Une relation qui libère

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Écouter le culte :

J’aimerais vous parler d’une relation. D’une relation qui libère. « Je suis venu pour que les humains aient la vie, et qu’il l’ait en abondance. » Voilà une promesse de vie. Alors quelle est cette promesse et cette abondance de vie que l’évangile nous propose ? Ce matin, en méditant, je pensais qu’il y a des moments où une telle promesse nous stimule, nous pousse en avant, nous donne envie d’être dans un plus de vie au cœur de notre quotidien.
Mais il y a aussi des moments où, parce que l’on traverse le deuil, qu’on est confronté à ce qu’il y a d’absurde dans cette vie, qu’on se demande comment on va pouvoir simplement continuer la vie, comment on va réapprendre à vivre après des expériences douloureuses, comment traverser la vallée de l’ombre de la mort, une telle promesse peut provoquer le doute, la révolte.
L’évangile d’aujourd’hui veut nous rejoindre et veut nous ouvrir. Cette promesse de vie en abondance est une promesse d’ouverture. Je ne crois pas que l’abondance de vie soit une promesse d’une vie longue. Je ne crois pas que l’Evangile nous promette et que la foi nous garantisse une vie longue. Il nous faut trouver autre chose.

Je ne crois pas non plus qu’il soit question ici uniquement de la vie dans l’au-delà. Bien sûr, nous portons une espérance et l’espérance qui est la nôtre est celle de la vie plus forte que la mort, d’un passage par-delà la mort. Mais c’est aujourd’hui que Dieu nous aime, c’est maintenant qu’il nous rejoint, c’est dans le quotidien de nos vies qu’il veut nous apporter la vie. Et donc je ne crois pas que l’abondance de vie concerne uniquement une vie future. C’est ici et maintenant que l’évangile nous parle et qu’il peut nous transformer, nous ouvrir à davantage de vie.
Je ne crois pas que cette promesse de vie en abondance soit une promesse de vie sans épreuves, sans souffrances, sans questions, sans mort. Vous le savez, vous en faites l’expérience, ici à Château-d’Oex, ou chez vous, où que vous soyez : la foi ne nous fait pas passer à côté de ces réalités de l’existence où l’on est dans les pourquoi et où l’on souffre. Vous avez entendu le psaume 23 : « Quand je passerais par la vallée de l’ombre de la mort, je ne redoute aucun mal, car tu es avec moi.» , ça veut bien dire que parfois, on y passe, par cette vallée. Mais qu’est-ce qui fait que ce passage sera traversé ? Qu’est ce qui fait que, au cœur de cette ombre, une présence nous rejoindra, nous portera, éclaira notre chemin et nous redonnera confiance en demain ? Voilà les questions qui se posent à nous.

J’ai commencé cette prédication en vous parlant d’une relation qui libère parce que le texte d’aujourd’hui, cette image magnifique du berger et des brebis, nous fait entrer dans une compréhension de cette abondance de vie, de cette plénitude de vie, comme la promesse d’une vie libre, d’une vie libérée. Nous sommes des femmes, nous sommes des hommes faits pour la liberté. Voilà ce que Dieu nous dit. En même temps, nous sommes des hommes et des femmes sans cesse à libérer. Parce qu’il y a des choses qui restreignent notre vie, parce qu’il y a des choses qui risquent de nous enfermer.
Alors quels sont nos enfermements ? Voyons l’image très forte des brebis et du berger – et je peux vous dire, chers auditeurs, que cette image parle au gens du Pays-d’Enhaut, attachés à la paysannerie, aux pâturages. Je relis le début de ce texte : « Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : celui qui n’entre par la porte dans l’enclos des brebis mais qui passe par-dessus le mur, à un autre endroit, celui-là est un voleur, un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Le gardien lui ouvre la porte et les brebis écoutent sa voix. Il appelle ses brebis chacune par son nom et il les mène dehors. »
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Qui sont ces voleurs ? Qui sont ces brigands ? Visualisez l’image : ce berger, cette bergerie, ces brebis. Imaginez le surgissement, tout à coup, de voleurs et de brigands qui escaladent le mur et qui entrent par effraction dans la bergerie. Evidemment, les brebis cèdent à la panique et elles ont le réflexe légitime de se planquer, de se recroqueviller, de se mettre tout au fond de la bergerie et ne plus bouger. Les voleurs et les brigands escaladent les murs et entrent par effraction, ils font irruption sans que nous le voulions.
Qu’est-ce qui, aujourd’hui, dans mon existence, fait irruption en moi et me squatte ? Voilà la question qui est posée. Qu’est-ce qui fait que j’ai parfois tendance à me recroqueviller au fond de moi-même, dans la peur, dans le manque de confiance, dans la méfiance ?
Le surgissement des voleurs fait perdre toute confiance en soi. Il génère la peur du dehors et nous empêche d’aller librement dehors, à la rencontre de l’autre. Nous sommes alors dans le repli sur nous-mêmes, dans la culpabilité, dans le stress, dans la comparaison, dans la solitude. Ces sentiments, ces émotions nous restreignent, nous enferment et nous empêchent d’être vivant dans une amplitude de vie. On peut alors traverser nos existences comme des morts-vivants. Mais l’Evangile nous ouvre à une vie différente.

