Le vigneron, le cep et les sarments

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Écouter le culte :

Trois figures ponctuent l’évangile du jour : d’abord : Dieu présenté sous les traits du vigneron. Puis : le Christ qui se présente à nous comme la vigne, et enfin : moi, ou toi, figuré par un sarment, un simple rameau. Trois figures qui nous parlent de la vie, de la foi.
Trois figures à méditer, trois images qui ne demandent qu’à se déployer dans notre méditation.
D’abord donc : Dieu sous les traits d’un vigneron. Peut-être l’image la plus immédiatement parlante ce matin. Parce que des vignerons, il y en a ce matin dans notre assemblée et peut-être même y en a-t-il à l’écoute ? Et quand je parle de vigneron, je ne parle pas du propriétaire d’un domaine aux dimensions industrielles. Non, je veux parler de ces vignerons qui sont des artisans de la vigne et du vin. De ces vignerons, amoureux du travail bien fait, patients, inventifs, généreux et surtout attachés à leur terroir, attachés à produire un raisin et un vin de qualité. C’est de ce type de vignerons-là que nous parle l’Evangile quand il parle de Dieu.
L’Evangile évoque un Dieu artisan, patient, qui sait prendre soin de sa vigne au bon moment. Un Dieu dont l’attention toute entière est tournée vers sa vigne. Mais un Dieu qui respecte sa vigne, qui la considère comme une partenaire dans son grand œuvre et qui sait tirer partie de son cépage, de la terre dans laquelle elle grandit, de l’ensoleillement particulier dont elle bénéficie. Un Dieu qui, comme un artisan vigneron, ne calibre pas sa vigne dans un moule pré-établi, mais qui la conduit à produire le meilleur d’elle-même pour la plus grande satisfaction de nos papilles !
Oui, je veux croire en un Dieu qui respecte ce que je suis, mon histoire particulière là où je plonge mes racines, les ombres et les lumières qui me façonnent, tout cela pour me conduire à donner le meilleur de moi-même.
Oui, je veux croire en un tel Dieu, même si (ou peut-être justement parce que), même si cela signifie que le vigneron doive me poser des limites. Car n’importe quel vigneron amateur le sait bien : laisser une vigne faire ce qu’elle veut et vous pouvez être sûr que le fruit produit sera médiocre et qu’à la longue la vigne s’étouffera. Pour que la vigne s’épanouisse, il convient que le vigneron sache la tailler, l’effeuiller, qu’il sache sélectionner les meilleures promesses de fruits afin qu’ils parviennent à maturité. Il faut qu’il en prenne soin, qu’il la connaisse et adapte ses soins en fonctions des circonstances.
Oui, en ce sens je crois en Dieu le vigneron de ma vie.

Vient ensuite l’image du Christ.
Le Christ sous les traits du cep de vigne, de ce pied qui traverse les saisons. Il est l’élément stable du vignoble. Celui qui demeure, qui traverse les aléas des saisons, même lorsque l’hiver semble jeter sur lui sa chape de mort. Il est l’élément stable du vignoble, sans lequel la production de rameaux, de feuilles et de fruits serait impossible. Il est celui de qui vient la vie, par lui la sève vivifiante irrigue et nourrit chaque rameau. Il ne porte pas lui-même de fruits, mais il en est l’origine. Il a besoin des rameaux pour produire du fruit, tout comme les rameaux ont besoin de lui pour d’épanouir. Car par lui, la vie circule et s’épanouit.
Par le baptême de Tilo tout à l’heure, par notre propre baptême; c’est cela que nous avons manifesté : que notre vie vient de lui.

Vient enfin l’image du rameau - de ce rameau qui me désigne, qui te désigne.
Il est l’élément le plus fragile de l’ensemble. Une simple branche destinée à être coupée à l’automne et à retourner à la terre. Une branche qui dure le temps que durent les feuilles et les fruits. En apparence, c’est l’élément le plus insignifiant, celui qui compte le moins. Et pourtant, c’est lui qui produit du fruit. C’est dans sa croissance que se réalise ce pourquoi la vigne existe.
Alors certes, pour produire du fruit, il faut qu’il reste attaché au pied. Il a sa vie propre, son développement propre, mais le rameau demeure inexorablement lié au pied. Peut-être qu’il rêve de temps en temps le sarment ? Oui, on pourrait imaginer que le sarment se rêve indépendamment du cep de vigne. Qu’il s’imagine pouvoir vivre de manière autonome, sans Dieu ni maître, sans lien avec qui que ce soit. Peut-être que le sarment se rêve autosuffisant, capable de produire lui-même la sève qui lui permettra de porter du fruit. Et peut-être même, tente-il de vivre cette vie dont il rêve ? Et peut-être même, que le cep (en accord avec le vigneron) va laisser partir le rameau, va le laisser vivre son expérience ?
Mais ce rêve risque de laisser un goût de cendres et d’amertume au sarment. Bien vite, il se rendra compte que son destin ne consiste pas à être autosuffisant, mais que sa véritable liberté consiste à choisir de quelle sève il veut être nourri pour vivre et porter du fruit. Car c’est là la vocation du rameau : porter du fruit. C’est là notre vocation de chrétienne ou de chrétien, c’est là ma vocation, c’est là ta vocation.

En conclusion, il vaut la peine de s’attarder un instant sur ce que cela signifie : porter du fruit. La première chose à mettre en valeur et à ne surtout pas oublier, c’est que le rameau a une vocation. Il n’est pas là par hasard. Il n’existe pas sans raison. Il a une origine, il a un but. Porter du fruit donne du sens à sa vie.
La seconde chose à mettre en valeur, c’est la beauté de cette vocation. Elle tourne le rameau, elle me tourne, vers l’extérieur, vers une autre dimension qui me dépasse tout en me portant. Porter du fruit signifie non seulement que j’ai un rôle à jouer dans le grand déploiement du monde, mais bien davantage encore que ce rôle est tourné vers le beau, le joyeux : porter du fruit. C’est-à-dire contribuer à donner autour de soi de la joie. Faire se dessiner sur le visage de mon prochain un sourire de satisfaction, un de ces sourires nés du bonheur simple de goûter à un fruit juteux et sucré ou de la transformation de ce fruit en un nectar. Un de ces sourires qui illumine le visage lorsque le service du vin confine au service divin. Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Ursula Isely
Musique