Elisabeth: de la honte… à une place en dignité

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Écouter le culte :

Oserai-je vous parler de miracle aujourd’hui ? N’est-ce pas un peu indécent d’utiliser ce mot par ces temps plus que tourmentés ?!

Alors, je pourrais édulcorer toute cette histoire d’Elisabeth qui se retrouve enceinte alors qu’elle est vieille et trouver un moyen de contourner le problème et le fameux mot tabou de miracle… Parce que des miracles, on n’en voit pas beaucoup de nos jours !

Voilà ce à quoi j’ai pensé cette semaine. Allez, j’ose ce matin parler du miracle reçu par Dieu pour Elisabeth ! Un miracle en trois temps et qui a pris plus de 9 mois…

Il y a d’abord le miracle de cette grossesse qui, on peut l’imaginer, n’était plus attendue, un ventre désespérément creux et vide pour Elisabeth.
Elle a dû en entendre des chuchotements sur son passage, des regards de travers sur son ventre éternellement plat, elle parle de honte, cette honte qui colle à la peau et qui ne peut s’enlever, car elle n’est pas toute puissante, elle ne peut rien faire contre ou pour, une honte qui ronge, qui gangrène, qui vous poursuit jour et nuit et avec laquelle il faut vivre et continuer à vivre malgré tout.

Je pense que l’on a tous un jour où l’autre connu cet état de honte, d’abattement, de fatalité de la vie, que l’on ne peut guérir ou effacer… Voilà comment était la vie d’Elisabeth avant… avant que son ventre ne s’arrondisse et que vraiment elle réalise qu’elle est enceinte.

Le texte nous dit qu’elle reste 5 mois cachée dans sa maison, le temps pour que ses formes soient bien définies, que cela se voie aux yeux de tous, mais aussi je peux l’imaginer, que ce miracle soit vraiment tangible et indiscutable pour Elisabeth. Personne ne pourra dire qu’elle est folle, qu’elle se fait des idées, qu’elle est bien trop vieille pour engendrer et que ses rondeurs sont celles de l’âge pas d’une grossesse…
Ce premier miracle-là est celui du don, de l’enracinement, du décollage de la honte, un miracle tout personnel offert par Dieu, de l’ordre du privé, de l’intime, des entrailles. Celui qui est à recevoir rien que pour soi, et qui se garde secret, comme un trésor caché et qui est savouré pendant des mois pour Elisabeth.

Alors oui, on peut utiliser le mot miracle encore aujourd’hui, car des hommes et des femmes, des enfants, je le crois, reçoivent encore ces cadeaux, ces grâces pour leur corps et leur âme. Ce ne sont pas des miracles grand public, éclairés par les feux de l’actualité, mais des embryons d’amour et de vie offerts par notre Seigneur à celles et ceux qui l’aiment. Et pour ces miracles-là, il est bon de les garder et savourer juste pour soi. Comme un secret, comme un murmure d’oreille à cœur, comme un fil invisible tissé avec Dieu.

Après ces 5 mois, après ce temps de cocooning divin qu’Elisabeth a savouré, voici le deuxième temps du miracle, comme un remue-ménage, un remue-ventre, un bondissement de joie.
Au moment où Marie et Elisabeth sont ensemble, voilà qu’elle ose enfin sortir de la coquille brisée, pour se tenir debout, en face à face devant Marie et oser une place dans le cercle familial. Oui, sa cousine est aussi enceinte, oui elle a senti son propre bébé remuer en elle, oui c’est miraculeux ce qui arrive et maintenant elle peut en parler, le texte biblique dit qu’elle parle d’une voix forte et remplie de l’Esprit.
C’est le deuxième miracle reçu dans la vie d’Elisabeth, voilà qu’elle ose, qu’elle n’est plus la paria, le ventre creux et vide, elle peut maintenant bondir dans la vie et se placer comme épouse, mère, cousine, comme un personnage important de l’histoire, elle a un rôle, une place dans la famille qui lui permet de partager la joie, qui lui permet de mettre en lumière celle qui est en face d’elle: Marie…. et Jésus.

Alors oui, on peut utiliser le mot miracle encore aujourd’hui, à chaque fois que des hommes, des femmes et des enfants ont pu partager la joie, ont osé parler dans la liberté, la confiance et la reconnaissance de ce qu’ils vivaient intérieurement, parce qu’ils se sentaient à leur place, une place aimée et reconnue dans le sein familial, avec les proches et les amis. C’est un miracle quand on peut oser dire qui on est sans avoir à crainte l’exclusion, le jugement, la honte ou les moqueries. C’est un miracle quand on peut mettre la lumière sur l’autre sans jalousie, sans arrière-pensée, sans manipulation. Comme Elisabeth mettant en lumière Marie et sa destinée.

Ce ne sont pas non plus des miracles grand public éclairés par les feux de l’actualité, mais des maillages de fraternité, d’acceptation, d’amour partagé avec celles et ceux de notre quotidien. Et pour ces miracles-là, il est bon de les tricoter ensemble, à deux, à trois, à plusieurs. C’est ce qu’il y a de plus beau et de plus pur dans nos vies.

Voilà qu’arrive le temps d’accoucher pour Elisabeth, le dernier temps du miracle, elle met au monde son fils, c’est déjà merveilleux en soi, mais là où ce troisième miracle prend toute sa force, c’est il me semble après, au moment de la circoncision de son nouveau-né. Contre toute la tradition - père et fils s’appelleront du même prénom - voilà qu’Elisabeth en impose ! Elle dira en public et en lumière : « Son prénom est Jean. » Ce sont ses dernières paroles dans la Bible, comme un point d’orgue à cette merveilleuse destinée d’Elisabeth.

