L'Évangile de Noël

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Écouter le culte :

Message, partie 1

Carine Martin (CM)
Matthieu 2, 1-2
Jésus naquit à Bethléem, en Judée, à l'époque où Hérode était roi. Après sa naissance, des savants, spécialistes des étoiles, vinrent d'Orient. Ils arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est l'enfant qui vient de naître, le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile apparaître en Orient et nous sommes venus l'adorer. »

David Allisson (DA)
C’est le Noël de la tradition biblique, du moins une partie : plusieurs acteurs de nos crèches sont absents de l’Évangile selon Matthieu : les bergers, la chorale des anges du ciel, l’auberge qui ne reçoit pas la sainte famille. Matthieu montre comment la naissance de Jésus réalise les annonces des prophètes anciens. Un de ces éléments traditionnels dit que Jésus est mal reçu. Ici, Hérode enquête sur ce concurrent qui lui est annoncé. C’est lui qui va être le méchant, c’est Hérode qui rejette le roi attendu. Mais dans un premier temps, il ne peut pas empêcher la joie de la naissance et l’adoration des savants.

(CM)
Matthieu 2, 7-11
Hérode convoqua secrètement les savants et s'informa auprès d'eux du moment précis où l'étoile était apparue. Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez chercher des renseignements précis sur l'enfant ; et quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'aille, moi aussi, l'adorer. »
Après avoir reçu ces instructions du roi, ils partirent. Ils virent alors l'étoile qu'ils avaient déjà remarquée en Orient : elle allait devant eux, et quand elle arriva au-dessus de l'endroit où se trouvait l'enfant, elle s'arrêta. Ils furent remplis d'une très grande joie en la voyant là. Ils entrèrent dans la maison et virent l'enfant avec sa mère, Marie. Ils se mirent à genoux pour adorer l'enfant ; puis ils ouvrirent leurs bagages et lui offrirent des cadeaux : de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

Interlude musical


Message, partie 2

(DA)
Voilà ce qu’il nous faut pour un joyeux Noël : les mages, l’étoile, les cadeaux, la joie. C’est comme si l’Évangile appelait les traditions familiales et commerciales de Noël !

(CM)
Ce qui m’importe d’abord, c’est la tradition de Noël dans ma famille. Elle m’apporte beaucoup. Elle me permet de passer un magnifique moment avec les miens. Elle me fait du bien.

(DA)
Je dis souvent que je n’aime pas Noël et cela me fait plaisir de me joindre aux grognons. Je trouve que la tradition faiblit et qu’elle perd de sa signification.

Il y a du coup quelque chose d’étrange pour moi de prêcher aujourd’hui au matin de Noël pour autant de monde : année après année, au moment de planifier les célébrations de Noël, j’ai proposé à mes collègues de supprimer Noël. Oui, ce serait mieux de supprimer Noël. Ce serait une manière d’éviter de participer aux excès mercantiles de cette période. Ce serait une manière d’éviter les traditions sucrées un peu écœurantes. Ce serait une manière d’éviter la question de la sincérité ou de l’hypocrisie des sourires et des vœux de bonheur.

(CM)
Moi j’aime Noël. J’aime l’attendre et préparer la fête parce que j’y vis la joie de la rencontre. J’aime recevoir mes proches et les faire participer à la préparation de la fête. Chacun apporte une partie du repas. Les cadeaux des membres de la famille expriment l’amour des uns pour les autres parce que chacun s’implique soi-même dans ce qui est offert. En réalisant soi-même son cadeau, chacun montre que le destinataire est important pour lui.

(DA)
Je ne sais pas ce qui me retient à Noël, parce que j’aime beaucoup la rencontre, la découverte de l’autre, le partage. Et année après année, en pensant aux fêtes et rencontres auxquelles je participe je me dis qu’il s’y est passé de belles choses et que je m’y suis bien plu. Il y a beaucoup de bonnes choses dans ces traditions.

(CM)
Cela fait du bien de pouvoir se baser sur ce repère que peut devenir une tradition. Mettre en œuvre une tradition c’est aussi une manière de se concentrer sur les relations entre proches. Quand je m’implique dans les préparatifs, j’essaie d’être attentive à être en accord avec moi-même. C’est une base qui me permet de m’ouvrir à l’autre et à la rencontre.

