Jésus: un homme d'autorité?

©Jean-Christophe Emery

Écouter le culte :

Chers amis du Pays-d'Enhaut, chers auditeurs, 

L’audace de l’espoir : voilà le meilleur de l’esprit de l’Évangile. Avoir l’audace de croire que malgré des revers personnels, la perte d’un emploi, un malade dans la famille, le deuil d’un proche, une enfance empêtrée par les circonstances… la vie est possible ! 

Le texte de l’Évangile de ce matin en témoigne en toute simplicité. L’histoire parle d’un homme tourmenté par un esprit mauvais. Il ne vit pas, il « existe ». Vivre, nous pouvons le faire seul. Pour exister, nous avons besoin de relations avec les autres.  

Le récit biblique nous raconte que les relations de l’homme sont brisées. Il crie sa détresse : « Qu’est-ce que tu fais ici, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous faire disparaître ? »  

Le plus lourd fardeau, c’est de penser qu’on ne compte pas. Qu’on est seul. Qu’on ferait mieux de disparaître lorsqu'on se sent enfermé en soi, comme cet homme dans l’Évangile de Marc. 

Il pense ne plus avoir sa place dans le monde. C'est comme si quelque chose de plus fort que lui l’écrase. L’étouffe. Le possède. Il crie… et Jésus entend son cri de détresse. Il se tourne vers lui. 

« Le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre », écrivait Victor Hugo. 

Et que fait Jésus ? Il le libère de cette détresse qui l’étouffe. 

Cet homme, chers auditeurs, c’est peut-être vous, aujourd'hui. Moi demain. Ne juge pas ton prochain avant de te trouver à sa place, dit le Talmud juif. 

Souvent dans la vie il n’est pas clair pourquoi nous ne voyons plus clair. Et l’homme possédé par ces pensées noires crie : « Ce n’est pas encore assez ? Devons-nous encore disparaître en plus ? » Il est comme prisonnier d’un mal qui le tourmente. Un mal qui semble aller au-delà de ses forces. 

Parfois nous aussi, ça peut arriver, que « ça nous tombe dessus ». C'est quand le bonheur s'est enfui qu'on s'aperçoit qu'il existait !  

Et que fait Jésus ? Il lui adresse une parole. Dans l’esprit du livre des Proverbes chapitre 15, 23 :  

«  Il est agréable de savoir bien répondre ;  quel plaisir de dire la parole juste au moment voulu ! » 

Le résultat, nous le connaissons. Il comprend le message : « Ce n’est pas vrai que tu ne comptes pas. Car chaque homme compte ! » 

Mais les gens, eux, se questionnent entre eux : « Qu’est-ce que tout cela veut dire ? C’est un enseignement totalement nouveau, donné à partir de sa propre autorité. » 

Et bien oui, Jésus me redonne la vie. Lui, il sait que vivre est la chose la plus rare du monde, la plupart des gens se contentent d’exister. Il y a parfois des moments dans la vie où l’on se retrouve à la croisée des chemins. C'est le cas pour les auditeurs de Jésus, qui soudainement, prennent conscience qu’exister ne garantit pas qu’on vive ! 

Vivre et exister ne veulent pas dire la même chose. La Bible nous invite à vivre, pas seulement à exister. En vous levant le matin, rappelez-vous combien précieux est le privilège de vivre, de respirer, d'être heureux – peu importe les conditions. Le bonheur est l’expérience de vivre chaque minute dans l’amour, dans la grâce et dans la gratitude. 

Chers auditeurs, chers paroissiens ici à Château-d'Oex, 

Le récit de ce jour nous parle d’un homme qui n’est pas capable de se laisser entraîner dans la paix et la joie ; dans la vie abondante qu’est le rêve de Dieu pour la création toute entière. Il est tourmenté. Dans le temps, on disait qu’il était fou. On dira d’ailleurs la même chose de Jésus : « Il a perdu la raison » (Marc 3, 21). On le range donc avec les fous, mais Jésus, lui, est possédé de l’Esprit saint. 

D'autres textes parlent des personnes qui sont sous l’emprise d’un ou de plusieurs démons. N’avons-nous pas tous dans la vie un démon qui nous chevauche et nous tourmente ? Le plus souvent le démon de notre coeur s'appelle « à quoi bon ! » 

Jésus rencontre un homme amer, aigre, fâché. Comme nous parfois dans la vie. Un homme qui est dans un de ces moments dans lesquels on a l’impression de ne plus se reconnaître soi-même. D'être dans l’engrenage d’un pouvoir qui nous enveloppe et que nous ne maîtrisons plus ; un pouvoir qui nous plonge dans la dépression, dans la révolte, dans la peur, dans l’agressivité, dans le rejet de Dieu et de l’autre. 

Cet homme n’a pas de nom. Il a tous les noms. Il n’est pas plus possédé que vous qui êtes présents, ou vous qui êtes à l’écoute de ce culte. Mais la présence de Jésus le questionne. Et elle ne restera pas sans résultat. 