D’un embryon de miracle qui lui a décollé la honte des entrailles, à la joie partagée en famille, voilà qu’elle prend place en public, qu’elle se met en travers de la tradition de l’époque et elle n’y va pas par quatre chemins : c’est simple, clair et cela ne nécessite aucun commentaire : son prénom est Jean. Basta !
Alors oui, le texte biblique qui suit met Zacharie en avant, pour qu’il confirme l’audace de son épouse, pour qu’il soit libéré de son silence… mais quand même, Elisabeth, elle en jette comme femme !

Ce n’est plus du tout la femme cachée, qui rasait les murs de la ville, parce que sur elle ne reposait aucune bénédiction de descendance… C’est une femme qui ose au grand jour dire ce qu’elle pense. C’est un sacré miracle que Dieu a fait pour Elisabeth, celle dont le prénom signifie Dieu est plénitude, Dieu est promesse. Car en plus de la rétablir comme femme pouvant donner la vie, il a permis qu’elle soit rétablie comme un membre de la famille et un personnage public.

Elle se met en travers pour que son fils ait sa propre destinée, elle ne pose pas sur lui le sceau de la tradition, d’un prénom qui est celui de son père, non Jean aura son propre parcours, différent de celui de Zacharie. Elle se met en travers d’un cadre que l’on voudrait imposer à son fils, elle lui permet ainsi d’être libre, sans passé bon ou mauvais qui pourrait lui coller à la peau, elle fait du neuf, elle se met en travers de toute fatalité, de toute résignation.

Alors c’est peut-être là qu’il est délicat aujourd’hui de parler de miracle, parce c’est difficile d’oser s’affirmer aussi clairement dans la société. Souvent on s’adapte, on louvoie, on contourne à notre manière les choses de la vie, on change facilement d’avis, on ose quelques petits mensonges, on ne tient plus ses promesses ou ses engagements, on relègue, on oublie, on fait comme les autres, on se dit que c’est la vie, ce n’est pas nouveau, depuis des siècles c’est comme cela, alors pourquoi changer ?

Ou alors cela devient trop dangereux d’oser dire ce que l’on pense, c’est un risque, risque d’être exclu, étiqueté, ou pire d’être harcelé ou en danger de mort, mieux vaut ne rien dire, rentrer dans sa coquille, se faire le plus transparent possible dans une société où tout pourrait être mal pris et où un geste, une parole, un regard peuvent être lourd de conséquences…

Dans quelques semaines, nous fêterons la naissance de Jésus, il deviendra un homme qui libère et guérit, qui offre la place à l’autre, qui parle avec clarté et qui se mettra en travers de la tradition et du cours du monde. Je le crois, sa parole, ses actes, son rayonnement ont traversé les siècles pour se semer encore aujourd’hui.

On peut se poser la question de ce que ce Noël 2015 va changer en nous…

Rien peut-être, il y aura les fêtes en famille ou dans la solitude, il y aura peut-être plus de tristesse pour certains, de la joie pour d’autres ou encore des tensions et des querelles autour de la table familiale…
Cette période de Noël n’est pas facile à traverser, toujours trop chargée et stressante, mais si cette année le rappel de la venue du Christ sur terre nous poussait à orienter notre prière vers le miracle en trois temps d’Elisabeth…

Demander au Dieu de toute promesse de libérer enfant et adulte de toute honte, de toute culpabilité, de tout ce qui est trop lourd à porter.

Demander au Dieu de toute promesse de donner à chaque être humain une place, que chaque souffle de vie ait son sens sur cette terre, que chacun ait le droit d’être reconnu digne et aimé.

Demander encore au Dieu de toute promesse qu’ainsi nous puissions nous entendre dans la différence et le respect et accepter de nous mettre en travers de la vie pour rayonner de l’amour de Dieu qui dépasse tout ce que l’on peut comprendre des hommes.

Peut-être alors ce miracle-là sera celui de ce Noël. En ces temps difficiles et violents, il est plus que vital que nous puissions porter cette espérance et ces promesses-là.


Le miracle de Dieu pour Elisabeth a pris trois formes différentes et a duré 9 mois… Dans 9 mois, nous serons au mois de septembre 2016, à ce moment-là de nos vies, dont nous ne connaissons pas la destinée, je nous invite à faire un petit bilan pour déceler les miracles que Dieu a semés sur notre route, pour les savourer et les reconnaître. Je veux continuer à croire que les miracles sont possibles encore aujourd’hui, même dans l’obscurité de ce monde…

Le prénom de Jean signifie « Dieu a fait grâce », que Dieu nous fasse la grâce de ne pas passer à côté de chaque miracle offert, car il y en a… je le crois.

Amen.

Elisabeth: de la honte… à une place en dignité !
Que faire de ce tressaillement ?
Avec le personnage d’Elisabeth, la pasteure Sarah-Isaline Golay propose de découvrir que Dieu peut venir au coeur de toute honte humaine pour faire rebondir dans la vie, et trouver une place juste et digne dans ce monde…
Honte dépassée, tressaillement et dignité seront les mots clés de ce culte de l’Avent. Un avent-avant goût de ce que Noël peut changer en chacune et chacun!

Détails

Avec la participation de
Alain Wenker
Orgue
Sylvain Junker
Musique
Choeur de la Cathédrale de Lausanne, sous la direction de Jean-Louis Dos Ghali