Un enfant, signe de la présence de Dieu?!

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Écouter le culte :

‘Le Seigneur Dieu vous donnera lui-même un signe : voici que la jeune femme sera enceinte, elle enfantera un fils et l’appellera ‘Emmanuel’, ‘Dieu avec nous’’
Un enfant à naître : drôle de preuve de la présence de Dieu aux côtés de son peuple, surtout dans un temps de crise et de menaces !
La prophétie date du 8e siècle avant notre ère, en pleine période de guerre pour le petit royaume de Juda. Le roi Achaz envisageait de s’allier avec les Assyriens, puissance dominante du moment, pour résister aux assauts des troupes syriennes, alliées, elles, au royaume - ennemi - d’Israël-Nord. Mais à la cour les avis étaient partagés : certains préconisaient cette alliance avec Ninive, la capitale des Assyriens, tandis que d’autres plaidaient pour une coalition contre Ninive et ses visées expansionnistes.
Le roi et ses conseillers louvoyaient ainsi entre l’une et l’autre alliance, au gré des circonstances. Mais en l’année 735, il y avait urgence : Jérusalem était attaquée. D’où la description qu’en fait Esaïe : ‘Le cœur du roi et celui du peuple étaient agités comme les arbres de la forêt quand se lève le vent…’

Dans cette situation critique, le prophète s’efforçait de convaincre le roi de renoncer à toute alliance, que ce soit avec les Assyriens ou contre eux : Esaïe prônait une tout autre politique, basée sur la confiance en Dieu plutôt que sur des jeux d’alliances opportunes. Et pour donner davantage de poids à son message, il l’accompagnait de l’annonce d’un signe divin : la naissance prochaine d’un enfant. Esaïe ne pensait certainement pas à une naissance virginale et surnaturelle, mais simplement à celle d’un héritier mâle dans la famille royale, synonyme de continuité future sur le trône de Juda en cette période d’incertitudes.
Et le prophète affirmait qu’avant même que cet enfant ait atteint l’âge de raison où il saurait ‘distinguer le bien du mal’, - vers huit à dix ans -, les ennemis de Jérusalem seraient anéantis et leurs territoires dévastés ! Il accompagnait cette prophétie d’une précision qui en soulignait encore la portée d’espérance : l’enfant à naître serait appelé Emmanuel, ‘Dieu-avec-nous’, - promesse que Dieu ne cesserait jamais d’être là, présent et protecteur, aux côtés de son peuple.