Concrètement : qui sont ces voleurs et ces brigands ? Personnellement et communautairement qu’est-ce qui nous met sous pression, qu’est-ce qui nous influence consciemment ou inconsciemment ? Qu’est-ce qui nous façonne sans que nous le voulions, qu’est-ce qui dicte nos comportements ? Qu’est-ce qui oriente notre regard ? Et tout cela dans le sens d’un moins de vie, d’un moins de liberté, d’un moins d’ouverture, d’un moins de relations ?
Pour le savoir, je vous propose un petit exercice tout simple : réfléchissez aux pensées qui vous viennent, que vous vous répétez souvent dans des moments de doute, dans des moments où vous vous sentez menacés ? Quels sont les messages qui sont imprimés en vous ?
Dans l’enfance, par notre éducation, par nos parents, par nos profs, par des pasteurs aussi, nous avons entendu un certain nombre de choses à des moments où nous nous construisions et ces mots-là nous ont influencés. Nous les avons intégrés. Et ces mots-là, nous avons tendance à les réentendre, à nous les redire à certains moments ou surviennent des évènements dans nos existences.
Un exemple : « Tu n’arriveras jamais à rien ! Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? » Il est possible que ces mots-là nous aient été un jour adressé. Alors, à force de les entendre, on a fini par s’en convaincre. Alors quand tout à coup, on aurait besoin d’entrer dans la confiance, au contraire, on se redit ces choses-là, on les entend à nouveau et comme la brebis on se recroqueville au fond de la bergerie.
Quand Jésus donne cette image, il est dans une polémique avec les pharisiens. Le monde religieux peut aussi être porteur de paroles qui ne sont pas des paroles qui bénissent et qui ouvrent, mais de paroles qui enferment et contraignent, qui donnent le doute. Un exemple : « Attention mon garçon, s’il t’arrive malheur c’est que tu dois avoir fait quelque chose de mal. Dieu t’a puni ! » Des paroles comme ça ont pu être entendues. Elles peuvent alors véritablement nous enfermer et nous empêcher d’être libres.

