Choisis la vie ! Et n’oublie pas la foi

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Écouter le culte :

Thierry Romanens, bienvenue à St-Laurent-Eglise. Merci d’avoir accepté de partager avec moi ce moment qu’on appelle « prédication ».
Pour la plupart d’entre nous, vous êtes un « Dicodeur », et votre humour, votre sens de la réplique, votre liberté de parole sont bien connus. C’est dire que quand je suis attablé avec vous à St-Laurent Eglise, et de surcroit à la radio, j’ai un peu le trac !
Vous êtes animateur, vous êtes comédien, vous êtes musicien-chanteur. Vous êtes à moitié Français, à moitié Suisse, puisque votre grand-père était Gruyérien. Vous avez fait une formation de psychomotricien et avant cela vous avez étudié à Lyon chez les Jésuites et en Alsace chez les Marianistes. Vous êtes donc Catholique. La messe, la liturgie, les textes bibliques ont marqué votre vie adolescente de jeune homme. Vous êtes marié, vous avez des enfants.
Est-ce que j’oublie quelque chose d’essentiel ?

Thierry Romanens: J’ai le trac, c’est une précision que j’apporte ! J’ai aussi le trac. Ma mère me disait toujours : « Fais confiance à l’Esprit Saint !». Et moi j’ai toujours fait confiance à ma mère !

Merci d’avoir accepté de vous frotter avec nous à ces paroles bibliques superbes qu’on vient de relire et, qu’au fond, en langage de variété ou de chanson française, on pourrait appeler des tubes bibliques. Ce sont des textes archi-connus, tellement connus qu’on pourrait se demander s’ils ont encore quelque chose à nous apprendre aujourd’hui, mais peut-être faut-il repréciser un petit peu leur origine et là, c’est pas une question piège que je vous pose, Thierry : ce dernier discours de Moïse, vous le situez où? Quand ?

Thierry Romanens: Moi, Moïse, j’en ai toujours l’image avec les tables de la loi. C’est vieux Moïse ! Cela fait longtemps ! Il n’y avait pas de pantalons à l’époque. Ils étaient en toges !

Je vous aide un tout petit peu. Au fond, ce discours de Moïse, clôt le Pentateuque. C’est un peu la fin des cinq premiers livres bibliques, ces livres qui racontent la Genèse, puis les Patriarches et puis l’aventure du peuple hébreux.
Pour comprendre ce qu’il se passe au moment où Moïse dit ces phrases, il faut remonter pas mal en arrière à une sombre histoire de frères jaloux d’un petit frère, Joseph. Il faut dire qu’il se la « pétait » un tout petit peu. Il avait la grosse tête. Il rêvait que ses frères s’agenouillent devant lui. Alors, évidemment, au bout d’un moment, ça les a énervés. Ils en ont eu assez. Ils l’ont vendu à des marchands qui eux-mêmes l’ont revendu en Egypte. Il est arrivé plein d’aventures positives à Joseph. Il est devenu proche de l’administration du pharaon. Dans le même temps, son pays a été ravagé par la famine. Sa famille est descendue en Egypte. Il a d’abord fait semblant de ne pas les reconnaître, puis il les a accueillis et les a nourris. Sa famille s’est installée. Elle a eu des enfants, des petits-enfants. Ils se sont tellement développés que les Egyptiens se sont dit : « Oh là, là ! Ils sont vraiment trop nombreux ceux-là ! Il faut faire quelque chose ! ». Ni une, ni deux, ils les ont réduits en esclavage pour fabriquer des briques. Il fallait donc un leader qui les ressorte de là. Ça va être Moïse qui les fait sortir d’Egypte.
Vous vous souvenez les plaies ? Les dix plaies ?

Thierry Romanens: Oui, mais j’essaie d’oublier les plaies.