Interlude musical


Message, partie 3

(DA)
Une partie carrément douloureuse de l’Évangile vient mettre en question la rencontre, l’amour, la paix et la lumière de la tradition : les mages sont avertis par Dieu qu’il ne doivent pas retourner voir Hérode qui veut faire du mal au nouveau roi. Et Hérode se fâche.

(CM)
Matthieu 2, 16
Quand Hérode se rendit compte que les savants l'avaient trompé, il entra dans une grande colère. Il donna l'ordre de tuer, à Bethléem et dans les environs, tous les garçons de moins de deux ans ; cette limite d'âge correspondait aux indications que les savants lui avaient données.

(DA)
Ça saigne, dans l’Évangile selon Matthieu ! Dans le récit de Luc, la porte n’est pas grande ouverte non plus. Il rapporte que Joseph, et Marie sur le point d’accoucher, ne sont pas reçus dans la maison où logent les voyageurs. Ici, Matthieu aimerait montrer que les événements réalisent d’anciennes annonces.

(CM)
Matthieu 2, 17-18
Alors se réalisa ce qu'avait déclaré le prophète Jérémie : « On a entendu une plainte à Rama, des pleurs et de grandes lamentations. C’est Rachel qui pleure ses enfants, elle ne veut pas être consolée, car ils sont morts. »

(DA)
Noël n’est pas seulement la beauté d’une tradition qui revient. Les humains se blessent entre eux. Les réunions de famille se passent mal, parfois. Telle tante préfère dénigrer son frère. Tel cousin montre son désintérêt pour la rencontre en choisissant les excès de boisson et l’agressivité. Un deuil, une rupture vient remettre en cause l’équilibre familial et fait craindre que la rencontre ne pourra plus avoir lieu. La tradition semble devoir entrer dans les souvenirs plutôt que rester dans les projets.

(CM)
Hérode fait semblant de s’intéresser à la quête des savants qui cherchent à honorer la naissance du nouveau roi. En fait, les habitants connaissent bien la réputation de ses violentes colères.
La moitié d’entre eux pourrait jouer le rôle de l’ange qui vient avertir les savants de prendre un autre chemin et de ne pas repasser au palais pour donner des nouvelles au roi orgueilleux et colérique.

(DA)
L’Évangile de Noël annonce une bonne nouvelle, une de ces nouvelles qui mettent en joie et qui inaugurent une période d’amour et de paix. Et l’histoire du monde et les colères des puissants et de Dieu lui-même parfois viennent contredire année après année cette attente de paix. Comme pour les bébés sous les coups des soldats d’Hérode, il nous semble que la paix annoncée est toujours contredite par la mort et les blessures.

Pourquoi le Miséricordieux doit-il d’abord faire mourir ?

Pourquoi la volonté de bien faire est régulièrement réduite à la misère dans trop de situations ?

Pourquoi le Proche-Orient, berceau des religions monothéistes est-il baigné de sang depuis des siècles et des millénaires ?

Les extrémismes font peur, blessent et font mourir. Les égoïsmes et la méfiance appauvrissent le partage. La haine et les destructions obligent à de nouvelles fuites. De nouveaux refuges sont toujours nécessaires.

(CM)
Les blessures des femmes et des hommes ne disparaissent pas comme par enchantement parce que c’est Noël et que cela doit être beau, plein de paix et d’amour. Vous savez bien que vous traversez la fête avec tout cela en vous : la douleur des blessures et l’attente de la douceur et de la paix.

Noël est un calvaire pour tant de femmes et d’hommes qui n’ont plus personne autour d’eux, qui ont subi de telles pertes ou de tels revers qu’ils ne sentent plus rien d’autre que la souffrance et la solitude. Et c’est d’autant plus fort et douloureux dans ces périodes où tout dit autour de nous que c’est le moment de la joie et de la fête.

(DA)
L’Évangile de Noël est la promesse d’une présence. Pas un baume ou un cataplasme qui cache la souffrance pour un moment. Cette douleur reste bien présente à ceux qu’elle touche. Je suis ému et émerveillé de voir vivre ces personnes blessées qui reçoivent le Christ, à Noël mais aussi dans tous les moments de la vie, comme venant habiter ce qui fait souffrir, ce qui nous est difficile, ce qui nous fait mourir. Même nos fêtes sont parfois des défaites. Et le Christ de vie s’y montre présent.

