" Techno - Fête, paix, non-violence "

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Persuadés que l'esprit de Dieu souffle aussi dans les cultures de notre monde, nous vous invitons aujourd'hui à écouter l'Evangile résonner dans la culture techno. Le christianisme a toujours su dire l'Evangile dans les mots, les images et les sons de son époque.

Prédication 1re partie
A l'Eglise, on parle toujours d'amour. En fait, la techno, c'est la même chose. Ils font des " love parade ", des grands défilés pour vivre ensemble une communion d'amour, de paix, de non-violence. Et en plus, ils savent faire la fête. Nous avons quelque chose à apprendre d'eux, nous qui fêtons un Dieu d'amour en nous asseyant timidement sur des bancs en bois bien durs. C'est une culture qui fait assez envie : cette ambiance, cet élan de paix pour le monde.

Le problème, c'est que ce n'est pas le vrai monde. C'est une construction à part. Ecoute ce tube de l'année dernière qui s'appelle " Blue " : on parle d'un type qui vit dans un monde bleu, tout est bleu, tout ce qu'il voit est bleu. C'est assez proche de la façon dont on se sent dans une techno party, une " rave ", tous enveloppés d'une même ambiance, d'un même rythme, d'une même couleur.

Tout ce bleu, ça me fait penser qu'il y a quand même quelque chose d'un peu angélique dans leur façon de vivre la paix et la non-violence. Des anges particulièrement sexués, mais des anges quand même. C'est le cas de le dire : ils sont comme sur un nuage. La paix, ils la vivent bien loin des conflits ou des tensions de notre société. Ils se retirent dans un monde à part. C'est souvent ce que nous faisons aussi lorsque nous allons au culte. On est bien au chaud dans une église, bien loin des tempêtes de notre monde. C'est assez confortable pour parler d'amour sans que ça nous engage trop.

On voit que tu ne participes pas aux séances des conseils paroissiaux. Il ne faudrait pas oublier que la vie communautaire ne se restreint pas au culte : c'est une vie à expérimenter au quotidien. Et dans le quotidien, il arrive bien souvent qu'il y ait des conflits ! D'accord, mais les fêtes techno, ça a quand même plus de gueule que la plupart de nos rassemblements. Et puis comme le dit ce morceau, bleu, on est pris dans un monde, enveloppé d'une même musique. C'est ça qui nous approche des anges ! Une histoire de Noël nous raconte bien cette expérience. Jésus est né, et toute une ambiance enveloppe les premiers témoins.

Lecture : Luc 2, 8-20
Il y a un nouveau-né qui signifie que Dieu est avec nous, ici. L'émotion du message est tellement forte qu'on ne peut pas l'expliquer autrement qu'en la mettant dans un chœur d'anges, à la fois étrange et beau. Et c'est la musique, le chant qui devient porteur du message. Un chant à la fois public, entendu par tous et toutes, mais une force qui fait toujours réagir notre sphère intime, là où naissent les sentiments, les émotions, là où tout n'est pas compris, mais tout est vécu.

Comme lors d'une " rave " techno, dans cette histoire, tout le monde est enveloppé. Ils sont pris dans une même ambiance. Jésus est enveloppé d'un lange et couché dans une mangeoire. Les bergers, eux, sont enveloppés de la gloire de Dieu, une gloire qui vient justement avec la musique. Cette gloire enveloppe de simples bergers, alors que le fils de Dieu n'a que de la paille et des langes ! Ce ne serait pas plutôt Jésus et ses parents, la Sainte Famille, qui devraient être auréolés, enveloppés de lumière ?

Eh bien non ! Ce sont les bergers, ces gens de mauvaise réputation, ces gens qu'on dit sales et voleurs, qui sont illuminés de la gloire de Dieu, alors que la crèche reste enveloppée dans l'obscurité. On le voit bien : c'est la parole qui les fait rayonner. La voix de l'ange, le chant du chœur, tout cela enveloppé de la gloire de Dieu. Alors que l'image plus ou moins légendaire de la crèche ne représente qu'un événement qui ne sera pas définitif. Les images de Dieu ne doivent pas rester figées. Seule la parole peut les rendre vivantes.

