« C’est lui l’héritier, tuons-le ! »
Cacophonie ou harmonie dans nos relations à Dieu.

image

Écouter le culte :

(Lecture de Matthieu 21, 33-46 & écho à l’orgue) - Prédication 1ère partie

Cacophonie !

Ça grince, cette histoire de vignerons. Ça fait mal aux dents, comme du raisin pas mûr. Ça agace les oreilles comme un instrument mal accordé. Ça prend aux tripes, parce toute injustice nous rebouille.
Terrible, en ce temps de vendanges, d’entendre parler de vignerons qui, certes, travaillent la vigne, triment et suent, mais qui du coup s’en croient maîtres et propriétaires. Au point de molester les légitimes envoyés du vrai propriétaire. Au point de porter la main sur le fils du patron lui-même.

Les auditeurs de Jésus, les autorités de son temps, ne s’y trompent pas : ils se reconnaissent sous les traits des mauvais responsables mis en scène par Jésus. Ils comprennent parfaitement que l’accusation de Jésus les désigne, eux, les chefs du peuple, comme ceux qui veulent avoir la mainmise sur les petits dont ils ont la responsabilité. Et du coup avoir la mainmise sur le maître et ses serviteurs.

Cacophonie. Musique discordante sans harmonie ni sens.

Ils se prennent pour Dieu, ils croient pouvoir non seulement être ses représentants, ce qui pourrait être leur tâche, mais carrément le remplacer.
Une histoire, une comparaison, une parabole qu’emploie Jésus. Elle a du sens pour aujourd’hui aussi. Nous en connaissons à notre époque, des responsables, politiques ou religieux, des directeurs ou des présidents, qui s’estiment tellement au-dessus des autres qu’ils sont la loi à eux tout seuls. Comme les vignerons, ils se croient seuls maîtres à bord, sans égard pour ceux dont ils ont la responsabilité. Ils se prennent pour Dieu.

Cacophonie.

Mais… ne faisons-nous pas partie nous aussi de ces mauvais vignerons, chaque fois que nous oublions la présence et l’action de Dieu parmi nous ? Ne jetons-nous pas les serviteurs et le fils dehors chaque fois que nos responsabilités, quelles qu’elles soient, nous servent, en fait, à prendre le pouvoir ? Chaque fois que nous rompons l’harmonie au profit de notre voix en solo ?

Cacophonie.

Que va faire le maître aux vignerons accapareurs, demande Jésus. Que va faire Dieu ?
Les auditeurs de Jésus, d’accusés, deviennent accusateurs : le maître, bien sûr, va les tuer et les remplacer ! Ce n’est pas Jésus qui donne cette réponse ; il ne la récuse pas, mais il parle de pierre rejetée qui devient principale, centrale, fondamentale. Il laisse ses auditeurs, à ce moment-là, se juger eux-mêmes. Tout en disant déjà que Dieu ne laisse pas rejeté définitivement ce fils massacré, cette pierre écartée. Il nous laisse nous juger nous-mêmes quand nous croyons désigner les autres. L’essentiel est ailleurs.

Le prophète Esaïe, lui aussi, parle de vigne de la part de Dieu. Ecoutons-le.


(Lecture de Esaïe 5, 1-7 & écho à l’orgue) - Prédication 2e partie

Encore ! Encore cacophonie !

Voilà qu’ici, ce ne sont pas les vignerons qui sont accusés, mais c’est la vigne elle-même que Dieu convoque en procès. Cette vigne qui ne donne pas de fruits. Qui n’offre que des fruits acides qui agacent les dents. Quand bien même tous les soins requis l’ont entourée, toutes les attentions et les conditions idéales étaient réunies pour elle.

Ce ne sont pas les dirigeants que Dieu accuse, que Dieu condamne, là c’est le peuple, le peuple entier des croyants, son peuple choisi, soigné, entouré. Ce peuple qui, malgré l’amour que lui porte son maître, malgré l’harmonie qu’il voudrait en dégager, ne produit pour lui qu’amertume et cacophonie. Ce peuple que nous sommes aujourd’hui, ce peuple qui peine tant à être harmonieux, ce peuple où chaque voix veut qu’on l’entende davantage que sa voisine. Ce peuple qui se divise et se juge. Ce peuple dont je suis une part, moi qui peine à accepter chaque différence, chaque chemin autre que le mien.

Je sais bien que je suis incapable par moi-même de faire le bien, et de porter de bons fruits. Je sais bien que je ne ferai pas une harmonie à moi toute seule. Je sais bien que je suis passible du jugement. Ce jugement terrible de vigne détruite, piétinée, dévastée. Par moi-même, vigne ici, ou vigneronne – ou vigneron – dans la parabole de Jésus, je ne peux être qu’injuste. Par moi-même, personne, communauté, Eglise, par nous-mêmes nous ne pouvons que tomber sous le coup du jugement.

Qui pourrait nous remettre dans l’harmonie, dans l’accord ?


(Lecture de Jean 2, 1-2 & écho à l’orgue) - Prédication 3e partie

Oui, en Christ, Dieu remet de l’harmonie dans la discordance cacophonique. En Christ, Dieu prend soin de sa vigne à nouveau, si dévastée qu’elle subsiste. En Christ, Dieu remet la vigne entre les mains des vignerons.

Jésus le Christ est le pardon de Dieu pour les hommes, pour vous, pour moi. Et pour le monde, le monde entier. Pardon inconditionnel. Pardon tellement plus grand que nos errements. Pardon aux dimensions de l’univers.

Bras ouverts à moi, à toi, à vous, à nous tous, à ceux d’ailleurs, à ceux qui sont loin de lui. Main de Dieu comme refuge et comme protection, comme guide pour nous rendre à nos responsabilités, conscients que, d’abord, nous sommes aimés. Et qu’à notre tour nous pouvons aimer. Aimer le maître sur qui prennent appui nos responsabilités. Aimer ceux dont nous avons la responsabilité. Aimer ceux que le maître aime, lui qui aime chacun. Aimer donc ceux-mêmes qui ne sont pas aimables.

Jésus le Christ est la pierre principale, la pierre rejetée et retrouvée. La pierre centrale et vivante. Il est le ressuscité, vainqueur de toutes les morts, premier-né à la vie. Il est la note fondamentale de l’accord, sur lui peut se construire l’harmonie. Il est notre défenseur, notre rédempteur. Devant le Père, il est notre paix, il nous redonne vie, il nous rend capable d’offrir à Dieu de beaux et bons fruits.

Chaque jour, il accueille ma voix dans son harmonie, dans sa symphonie. Il accueille chacune de nos voix, et les met d’accord en Eglise. Il nous fait porteur de sa musique de vie.

Amen

Ce culte marque les 250 ans de l’orgue du temple, et les chants ont été choisis par l’organiste pour se placer dans l’écho du 500e anniversaire de la Réforme.
Dans l’esprit des Réformateurs qui ne reculaient pas devant un texte dit « difficile », la prédication portera sur la parabole dite des « méchants vignerons », et se demandera où nous sommes dans le chemin d’harmonie entre l’accueil que Dieu nous offre et celui que nous lui accordons.

Détails

Avec la participation de
Jean-Luc Thérisot
Orgue
Guilhem Lavignotte
Musique
Chorale protestante d'Yverdon, sous la direction de Catherine Poncey-Grand-Pierre