Approcher l’autre et le laisser approcher sans peur, dans la confiance.

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Écouter le culte :

Au début de son activité en Galilée, Jésus résidait à Capharnaüm dans la maison de famille de ses disciples Simon et André. Sa réputation croissait, aussi bien par l’originalité de son enseignement que par son pouvoir de guérisseur – la belle-mère de Simon en fut une des premières bénéficiaires.

Un jour, au risque de voir la foule s’en prendre à lui et le chasser à coups de pierres, un lépreux s’approcha de Jésus et s’agenouilla en l’implorant : « Si tu le veux, tu peux me rendre pur. »

Quant à la manière dont Jésus accueillit ce malheureux, les manuscrits de l’Évangile de Marc divergent : la plupart affirment que Jésus fut ému de compassion en le voyant venir, mais quelques-uns évoquent plutôt sa colère. Quoi qu’il en ait été, Jésus tendit la main et toucha le lépreux, disant : « Je le veux : sois purifié ! » Aussitôt l’homme fut guéri de sa lèpre et Jésus – sur ce point, tous les manuscrits concordent – l’expulsa avec véhémence. « Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre en apportant les offrandes prescrites par la Loi de Moïse : ce sera pour eux un témoignage. »

« Un témoignage », disait Jésus, envoyant le lépreux au temple tout en lui demandant de garder le silence. Mais à peine parti, l’homme se mit à témoigner partout de ce qui lui était arrivé et à répandre la Parole, en sorte que Jésus lui-même ne pouvait plus entrer dans une localité ouvertement : il demeurait dehors dans des endroits déserts, et les gens venaient à lui de partout.

Le récit de la guérison du lépreux dans l’Évangile de Marc est d’une extrême sobriété : pas de formule magique, pas de geste mystérieux, pas même une prière ni un regard levé vers les cieux. Seulement une parole claire, sans la moindre ambiguïté, « Je le veux : sois purifié ! », accompagnée d’un geste des plus élémentaires : tendre la main et toucher le lépreux.

Mais c’est justement là l’essentiel : un lépreux qu’on a touché n’est déjà plus lépreux, il n’est plus cet impur, cet intouchable qu’il était jusque-là, tellement les gens craignaient d’être contaminés en sa présence. Il n’y a pas si longtemps, une peur comparable entourait et isolait les personnes atteintes du SIDA.
Par le très simple geste de Jésus, tendre la main et toucher le lépreux, tout était dit, tout était accompli : la vie de cet homme était transformée, il devenait quelqu’un de neuf, non seulement dans sa peau, dans son corps gangréné par la maladie, mais dans ses relations et dans sa place en société. Voilà pourquoi Jésus lui ordonna d’aller au temple et d’y offrir le sacrifice rituel des lépreux purifiés. Aux yeux d’autrui comme à ses propres yeux, il fallait encore qu’il soit reconnu pleinement rétabli devant Dieu, donc pleinement fréquentable, sans crainte ni méfiance.

Reste à comprendre la surprenante colère de Jésus, qu’elle ait déjà éclaté lorsqu’il vit approcher le malheureux ou qu’elle soit survenue seulement lorsque Jésus, après l’avoir guéri, l’envoya au temple – littéralement l’expulsa – comme il le faisait des esprits maléfiques qui tourmentaient les possédés.
Cette fois pourtant, ce n’est pas un démon que Jésus congédiait ainsi, mais un homme en souffrance qu’il venait à peine de guérir !

Pourquoi donc cet emportement soudain ? Était-il fâché d’avoir dû, une fois encore, intervenir pour chasser le mal, alors qu’il aurait préféré prier ou méditer ? Était-il indigné par la manière dont les gens traitaient ce malheureux, voyant en lui un dangereux pestiféré ou un coupable que Dieu punirait ? En voulait-il au lépreux de l’avoir interpellé comme un seigneur velléitaire et capricieux (« Si tu le veux, tu peux… ») ? Ou bien encore pressentait-il que cet homme, une fois guéri, ferait exactement l’opposé que ce qu’il lui aurait demandé ? L’Évangile ne le précise pas, nous laissant essayer de comprendre l’étrange irritation de Jésus.

Quant à la véhémence avec laquelle Jésus renvoya le lépreux purifié, littéralement l’ « expulsa », on pourrait l’expliquer par sa volonté d’empêcher une dépendance nouvelle, d’empêcher cet homme à peine rétabli de se soumettre désormais à Jésus comme il l’était jusque-là à sa maladie.
Jésus lui rend sa liberté, il la lui impose même, au risque qu’il désobéisse à sa consigne de silence et que Jésus en soit obligé à son tour de se tenir « dehors, dans des endroits déserts », exclu comme l’avait été le lépreux, mais attirant malgré lui les foules en tant que faiseur de miracles plutôt que de les orienter à Dieu. Dans ce bref récit de guérison, je ne relève pas moins de trois miracles.

Premier miracle : que ce lépreux ait trouvé le courage – courage du désespoir peut-être – d’approcher Jésus, malgré l’hostilité de la foule apeurée et le risque de se voir rejeté par Jésus. C’est un miracle de la confiance : si tu le veux, tu peux me purifier, tu peux me délivrer du malheur qui m’accable et m’empêche de vivre une vie pleinement humaine.

Deuxième miracle : que Jésus n’ait pas reculé en voyant approcher cet homme, mais qu’il ait répondu à son appel au secours, tendant la main pour le toucher. Que ce soit ému de compassion ou indigné pour un motif quelconque, Jésus, par ce très simple geste bouleversait toute la vie de cet homme : l’intouchable cessait de l’être, il devenait (ou redevenait) un homme parmi les autres, ayant pleinement sa place dans la communauté de ses semblables et à la face de Dieu.