C'est là la faiblesse que je vois dans les fêtes techno. Oui, elles peuvent nous apprendre à vivre vraiment la joie de la présence de Dieu, à manifester notre enthousiasme sans fausse pudeur. Mais être enveloppé, même de gloire, ça n'a aucun sens si on n'est pas porteur d'un message. D'ailleurs, alors que les bergers sont plutôt des marginaux, des exclus, les fans de techno sont issus de la classe moyenne. Ce n'est pas de la musique de banlieue. C'est plus facile de croire à la paix et à la non-violence lorsqu'on est préservé de la violence.

Et ces bergers ne restent pas sur place ! Ils vont à la mangeoire, voir l'enfant, et ils en reviennent, ils parlent : ils sont devenus des porteurs de paroles, des transmetteurs de message. Seule la parole fait rayonner la gloire de Dieu, comme un chœur de messagers. Les anges ne sont rien d'autre que des porte-parole. Ce ne sont pas des êtres qui planent sur un nuage. Etre enveloppé de musique ou de gloire, ça ne suffit pas ; il faut encore s'approprier le message. Etre capable de le porter et de l'assumer au quotidien dans le monde. La joie d'un enfant nouveau-né, ou l'ambiance de fête d'une love parade, ce sont des événements qui doivent motiver les croyants à rayonner toujours plus et toujours mieux dans le monde.

Je comprends bien que la techno puisse rayonner, par sa technique, par ses réseaux de fans et de consommateurs. Mais le christianisme ? Comment est-ce qu'il peut rayonner aujourd'hui ? Il peut développer une présence au monde, une présence de qualité. Il a les moyens de faire résonner l'Evangile de manière pertinente dans le quotidien de la population. L'Evangile a quelque chose à dire : la vie peut être une fête au quotidien, si elle est partagée avec tous et toutes.

Alors, il faudrait que les communautés s'ouvrent un peu, atterrissent, et prennent vraiment leurs responsabilités de porteurs de la parole. Chacun de nous peut être un berger qui entend la musique et se met en marche. Animé par un rythme, un feu. Un feu qui enveloppe et envoie.

Prédication 2e partie
En nous préparant à vivre la communion, on peut avoir à l'esprit ces fêtes, ces communautés techno qui n'en finissent pas de danser. En fait, la techno, je ne sais pas très bien ce que ses valeurs peuvent avoir comme rapport avec la foi chrétienne, mais je me dis que cette insistance sur la communauté doit bien nous parler, non ? Dans la techno, l'aspect communautaire est la valeur la plus forte, même si ces rassemblements font parfois plus mouvement de masse que communauté. Mais il y a d'autres valeurs qui peuvent nous toucher dans notre foi chrétienne. Par exemple, beaucoup de morceaux de techno parlent d'éternité.

Le problème avec les fêtes techno, qui sont tellement longues et intenses - il y en a même qui doivent prendre des produits pour avoir l'énergie de tenir ! - ces fêtes sont tellement intenses, que lorsqu'elles finissent, elles laissent un vide énorme aux participants. L'éternité est importante dans la culture techno parce qu'on n'aimerait pas que ça s'arrête le lendemain. En fait, on aimerait que ça ne s'arrête jamais !

Les fêtes chrétiennes sont plus discrètes. Le partage du pain et du vin que nous vivons dans nos cultes reste très symbolique, et les fêtes de paroisses sont plutôt sages. Qu'attendons-
nous pour créer des événements qui laissent un vide, un manque aux participants ? Il faudrait que tous les événements d'Eglise nous laissent un vide, une envie de recommencer éternellement la danse.