Il est peu probable que ce genre de signe ait pu convaincre le roi Achaz : un enfant, et même un fils, un futur héritier du trône, c’était si peu de chose face aux armées ennemies qui menaçaient Jérusalem !
D’ailleurs, Achaz avait bien dit à Esaïe qu’il n’attendait et n’espérait aucun signe de Dieu…
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Et nous, aujourd’hui, quelle espérance associons-nous au fait que Jésus ait été un enfant ? Quel signe, quel message, quelle promesse divine y déchiffrons-nous ?
Il faut reconnaître que Noël n’est pas au cœur de l’Evangile ni de la foi chrétienne : l’apôtre Paul n’y fait quasiment aucune allusion, pas plus que les évangélistes Marc et Jean, qui ne mentionnent Jésus qu’à l’âge adulte, à partir du moment où il commence à témoigner de Dieu en actes et en paroles sur les chemins de Galilée.
J’aimerais néanmoins esquisser ce matin trois significations possibles de la Bonne Nouvelle de Noël, - trois promesses pour nous du passage de Dieu sur notre terre en la personne d’un enfant.
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L’enfant, c’est l’être humain qui accueille en totale confiance l’amour qui lui est donné et lui est nécessaire pour vivre. En d’autres termes, Noël rappelle que tout est grâce. Ainsi, Jésus n’est pas promu Fils de Dieu pour avoir fait ses preuves, en récompense pour les services qu’il aurait rendus : il l’est d’emblée, dès avant même sa naissance et par la seule volonté de Dieu. Voilà qui rappelle une parole bien connue de l’Evangile : il faut ‘accueillir le Royaume comme un enfant (l’accueille).’ (Marc 10,15)
Invitation à nous remettre à Dieu le cœur confiant, les mains ouvertes, sans prétendre avoir mérité quoi que ce soit ni pouvoir donner en retour : à Dieu, nous n’avons jamais à offrir que le ‘oui, merci’ de la reconnaissance, comme le fait un enfant, - et comme le faisait Jésus à l’égard de son Père.
C’est là une première leçon de Noël.
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L’enfant, c’est aussi une promesse de vie, entièrement tournée vers son avenir, son devenir potentiel. S’il est vrai qu’en Dieu tout est grâce, que tout est à accueillir, tout est aussi à inventer, - ou plutôt à laisser croître et s’épanouir dans la confiance.
Contrairement à ce que l’on entend dire parfois, le meilleur de notre existence n’est pas derrière nous ; le souvenir lumineux des Noëls d’autrefois n’épuise pas les promesses ni les bénédictions de Dieu. Multiplier néons et guirlandes en ce temps de l’Avent ne nous consolera guère de ne plus savoir vivre la fête comme les enfants que nous avons été…
Pour le dire autrement, Noël n’invite pas à la nostalgie d’un passé qui n’est plus, ni d’une foi d’enfant dont le cours de la vie nous aura éloignés : la Bonne Nouvelle de Noël nous appelle à attendre les jours et les temps à venir dans la foi en un Dieu dont la présence revêt le visage d’un enfant, nous invitant à grandir, comme le fait un enfant, en allant de l’avant pour témoigner de lui et de sa bienveillance.
La Nativité devrait orienter nos pensées, non pas vers 1930 ou 1960, mais vers 2017 ou 2060 !
C’est là un deuxième enseignement de Noël.
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L’enfant, c’est enfin l’être humain dans sa totale fragilité, - l’être humain à la merci de ses semblables.
Noël révèle que Dieu n’intervient pas dans notre histoire avec les armes de la puissance et du pouvoir, ni avec l’éclat d’une sagesse respectée de tous, mais dans la faiblesse et la vulnérabilité d’un enfant, ou le refus de violence de Jésus exposé sur la croix.
Voilà qui rappelle une autre parole bien connue de Jésus, répondant aux apôtres qui aspiraient à une place d’honneur à ses côtés, parce qu’ils s’imaginaient qu’il viendrait tel un roi entouré de sa cour :
‘Qui accueille en mon nom un enfant m’accueille’. (Marc 9/37)
C’est dans le visage fragile d’un enfant et de ceux qui lui ressemblent que Dieu est de passage sur nos chemins de chaque jour, à l’image de Jésus qui disait avoir été accueilli et assisté - ou, au contraire, méconnu et rejeté - en la personne d’un étranger, d’un malade ou d’un sans-abri… (Matthieu 25/34ss)
C’est là une troisième conséquence de Noël.
Martin Luther en tirait la recommandation suivante, pour son époque comme pour nous :
Voici ce qui montrera que tu as saisi le sens de Noël : tu prendras part au malheur de ton prochain comme si c’était le tien. Qui n’est pas prêt à venir en aide à son prochain n’a pas compris ce que veulent dire les mots : ‘Le Fils de Dieu s’est fait homme.’
Ce prochain, l’aideras-tu en bâtissant des églises en or massif, en faisant retentir des concerts de cloches, en allumant des cierges ou en brûlant des parfums ? Evidemment pas !
Ce que Dieu te demande, c’est de t’engager pour celui que tu vois souffrir dans sa chair, dans ses biens, dans son âme. Laisse le reste, et va aider ton prochain avec tout ce que tu as, tout ce que tu es ! Alors tu auras compris le sens de Noël.
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Il y a tout cela dans l’Evangile de Noël, annonce de l’Emmanuel, ‘Dieu-avec-nous, Dieu-parmi-nous’ : l’accueil confiant de l’amour de Dieu ; la marche confiante vers l’avenir ; la solidarité confiante envers notre prochain, - parce que nous croyons Dieu présent au cœur de notre quotidien, avec ses ombres et ses incertitudes. Un quotidien qui n’en est pas moins parsemé de promesses, si nous savons le voir en alliant l’émerveillement des yeux d’enfant à la lucidité riche d’expériences de l’adulte !
‘Parfois, - écrivait un poète en un autre temps de crise, la guerre de ’39-45 - ‘Parfois un enfant pleure / vers l’avenir.’ (Guillevic ; ‘Terraqué’) L’enfant de la Nativité nous appelle à porter nos regards vers les enfants qui pleurent aujourd’hui dans ce monde - et vers tous ceux qui leur ressemblent. Pour eux et avec eux, faisons de ces larmes une semence d’avenir, - les gouttes d’un vin nouveau où traluirait déjà le Royaume qui vient... Alors, même sans guirlandes ni néons, nous connaîtrons2 la joie d’avoir suivi l’Etoile du matin, celle qui brillait sur la crèche de l’enfant Jésus !

Un enfant, signe de la présence de Dieu ?!
Et nous, qu’attendons et qu’espérons-nous de Noël ?

En écho à la cantate de J.S.Bach ‘Nun komm, der Heiden Heiland’, composée pour le temps de l’Avent, le culte aura pour thème l’enfant comme signe surprenant de la présence de Dieu.
Culte Cantate sous la direction de Didier Godel

Détails

Avec la participation de
Eléonore Maystre Goldschmid
Orgue
Tigran Stambultsyan
Musique
Laurent Dami, ténor, Geoffroy Perruchoud, basse, Euridyce Vernay et Martina Buchelli, violon, Isabelle Diakoff, alto, Jean-Luc Magnenat, violoncelle, Victoria Merlo, basson, Aline Chenaux et Catherine Fuchs, hautbois, ainsi que le Chœur du Culte-cantate, sous la direction de Didier Godel