Accepter d'être déplacé

image

Ce récit d'une rencontre entre Jésus et un homme mal-entendant et mal-parlant nous rappelle ce que vivent tant d'hommes, de femmes et d'enfants de tous les temps et de tous les pays. L'isolement, l'exclusion, l'impossibilité de communiquer, de se faire reconnaître et entendre, le repli sur soi, ce sont des souffrances qui ne connaissent pas de frontières !
Jésus prend pour sa part le risque de traverser des frontières que beaucoup de ses concitoyens n'osent franchir. Une manière de dire que son message et son action ne sont pas réservés à un groupe de privilégiés ou à des gens particulièrement méritant.
Cela nous semble si évident aujourd'hui que nous oublions qu'il s'agit probablement d'une grande nouveauté pour ses disciples et pour les premières églises chrétiennes. Et à y réfléchir, l'ouverture aux autres, à celui qui ne parle pas ma langue, qui a des habitudes différentes, reste toujours un véritable défi. Accepter de sortir de chez soi, ne pas rester au chaud ou au frais dans nos murs, ce n'est pas si facile.
L'homme que Jésus rencontre ne peut ni entendre, ni se faire entendre à cause de son handicap. Il est à la merci des autres. De leur indifférence ou de leur gène, de leur quolibets ou de leur rejet, au mieux de leur bon vouloir ou de leur pitié. Alors Jésus l'emmène à l'écart de cette foule anonyme. Les voici maintenant face à face, dans une relation personnelle où le regard d'un véritable cœur à coeur permet qu'un lien de confiance puisse s'établir. Combien de problèmes pourraient commencer à se résoudre si nous acceptions de sortir des généralisations ? Ne plus classer les autres et soi-même avec des étiquettes : " les Suisses ", " les Etrangers ", " les riches ", " les pauvres ", " les jeunes ", " les vieux ", " les malades ", " les bien-portants ", mais apprendre à rencontrer chaque personne dans sa dignité propre et unique.

Pour moi c'est d'abord dans cette manière de considérer celui qu'il rencontre, sans barrières et sans préjugés, que Jésus opère un vrai miracle. Car ses gestes n'ont rien d'extraordinaire si ce n'est qu'ils soulignent cette attention à l'autre, à sa souffrance et à ses besoins de son corps et de tout son être. La salive, par exemple, était considérée comme un médicament. Effleurer les parties du corps malade était certes une manière réellement " touchante " de communiquer avec celui qui ne pouvait pas encore écouter ni parler correctement, mais cela non plus n'avait rien de très extraordinaire par rapport aux pratiques de cette culture et de ce temps-là.

Les réels progrès de la médecine et de la science nous font oublier les richesses d'autres cultures qui parfois ont une approche plus " humaine ", moins technique de la maladie. Cela aussi fait partie de notre méfiance vis-à-vis de ce qui est différent de ce que nous sommes, de ce que nous savons ou croyons savoir.

Apprendre à rencontrer l'autre peut se faire de manière très simple. Cela peut commencer par l'écoute de musique et de rythme qui nous viennent d'ailleurs.

Gerda Ferrari
C'est vrai, la qualité de la relation que Jésus établit avec cet homme va l'ouvrir à d'autres choses. Dans la confiance, un véritable dialogue s'établit. Malgré les obstacles, externes ou internes, qui à première vue empêchaient toute communication.

Que ce soit à CAMARADA, dans l'Association des Araignées artisanes de paix ou encore à l'AGORA, l'aumônerie genevoise œcuménique auprès des réfugiés, nous rencontrons des femmes et des familles qui souvent n'ont plus ni pays, ni nom. La communication entre les cultures et les langues différentes est difficile.

Comme les araignées tissent des toiles, nous tissons des liens solides entre les uns et les autres. Qui es-tu ? Raconte-nous tes passions. Parlons ensemble de nos souffrances et de nos espoirs.

Je te fais découvrir mon pays, mes amis.
Tu me fais connaître ta musique et tes poètes. Viens !

Maurice Gardiol
Comme cette femme dont nous venons d'entendre le témoignage, une parmi tant d'autres, l'homme que Jésus rencontre était prisonnier de son incapacité à entendre et à parler. Jésus a pris le temps de s'arrêter, de le regarder, de se mettre à l'écoute de sa souffrance. En lui offrant cette attention, en lui communiquant un souffle créateur, il a fait jaillir du plus profond de son être son désir, son désir de guérir, il l'a accompagné par une parole d'encouragement, une prière qui exprimait encore une fois toute la confiance qu'il avait en lui.

Les fenêtres et les portes s'ouvrent à la vie ! Les barrières deviennent passages et notre homme dont la parole est libérée découvre luis aussi que " le possible est juste ce petit pas après l'impossible ".

Gerda Ferrari
Regardez ces frontières qui sont devenues des passages. Ne nous invitent-elles pas à laisser nos préjugés pour prendre le risque de la rencontre ?

Bien sûr, S'ouvrir et permettre ainsi aux autres de s'ouvrir ne se fait pas d'un coup. Pour que peu à peu les liens se tissent, pour que peu à peu des ponts se construisent, pour que peu à peu les barrières deviennent passages, il faut passer et repasser les couleurs de l'amour, celles de la confiance et celles de l'espérance.
Comme ces femmes de l'atelier de sérigraphie de CAMARADA
qui créent à l'aide de diverses couleurs des cartes dont chacune est unique.
Les voici ces cartes.

Recevons-les comme un appel à trouver dans le message de l'Evangile et en nous des clés pour ouvrir nos frontières, un signe de vie au delà de nos peurs paralysante ?

Les barrières et les frontières, comme bien des choses, ne sont pas a priori bonnes ou mauvaises. Tout dépend ce que nous en faisons, en fonction des circonstances et des situations. Si l'enfant a parfois besoin que ses parents lui disent les limites et les interdits qui forment un cadre dans lequel il peut s'épanouir, parvenu à l'âge adulte il devra apprendre à ne pas resté enfermé dans des frontières qui lui ont été peut-être utiles pour un temps mais qu'il doit savoir déplacer et ouvrir pour grandir vraiment.

Maurice Gardiol
Ce qui importe finalement, c'est de ne pas être figé dans notre histoire. D'accepter d'être déplacés, de bouger souvent grâce à un regard, une parole, comme l'homme que Jésus a rencontré ce jour-là. Mais, pourquoi Jésus demande-t-il à celles et ceux qui ont assisté à cette guérison de ne pas en parler ?

Je crois qu'il ne veut pas que ceux qui ont assisté à l'événement restent sur l'impression d'un miracle extraordinaire. Qu'il s'agirait par conséquent de quelque chose qui nous dépasse, qui n'est pas à notre portée. Ainsi pourraient-ils et pourrions-nous continuer à cultiver notre sentiment d'impuissance face aux injustices, aux violences et aux exclusions dont nous sommes les témoins. Ce que Jésus aimerait que nous comprenions à la suite de cette rencontre, c'est qu'il est possible de vivre des gestes, des paroles et des prières qui entraînent un changement.

Changement dans nos regards les uns sur les autres, changement dans nos relations à partir d'une écoute renouvelée de nos vécus, de nos besoins et de nos attentes respectives C'est ce qui est exprimé maintenant au travers de la prière qui se trouve à l'intérieur de la carte que vous venez de recevoir. Une prière tissée lors d'un atelier d'écriture du groupe des Araignées artisanes de paix.

Détails

Avec la participation de
Gerda Ferrari
Orgue
Musique