Troisième miracle : malgré la consigne de silence que Jésus lui avait donnée, l’ancien lépreux se fit témoin de l’Évangile, proclamant à tout va la Parole et révélant à tous les pouvoirs salutaires de Jésus. Cet homme qui, par sa maladie, incarnait aux yeux des autres et peut-être à ses propres yeux la colère et le jugement de Dieu devenait le messager d’une Parole de vie et de liberté : Parole de confiance en un Père qui ne condamne pas, mais pardonne et bénit.

Que retenir aujourd’hui de cette guérison reliant trois miracles ? Qu’il n’y a aucun danger de contagion dont il faudrait préserver l’Église et l’Évangile ou bien nous préserver nous-mêmes : la peur est toujours l’indice d’une absence de foi. Nous n’avons rien à craindre à approcher autrui ni à le laisser approcher, avec ses cicatrices et ses infirmités, avec ses questions ou ses convictions différentes des nôtres. Rien même à craindre à lui tendre la main et le toucher !

L’Évangile n’est pas une école de soumission patiente et passive à un destin qui serait décidé d’avance et imposé d’ailleurs, mais une incitation à agir en confiance et courageusement, comme ce lépreux avec sa double initiative qui ose aller demander l’aide de Jésus malgré son impureté, puis s’en va témoigner partout de son Libérateur, au risque des moqueries, des médisances et des injures… et même de lui désobéir !

Comme les choristes dans le choral qui conclut la cantate, nous pouvons également prier : « Herr, wie du will(s)t » : Que soit faite ta volonté, et que j’y puisse aussi prendre ma part, grâce à toi, puisque telle est la volonté du Père qui nous a créés. En son Fils, il nous comble de grâce et de bienfaits, et par son Esprit, dans la foi, il nous aimante à son Royaume. A lui louange, honneur et gloire !

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Prière d’intercession

Dieu, notre Père, lorsque nous sommes confrontés à la présence du Mal sous ses multiples formes, donne-nous de nous savoir portés et guidés par ton Esprit qui régénère ; ainsi pourrons-nous résister à la peur, à la méfiance et au découragement qui nous séparent d’autrui.

Jour après jour, des femmes et des hommes qui nous ressemblent endurent l’épreuve de la misère ou de la maladie, de la violence ou de l’oppression, victimes aussi d’une société qui les ignore ou les rejette, comme jadis les lépreux.

A ces femmes et ces hommes, donne ton Esprit de force et d’espérance pour qu’ils affrontent les épreuves sans cesser de croire en leur avenir qui est aussi le nôtre.

Jour après jour, Jésus a poursuivi son chemin de confiance ; il s’est approché des autres, notamment des infirmes, des méprisés et des exclus, et les a laissés s’approcher de lui ouvrant ainsi la voie vers une ère nouvelle d’humanité où n’auront plus de place la malveillance ni le malheur.

Donne-nous, Père, et donne à ton Église de refléter un peu de la confiance qui animait Jésus, en témoins d’un Amour plus puissant que le Mal, d’une Vie plus forte que la mort.

Dans cette attente, ouvre nos cœurs et façonne nos lèvres pour te prier comme l’enseignait ton Fils :

Notre Père qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié.
Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal.
Car c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles.
Amen.

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Bénédiction (d’après une prière du Révérend Charles Helley, recteur de l’Église anglicane de Saint James à Londres)

Que Dieu nous donne la douceur de ses larmes devant la souffrance de nos compagnons humains, devant la famine, la guerre et le mépris, pour que nous sachions leur ouvrir notre cœur, leur tendre la main, réconforter leur peine.

Qu’il nous donne l’énergie de sa colère devant les injustices et les oppressions, à l’exploitation et à l’humiliation de nos semblables ; et qu’il nous donne l’intelligence de sa lucidité pour résister aux réponses commodes, aux demi-vérités, aux arrangements superficiels, pour que nous osions lutter pour la justice, la paix, la liberté.

Qu’il nous donne aussi la folie d’espérer une terre nouvelle et une humanité réconciliée, pour que nous demeurions sel et lumière en ce monde, gardant confiance en ses promesses d’un autre avenir.

Que Dieu nous bénisse, Père, Fils et Esprit-Saint, lui qui crée, ravive et sanctifie, aujourd’hui et toujours ! Allons dans sa joie, dans sa paix, dans sa lumière, et que se fasse sa volonté :

Herr, wie du will(s)t !

Mettons-nous à l'écoute de la cantate de Bach BWV 73. Elle a pour sujet la confiance face à la maladie et du récit de la guérison du lépreux en Marc 1. Comment la foi chemine-t-elle confrontée au mal?

Pour des raisons imprévues, Ion Karakash ne pourra pas présider le culte. Les textes qu'il a préparé sont lus par Jean-Marie van Trappen.

Détails

Avec la participation de
Pour des raisons imprévues, le culte est présidé le pasteur Jean-Marie van Trappen, reprenant la liturgie et la prédication du pasteur Ion Karakash.
Avec Françoise Gaud pour les lectures.
Orgue
Didier Godel
Musique
Choeur paroissial de Champel-Malagnou sous la direction de Didier Godel, avec les solistes Na Lin, soprano, et Sacha Michon, basse.
Xihuit Tonalli, Mundo Lozana et Martina Buchelli au violon, Jeanne Camus à l'alto, Gaëlle Fabiani au violoncelle, Catherine Fuchs et Aline Chenaux au hautbois, Victoria Merlo au basson, Samuel Gaille à la trompette, Tigran Stambultsyan à l'orgue