dessus, et « phaneroo », montrer. Ce mot signifie manifestation, et en l’occurrence, manifestation aux nations puisque les mages viennent d’ailleurs, d’Orient, et que la tradition fera venir de trois endroits différents, de trois couleurs de peau et de trois âges différents.

Si les bergers sont révélation à Israël, les mages le sont au monde entier si on peut dire.

Avec l’épisode des mages, nous avons le récit imagé de ce qui été développé par l’apôtre Paul dans l’épitre aux Éphésiens 3, 5-6 :

« Ce mystère (celui de la venue du salut pour toutes les nations), Dieu ne l’a pas fait connaître aux hommes des générations passées (au Hébreux, aux Juifs) comme il vient de le révéler maintenant par l’Esprit à ses saints apôtres et prophètes : les païens sont admis au même héritage, membres du même corps, associés à la même promesse, en Jésus Christ, par le moyen de l’Évangile. »

Il y a de fortes chances que Paul n’ait jamais connu l’évangile de Matthieu et encore moins les récits de l’enfance, mais le message est le même. Et c’est un message central !

Message que Paul exprimera autrement en Galates 3, 28 : « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. »

Et c’est ce qui fondera ce qu’on appelle l’universalité du christianisme, que Matthieu mettra en exergue encore à la fin de son évangile au chapitre 26 : « Allez, de toutes les nations faites des disciples (…) et voici je serai avec vous jusqu’à la fin du monde. »

Il y a là un beau projet : « Un seul troupeau, un seul berger. » (Jean 6, 16)

Une humanité réconciliée avec Dieu vivant dans la paix. Voilà, chers amis, le projet divin, le dessein de Dieu pour son humanité.

Et quand on voit notre monde tel qu’il va – la course aux armements qui recommence (missiles russes), les frasques des gouvernants (Trump, Bolsonaro…), mais surtout les formidables atteintes à la nature, ce réchauffement climatique si inquiétant –  on mesure l’intérêt presque vital d’une gouvernance universelle. À la mondialisation de l’économie devrait répondre une mondialisation de la gouvernance, pour pouvoir agir (le réchauffement du climat n’a pas de limite, il est universel).

Et c’est bien le projet divin et la vocation de l’Église que de devenir les prémisses de cette humanité nouvelle, reliée à Dieu comme Père et donc tous frères et sœurs. Remarquez au passage qu’être frères et sœurs n’enlève pas les conflits mais quelque chose de plus haut et de plus fort unit !

Toutefois le fait de vouloir une gouvernance universelle peut présenter un danger grave de totalitarisme, de voir disparaître la liberté, cette liberté qui nous est si chère. Oui il faut bien un idéal mondial, mais pas n’importe comment.

Comment arriver à avancer en tant que chrétiens dans notre vocation à l’universalité ?

Comment avancer sur ce chemin de l’unité ?

Les mages, les fameux mages, nous donnent quelques pistes qui sont intéressantes, vous allez voir…

Et le texte de ce jour nous ouvre des pistes :

  • Les mages sont des êtres en quête, en recherche, en mouvement vers du sens vers du neuf. Sommes-nous en quête, en recherche, en mouvement vers du sens vers du neuf ?
     
  • Les mages regardent le ciel, vers le haut. Regardons-nous vers le ciel, vers le haut, vers Dieu ?  Levons-nous les yeux de nos tablettes ?
     
  • Ils accrochent leur vie à une étoile, accrochons-nous nos vies à une étoile, à un idéal, ou restons-nous désespérément accrochés aux choses, aux objets ?
     
  • Les mages mettent en œuvre la science de leur temps, elle leur permet d’arriver tout près du but, mais elle ne dit pas le fin mot de l’histoire. Il échappe toujours… leur savoir les conduira chez Hérode, mais ce ne sera pas la bonne adresse… La science ne doit pas être méprisée, mais elle n’apporte pas le bonheur… Ne lui demandons pas trop.
     
  • Les mages arrivés à Bethléem se prosternent devant un enfant. Savons-nous garder notre esprit d’enfance et d’émerveillement ?
     
  • Ils lui font des cadeaux :  
    - De l’or : sommes-nous généreux de nos biens en faveur des plus pauvres ?
    - De l’encens : sommes-nous des femmes et des hommes de prière ?
    - De la myrrhe : symbole d’espérance, de mort et de résurrection. Sommes-nous dans cette dynamique de vie au travers des morts que nous traversons ?
     
  • Ils écoutant leurs songes : est-ce qu’on écoute nos songes et qu’on prend le temps de rêver ?
     
  • Ils repartiront par un autre chemin : tout cela nous aide-t-il à prendre un autre chemin?

Chers amis, l’année qui s’est terminée a été ce qu’elle a été. Avec ses hauts et ses bas. Lors du Nouvel An, nous avons sans doute pris de « bonnes résolutions ». Comme pour les mages, avec les mages et par la grâce de Dieu, l’année nouvelle qui commence nous donne l’occasion de partir par d’autres chemins, de briser des cercles vicieux de changer dans nos vies ce qui convient pour qu’elle ressemble toujours plus à la vocation universelle que Dieu leur a donnée. Nous en avons besoin le monde en a besoin, la nature en besoin !

Un autre chemin pour 2023, de la nouveauté dans nos vies ! C’est ce que je nous souhaite à tous pour l’an neuf !

Amen.

A la suite des mages retournant chez eux par un autre chemin, l’année commençante pourra devenir l’occasion de sortir de l’immobilisme, du répétitif et de tout ce qui nous enferme, pour créer du neuf, du beau, du souhaitable… Pour le bien de chacun.e, des peuples et de la Création!

Un autre chemin pour 2023, de la nouveauté dans nos vies! Voilà le souhait à tou.te.s pour l’an neuf.

Détails

Avec la participation de
Colette Swoboda pour les lectures.
Orgue
Daniel Chappuis
Musique
Le Choeur de la Cathédrale de Lausanne, sous la direction de Céline Grandjean