Je dirais que l'éternité n'a pas vraiment la même valeur pour la techno que pour la foi chrétienne. Il y a quelque chose de très quantitatif dans ces fêtes techno dont on redoute qu'elles se terminent. La vie chrétienne cherche plus à vivre l'éternité dans sa qualité que dans sa quantité. Par le partage de la Cène, le partage d'une parole, d'une prière, on expérimente une vie éternellement large, plutôt que de s'acharner à vivre une fête éternellement longue. Je préfère l'intensité à la longueur.

On ne sait pas très bien en quoi ils croient, tous ces " raveurs " ; mais en tous cas, ils pratiquent ! Ils ont une énergie incroyable ! Quand on voit ce que les gens ont de la peine à s'engager pour des idéaux, dans l'Eglise ou dans n'importe quelle société un peu humaniste, eux, n'ont pas peur de mouiller leur chemise. Il nous apprennent qu'on peut se tuer pour le plaisir plutôt que de se tuer à la tâche. Alors que dans nos églises, nous avons souvent l'impression de bosser plutôt que de vivre.

On peut presque se demander si ces fans de techno ne sont pas des pratiquants non-croyants. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'ils ne sont pas frileux. Ils ne vont pas chercher plein d'excuses parce que c'est trop tôt le matin ou trop tard le soir. Ils n'ont pas peur que ça leur coûte. Ca fait quand même envie, ces fêtes où il se passe quelque chose. Dans nos communions, on a rarement l'impression de s'amuser : c'est plutôt sérieux. Alors qu'on est censé partager la vie. La techno, c'est plus léger, plus carnavalesque. Ecoute le thème de la " Love parade " 1999. On sent un rythme de carnaval, mais électronique. Une pulsation qui prend tout le corps, qui rythme toute la personne. On est proche de la transe, ici.
Ce n'est pas étonnant. On vit dans un monde qui a un fort besoin religieux. Ces expériences presque mystiques sont un signe très fort de ce besoin religieux. Moi, ce côté voyant et sautillant, ça me fait penser à cette vieille histoire d'un prophète qui s'appelle Elie et qui, tout seul à adorer Dieu, se moque des 450 prêtres d'un Dieu de l'orage. Ces 450 prêtres qui sont en train de danser pour que leur Dieu se manifeste : "Jusqu'à quand danserez-vous d'un pied sur l'autre ? Si c'est le Seigneur, mon Dieu, qui est le vrai Dieu, suivez-le ! Et si c'est le vôtre, suivez-le ! " (I Rois 18, 21)

Et les 450 prêtres dansent, ils crient, se tailladent. Et Elie se moque : " Criez plus fort, c'est un Dieu : il a des préoccupations, il a dû s'absenter, il a du chemin à faire ; peut-être qu'il dort et qu'il faut qu'il se réveille ! " (v. 27) Face à cet homme seul, il y a cette quantité de prêtres, qui dansent, qui dansent… Et Elie a raison : plutôt que de sauter d'un pied sur l'autre en faisant du surplace, autant se mettre en marche.

C'est bien ce qu'on disait pour les bergers : pour que tout cela ait du sens, il y a un message à porter. Ca ne sert à rien de pratiquer dans le vide : il faut un sens, du contenu, de l'épaisseur ! Avec ces grandes fêtes, quand tout est fini, c'est fini, il n'y a plus rien. Sinon attendre la prochaine. Nous devons faire bien attention, nous, que nos cultes ne soient pas des occasions de faire du surplace. Ce n'est pas parce que nous partageons un morceau de pain et une gorgée de vin que nous sommes rassasiés. Nous avons un message de paix, de joie et de non-violence à porter au milieu du monde. Et nous pouvons nous inspirer de l'enthousiasme de ceux et celles qui savent faire la fête pour communiquer notre joie. Les valeurs de la techno sont porteuses, si vraiment on les porte. C'est vrai que ça me fait plutôt envie, ces gens qui savent communier, se laisser prendre par un même rythme… Apprenons à écouter battre nos cœurs.

Détails

Avec la participation de
Equipe des paroisses de Boudry-Ouest
Orgue
Musique
Avec Jean-Pierre, Pauline Pedroli et une équipe de jeunes de la région.