Les dix plaies, la traversée de la Mer Rouge et puis quarante ans dans le désert et l’arrivée au Mont Nébo où Moïse va leur redire ce que nous avons lu tout à l’heure.
Alors, le Mont Nébo, moi je suis comme vous, j’en ai quelques souvenirs de l’école du dimanche. Pour moi, le Mont Nébo, ce n’était peut-être pas l’Everest ou le Cervin, mais c’était une montagne costaude. En fait, le Mont Nébo, c’est 817 mètres. C’est Mézières. Le Plateau du Jorat !
Au fond, l’important n’est pas là. L’important n’est pas tellement dans la hauteur, mais dans le fait que ça suffit, quand on est sur le mont Nébo, pour regarder le pays que Dieu va donner à son peuple et que c’est une frontière. A partir de là, il va falloir faire un choix sur ce qu’on veut faire. Et c’est pour ça que Moïse leur dit : « Aimez le Seigneur votre Dieu. Faites sa volonté. Obéissez à ses commandements. Alors vous vivrez et vous deviendrez nombreux ».
Et puis comme vous l’avez relu tout à l’heure, « mais si votre cœur se détourne, si vous n’obéissez pas, si vous vous laissez entraîner à adorer d’autres dieux, je vous préviens : vous disparaîtrez complètement ! ».
Ça, c’est le résumé, parce qu’en fait le discours de Moïse, c’est trente chapitres et ça, c’est la fin du trentième.
Thierry, si vous deviez garder un point fort dans ce texte relu tout à l’heure, qu’est-ce que vous garderiez ?

Thierry Romanens: Je reste un peu touché par le côté assez strict quand même. Il faut obéir. Ce sont des mots qui font un peu peur. L’obéissance ! Là ! Maintenant !
Peut-être se rappeler de ça : que de temps en temps il faut obéir.
Mais j’aurais de la peine à dire ce que je peux vraiment garder de ce récit. J’aime mieux le soulagement du texte d’après qui dit : « Il y a toujours de toute façon la foi, l’espérance et l’amour. Je me rassure avec celui-là.

Si vous n’avez pas vraiment de choix pour ce premier texte, ou de points forts, moi, je vais peut-être en relever un, si vous êtes d’accord.
Ce qui m’impressionne dans ce texte, c’est la notion de choix. Les uns et les autres on n’a pas choisi de naître. On n’a pas choisi notre éducation. On n’a pas choisi notre enfance, on n’a pas choisi le Lycée jésuite ou marianiste dans lequel on a étudié.
Et puis un jour, il faut bien reprendre tout cela à son compte et quand Moïse dit aux Israélites : « Je vous ai donné les recommandations. Je vous ai rappelé les commandements. Maintenant, cela veut dire : ne laissez pas la vie faire ! Ne laissez pas la vie aller ! Choisissez la vie que vous voulez vivre ! » Alors, évidemment, on a envie de dire : « Oui, mais qui c’est qui va dire : moi j’aimerais mieux la mort, si c’est possible ! ».
Et honnêtement, si on regarde autour de nous, si on regarde en nous-mêmes, est-ce qu’il n’y a pas finalement beaucoup de choses qui nous éloignent de la vie ? Le désir de vengeance quand on a été trahi. La jalousie du succès, de la reconnaissance, de l’autre. Le besoin de trouver toujours des boucs émissaires. Ou bien la peur, l’angoisse. La peur de manquer. L’angoisse de ne pas être apprécié à sa juste valeur. Est-ce que finalement tout ça ne nous éloigne pas beaucoup de la vie ?
Nous pressentons bien qu’il y a des choix à faire. Le choix que les Israélites doivent faire maintenant, c’est le choix : «Est-ce qu’on décide de traverser le Jourdain et de laisser derrière nous les années de désert, les années d’errance ? Est-ce qu’on décide d’accepter le cadeau de Dieu, ce pays que Dieu nous donne aujourd’hui, oui ou non ? »

C’est là qu’on peut, peut-être, passer au deuxième texte dont vous parliez tout à l’heure.
Au fond pour traverser le Jourdain, pour laisser derrière soi les années de désert, évidemment, il faut avoir confiance.
On retrouve ce texte de Paul. Là aussi petit rappel historique, parce que c’est peut-être quelque chose qui va vous toucher, Thierry.
Paul écrit aux Corinthiens. Corinthe, c’est une communauté qu’il a fondée juste après être passé à Athènes. A Athènes, Paul a vécu un bide spectaculaire. Il avait préparé un discours et les Athéniens l’ont bien écouté jusqu’à un moment où il allait leur dire la chose la plus essentielle. C’est alors qu’ils lui ont dit : « Là dessus, on t’écoutera une autre fois ». Puis ils sont rentrés à la maison !
Le bide, vous le savez bien, on peut préparer son spectacle, être sûr de ce qu’on a fait, sûr de ses techniciens. Mais on n’est jamais à l’abri du bide.
Un bide, ça vous est déjà arrivé ?