Que fait Jésus ? Il fait taire la voix qui gardait cet homme prisonnier de sa vie d’avant. Il dit seulement une parole et la page est tournée. 

« La parole », disait le philosophe René Descartes, « a beaucoup plus de force pour persuader que l’écriture. » 

Jésus n’a rien écrit. Sa parole a changé le monde. La force de Jésus, c’est la force de la parole. La Parole faite chair. La force d’un « je t’aime », d’un « je te pardonne », d’un « viens, lève-toi ». 

L’homme est secoué sur le coup. La parole de Jésus secoue. Elle le secoue. Elle nous secoue. 

Chers amis et auditeurs, 

Cette Parole de Vie a le pouvoir de créer ce que nous ne pouvons même pas imaginer. Les auditeurs dans la synagogue sont profondément surpris. On pourrait aussi traduire par « étonnés, frappés ». 

Les scribes expliquent la lettre. Ils s’aperçoivent vite que l’enseignement de Jésus ouvre de nouvelles pistes. Elle permet aux gens de voir leur vie et leur monde autrement. Elle crée de nouveaux possibles.  

C’est à cette autorité que les évangélistes veulent ouvrir nos yeux. Ils veulent nous apprendre à aimer à la manière du Christ. Ils veulent apprendre à secouer à la manière de Jésus – avec l’autorité de la sagesse spirituelle. 

Qui dit « autorité » utilise la racine latine pour « auteur ». Être auteur, c’est créer, promouvoir, produire. Jésus enseigne en homme d’autorité, car en sa Parole, il y a une puissance créatrice. Une puissance capable d’inventer et de réinventer la vie de celui ou de celle qui l’écoute. Comme notre vie ensemble. 

Jean, après avoir écrit chapitre après chapitre, terminera son évangile avec ces paroles : 

« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez  que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom. » 

Assez pour se faire remplir du message d’amour, de compassion, de pardon… 

Même quand on a parfois l’impression de porter un lourd fardeau, Dieu tourne la page et invite l’homme à un nouveau chapitre. L'autorité de son Fils est une puissance d’amour, une puissance créatrice, manifestée en paroles et en actes.  

Chers paroissiens et chers auditeurs, 

Peut-être êtes-vous de ceux qui portent un fardeau, de ceux ou celles qui ont l’impression de porter quelque chose qui vous écrase. Alors Jésus vous adresse la parole : 

« Venez à moi, vous qui portez un fardeau, venez, vous tous qui peinez et moi je vous soulagerai. » 

Il ne force personne à l’écouter. Il ne force personne à lui obéir. Il ne veut pas dominer ceux qui l'entourent. Mais il invite à la confiance, cette confiance qui a permis à cet homme dans l'Évangile de Marc de devenir acteur de vie. 

Jésus parle avec autorité parce qu’il veut aider ses auditeurs à se réveiller, à se lever, à s'épanouir sous le soleil de la grâce de Dieu. 

On a dit qu’il les réveille, mais aussi, les touche, les bouscule, les dérange, les frappe, les choque, les émerveille, les fait réfléchir, les ouvre, leur fait faire un déplacement intérieur, les libère, les guérit, les aide à changer de vie et de nourrir le vivre ensemble. 

Bref, Jésus est instigateur de la levée de Vie en l’homme! 

Parler avec autorité, c'est parler avec des paroles qui touchent, qui interpellent, qui agissent, qui remuent la profondeur de l'homme. Voilà ce que fait Jésus.  

Et finalement, c'est aider les autres à se lever pour marcher vers la plénitude de leur vie! 

Et Jésus dit : « Je me tiens à la porte et je frappe… » 

Les bonnes portes s'ouvrent seulement lorsque vous les poussez. Nul n'a les clés de toutes les portes, mais tout le monde a celle de Dieu. La clef est cachée dans chaque histoire de vie. Comme un amour dans les bons et les mauvais jours, et même après que la mort nous sépare. 

L’audace de l’espoir : voilà le meilleur de l’esprit de l’Évangile. 

Amen. 

Selon Ciceron, l’autorité de ceux qui enseignent nuit la plupart du temps à ceux qui veulent s’instruire. Comment alors peut-on dire dans l’Evangile de Jésus qu’il enseignait en homme qui a autorité? Simplement, parce qu’il y a deux sujets dont on ne peut parler avec autorité qu'après expérience: Dieu et l’amour. Son autorité n’est pas un pouvoir ni une aliénation. Elle est une puissance d’amour. Une puissance créatrice. Elle se manifestait dans son enseignement, comme dans sa Parole qui guérit et libère chaque être humain qui s’ouvre à son autorité comme l’autre de sa vie.

Détails

Avec la participation de
Sarah Blum pour les lectures.
Orgue
Woytek Wezranowski
Musique
Marie-France Baechler, soliste.