Interlude musical


Message, partie 4

(DA)
Soyez gonflé !

(CM)
Comment, « Soyez gonflé ! » ? On ne peut pas dire une chose pareille ! Jésus, je le trouve gonflé, justement, quand il dit « Moi je » ou « Je suis… le bon berger, le pain de vie, la lumière du monde, la résurrection et la vie ». C’est prétentieux, non ?

Ma promesse, mon Noël, je l’aimerais chaleureux, lumineux, dans la rencontre. Je l’aimerais sans prétention, justement.

(DA)
Oui, en effet, c’est un peu rapide de juste dire, « soyez gonflé ». Comme si l’orgueil écrasant était ce qui permettait de vivre. Dire « soyez gonflé » sans préciser, ce serait un peu comme dire : dominez, écrasez, profitez. Dans ce que j’aimerais dire ici, être gonflé, c’est juste le contraire.

Être gonflé comme un ballon, juste assez pour tenir bien ferme, et pas trop dur, pour ne pas faire mal.

Être gonflé comme un pneu de vélo, pour donner à la roue la structure et l’appui qu’il lui faut pour bien avancer.

(CM)
Être gonflé comme avoir inspiré une bonne bouffée d’air frais et de repos qui permet de sentir qu’on est en accord avec soi. Et si cette inspiration et cette amitié avec soi-même permettent d’aider l’autre, c’est encore mieux.

Interlude musical


Message, partie 5 et fin

(DA)
Quand nous pensons âme ou esprit et que nous imaginons celui qui nous stimulera, nous attendons un spirituel, un modeste, avec qui nous pourrons faire respirer notre âme et nos pensées. Et c’est bien lui, le Jésus que je rencontre dans les évangiles. Il est attentif aux besoins basiques de celles et ceux qui croisent son chemin. Il est assez anticonformiste pour veiller à ce que les institutions en place agissent pour la vie des personnes et il ne se gêne pas de s’opposer à leur pouvoir quand celui-ci ne fait rien que se nourrir lui-même au lieu de se mettre au service de la vie.

Ici j’aimerais inviter l’Évangile de Noël selon Luc. Il propose ce souffle, cette lumière et cette ouverture qui peut nous inspirer sans orgueil, et qui regonfle notre amour de la vie, des autres et de la rencontre. Un Noël divin, en fait.

(CM)
Luc 2, 10-14
L'ange leur dit : « N'ayez pas peur, car je vous apporte une bonne nouvelle qui réjouira beaucoup tout le peuple : cette nuit, dans la ville de David, est né, pour vous, un Sauveur ; c'est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous le fera reconnaître : vous trouverez un petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. »
Tout à coup, il y eut avec l'ange une troupe nombreuse d'anges du ciel, qui louaient Dieu en disant : « Gloire à Dieu dans les cieux très hauts, et paix sur la terre pour ceux qu'il aime ! »

(DA)
Accueillons la lumière de Noël comme un rappel que c’est à la vie que nous sommes destinés. Que Dieu qui naît à Noël nous aide à nous mettre en accord avec nous-même et avec cette vie plus grande que nous.

(CM)
Quand Dieu devient un moule auquel nous devons nous adapter et des ordres auxquels nous avons à nous soumettre, il n’est plus un Dieu de vie. Il devient un instrument du pouvoir des religions. A ce moment-là les humains gagneront à s’éloigner des religions pour en être libérés.

(DA)
Soyons gonflés d’un air pur qui nous fait vivre et qui nous fait sentir la vie en nous comme quand nous remplissons nos poumons de l’air d’une nuit fraîche en pleine nature.

Amen

Dans une forme liturgique traditionnelle, au travers de chants, de musique d’orgue, d’œuvres pour flûte traversière et flûtes à bec, la prédication à deux voix du pasteur David Allisson et de la comédienne Carine Martin prend, au fil de la célébration, une tournure inhabituelle et bouscule quelque peu les réflexions convenues à propos de Noël.

Détails

Avec la participation de
Carine Martin, René Perret, Marinette Jequier, Giuliano Minisini, Anna Catherina Stump, François Piazza, Marc Rufener et Maude Allisson
Orgue
Jean-Samuel Bucher
Musique
Soeur Laurence Perdrix à la flûte traversière et trio de flûtes à bec avec Eliane Décosterd, Octavio Brodziak et Pascale Keller-Delacrétaz