Thierry Romanens: Fort heureusement, j’en ai toujours été épargné. Mais on n’est jamais à l’abri d’une catastrophe.

Donc Thierry Romanens a eu plus de chance que Paul ! Pourquoi Paul écrit aux Corinthiens ? Parce qu’il a créé cette communauté et ensuite il est parti. Comme toujours, il a continué son voyage. Et puis, on lui a dit que tout n’allait pas si bien. Donc il leur écrit. Il leur parle de mariage, de viande consacrée aux idoles, de tenue des femmes, et puis, il leur parle aussi des charismes.
Je suis sûr que vous savez ce que c’est un charisme.

Thierry Romanens: Je connais le charisme, c’est-à-dire la capacité que vous avez à séduire un auditoire, par exemple. La présence au monde. Après, il me semble, si j’ai bon souvenir, que les charismes ce sont plutôt des dons de Dieu. Des dons qu’on a reçus. Un potentiel.

J’imaginais que Thierry Romanens allait nous faire une définition du charisme type « Dicodeurs » !

Thierry Romanens: Ah ben nous, là je ne suis pas au boulot !

Thierry Romanens est au culte, pas au boulot. La définition est beaucoup moins drôle, mais elle a du sens !
Les charismes, évidemment, ce sont les dons de Dieu que Paul rappelle. Et il arrive à cette fameuse conclusion : « maintenant trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour. »
Alors là, une définition « non-Dicodeurs ». Pour vous la foi, c’est quoi ?

Thierry Romanens: Quand j’étais jeune homme, il y avait une phrase que j’avais lue et qui disait : « Une foi qui ne doute pas est une foi morte ». Elle m’avait rassuré pendant longtemps, parce qu’on est toujours pris dans nos turpitudes sur les institutions, les Eglises, Dieu, etc. En fait, elle ne me convainc qu’à moitié, parce que j’ai l’impression que la foi est une sorte de conviction ancrée qu’on peut être tranquille. Un conviction peut-être transmise par sa mère, je me demande…
Je ne sais pas si c’est suffisant et si ça va vous satisfaire. Pour moi c’est quelque chose comme ça, parce qu’au fond de moi-même je suis convaincu qu’il y a quelque chose qui ne dépend pas de moi et que je peux être tranquille.

Je crois, effectivement, que la foi, on a tendance à l’associer aux convictions : croire que la Démocratie, c’est le meilleur des régimes politiques, c’est une conviction, ce n’est pas la foi. Croire que Jésus est ressuscité, c’est une conviction, ce n’est pas la foi. La foi c’est probablement, effectivement, beaucoup plus la confiance. La confiance dans les autres, dans l’Autre avec un grand « A », dans la vie. Cette confiance dont le peuple a besoin pour traverser le Jourdain et cette confiance dont nous avons besoin jour après jour.

Je vais vous posez la dernière question de ce moment d’échange :
Si vous deviez laisser à nos auditeurs et à ceux qui sont présents ici ce matin à St-Laurent Eglise, un mot, une stimulation pour cette semaine à partir de ces textes. Qu’est-ce que vous garderiez ?

Thierry Romanens: Je vais faire le trublion, mais après tout, c’est aussi pour ça que je suis là. Il y a quelque chose qui m’a touché ce matin sur le quai de gare. J’ai raté le train, je suis arrivé un petit peu en retard. Et j’ai croisé une personne, parce que j’ai raté le train, qui avait des idées un peu suicidaires. Moi, ma réponse était de lui dire : « Pas de révolution les jours de grande fatigue ». En fait, après être venu ici, je me suis dit que j’aurais pu lui dire : « il est bon que tu existes ».

Je ne vais rien ajouter. Je vais simplement dire : « Amen ».

Détails

Avec la participation de
Invité : Thierry Romanens
Orgue
Piano : Christine Donzel
Musique
Trio Hélène Engel - Hélène Engel au chant et à la guitare, Mélanie Bergeron à l'accordéon et Marie-Neige Lavigne au violon.