Alors, chemin de liberté, chemin d’ouverture, chemin de vie en abondance ? Je tiens à dire qu’ évidemment, nous avons aussi reçu de la part de nos parents, de la part de nos professeurs, de la part des personnes qui ont compté pour nous des paroles qui bénissent, des paroles qui portent, des paroles qui donnent confiance. Alors ? Quelles sont les paroles que nous allons écouter et qui vont nous ouvrir ?
Quand je parle de ces paroles, de ces gestes, de ces moments qui nous portent et qui nous ont construits : vous avez peut-être vous, enfant, fait l’expérience, dans un moment où vous doutiez, dans un moment où vous étiez méfiant, d’une grosse main d’adultes qui s’est tendue vers vous et que vous avez saisie et qui vous a tiré en avant. Vous avez alors senti votre petite main dans cette grosse main et vous avez fait confiance.
C’est une relation avec un berger qui nous est proposée ici. Eh bien le berger de la parabole, regardez-le, regardez cette relation qu’il propose ! Le berger n’entre pas dans la bergerie par effraction. Il passe par la porte. Il se fait reconnaître.
N’est-ce pas quelque chose d’essentiel ? On ne peut pas apporter l’amour dans le cœur de quelqu’un de force. L’amour ne s’impose pas. L’amour se propose, il se donne et puis il attend, et puis il appelle et puis il respecte. Dieu est un Dieu d’amour qui ne va pas entrer en nos cœurs, en nos vies avec fracas. Il entre par la porte et il se fait reconnaître. Le berger connaît chacune de ses brebis et il les appelle par leur nom. Chers amis auditeurs qui nous entendez ce matin, imaginez la vie de paysan de montagne, et il y en a parmi nous.
Eh bien il faut voir la relation que ces hommes, que ces femmes, peuvent entretenir avec leurs bêtes. Pour moi, franchement, rien ne ressemble plus à un mouton qu’un autre mouton ! Rien ne ressemble plus à une vache qu’une autre vache ! Mais le paysan, lui, il connaît chacune de ces bêtes et il les appelle par leur nom. Il a construit avec chacune de ces bêtes, patiemment, petit à petit, une relation qui est une relation de confiance. Et quand on dit qu’il connaît ses bêtes, ça veut dire qu’il sait leur caractère, il sait ce dont elles ont besoin, il sait les différences et il va chercher à s’adapter à chacune. A la désalpe par exemple, si on sait que celle-ci a du mal, on va porter une attention particulière à elle.
Appeler quelqu’un par son nom, c’est le reconnaître dans son identité, dans sa singularité, dans ce qu’il a d’unique. Cette relation de la brebis au berger symbolise cette relation avec Dieu que nous sommes invités à découvrir, à nourrir, à recevoir dans nos vies et dans nos cœurs. Une relation qui valorise, une relation qui donne confiance.

Et du coup, quand on est valorisé, quand on est dans la confiance, quand on se sait aimé, reconnu, eh bien nous sommes prêts à sortir. « Il les pousse dehors » dit le texte. Le terme utilisé-là, c’est vraiment : il les « pousse » dehors. Et il marche devant elles. Nous sommes invités à cultiver dans nos vies cette relation libératrice faite de reconnaissance.
Et nous sommes devant ces questions : qui est-ce qui entre chez moi ? Qu’est-ce qui m’influence ? Qu’est-ce qui me dirige ? Où sera ma sécurité ? On pourrait continuer avec la deuxième image. Jésus dit : « Je suis la porte. La porte des brebis. » La porte c’est quoi ? Ce n’est pas la porte qui sépare et qui ferme. C’est le lieu de passage. C’est la porte qui permet le va et vient, la circulation de la vie. Le passage, le va et vient entre le dedans et le dehors, c’est l’ouverture.
Cette relation à Dieu nous fait entrer dans des rapports, dans des relations libres les uns avec les autres. Etant libérés dans cette relation d’amour, nous pouvons être nous-mêmes, par notre attitude bénissante, libérateur dans la vie de ceux et celles que nous croisons. Les fruits de cette relation avec Celui qui est le berger, avec Celui qui est la porte, c’est la confiance en soi, c’est l’affirmation de soi, c’est la possibilité de l’accueil de l’autre.

Alors ces prochains temps, parce que ce chemin de liberté est un long chemin sans cesse à recommencer, je vous propose un exercice tout simple : essayons, quand nous serons menacés par les brigands quels qu’ils soient dans nos vies, d’entendre la voix qui nous appelle par notre nom, qui nous invite à la confiance et qui nous mène dehors dans une vie qui circule, dans une vie abondante, dans une amplitude de vie. Et quoi que nous vivions, avec cette liberté là, nous serons des vivants et des passeurs de vie. Que Dieu nous conduise dehors ! Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Wojtek Wezranowski
Musique
Choeur mixte de l'Etivaz (40 p.), direction Marinette Tille