Les récoltes mûries à la brise du Saint-Esprit

Bevaix (©René Hourdry, CC BY-SA 4.0 Wikimedia Commons)

Écouter le culte :

Ce peu d’éclat

Vous savez, chères amies et amis, j’ai comme envie en ce jour de culte des récoltes, de vous dire que la louange me convient. Dans le silence, je la veux d’abord placer au fond de mon cœur, poser sur mes lèvres pour réjouir mon Dieu et vous aussi, je l’espère. Avant tout, ne pas la laisser glisser sur moi ou sur mes fausses idoles. Je la souhaite sans éclat, ni pour autrui, ni pour moi-même, mais pleine de reconnaissance pour Lui mon Dieu.

Je la souhaite placée, sur le galbe du pain de vie de l’eucharistie de ma première communion. Cette communion qui, entre Dieu et moi, me sert d’alliance, de priorité, de paradigme, de laquelle peut émerger mon désir de louange à tout vent. Discret, sans faire de bruit, sans éclat ; tout simplement, une louange goûtée

Et ainsi, découvrir dans les choses de la vie, leur petite gloire, la représentation des dons de Dieu, le Créateur ; dons qui nous sont offerts comme actions de grâce. Dons reçus pour les cultiver.

  

Les éclats du Royaume

Dans le Psaume 65 que nous venons d’entendre, Dieu est d’abord considéré comme le distributeur de tous les bienfaits. Tout de suite après le texte, Dieu, en fait, nous invite à commencer par nous écraser ; c’est-à-dire, à se la jouer pépère, humble sans éclats. « Les fautes ont été plus fortes que moi », souligne le texte. Une expression lucide d’un état existentiel, vécu qui se confirme chaque jour pour nous tous.

Mais rapidement, le texte relativise, dédramatise ce statut de faute, de péché : « Mais Dieu efface nos péchés ». Et le psalmiste, le poète de ce texte, de tout de suite ajouter : « Heureux l’invité que tu as choisi. » Donc, que Dieu a choisi. C’est-à-dire toi et moi. Chacune, chacun.

Le péché, dès lors, vole en morceaux, vous l’avez compris, pour laisser place à l’éclat de grâce de l’amour de Dieu. Et en ce dimanche des récoltes, pour nous permettre, au nom de cet amour de Dieu, de danser, de sauter de joie à la reconnaissance des bienfaits qu’Il nous offre. Des cordons bleus, si je puis dire, en chapelet, qui se proposent à toutes nos ardeurs. Les vins de nos vignes qui deviennent dans nos verres le reflet de tant de beauté ; à leur dégustation, sur nos palais, le motif d’un transport vers la louange, d’une extase vers les éclats du Royaume de Dieu !      

           

C’est déjà plus loin que la Galilée

Sans nul doute, la volonté de Dieu, pour l’auteur de ce psaume, pour le croyant de son peuple, n’est autre que de bénir, de couronner les bienfaits de l’année, les cultures de nos paysans, de l’agriculture, des nombreux jardiniers en herbe, des vignerons qui travaillent la terre, taillent les vignes et vendanges.

Parce qu’au passage du souffle de Dieu, la fertilité ruisselle, souligne le Psaume 65. L’abondance déborde. Les récoltes murissent à la brise du Saint-Esprit. Et c’est au nom de cette constatation, de cette prise de conscience, que notre attitude envers la création prend un sens tout autre que la prétention, l’arrogance de vouloir sauver le monde, d’être soi-même son unique référence.

Une attitude, notre attitude envers la création qui se doit d’être continuelle, constante, et dont le ciel est l’origine. À l’origine de mon désir de chaque instant – si la mémoire ne me fait pas défaut – de toujours, d’abord louer Dieu. Louer Dieu quand son Esprit vient aux récoltes, aux plantes, aux choses de la vie. Pour ainsi dire, lire les signes de sa présence dans tout ce que nous vivons, que nous touchons, que nous appréhendons, le jour comme la nuit. 

N’est-ce pas, dès lors, chers amis, témoigner que le premier jour de la semaine, dimanche, est le jour du Seigneur – dies dominicus – du Christ ressuscité, et non celui précipité dans notre porte-monnaie. Ou encore celui des dieux du siècle et des idoles.

Quand nous comprenons cela, que le ciel flamboyant de la présence de Dieu, nous tombe sur la tête à Pâques, dimanche de la résurrection, il nous échoit alors de ciseler les mots de nos grappes de louange avec les ciseaux de Pâques, qui coupent, cisaillent tout ce qui nous empêcherait de marcher vers le Christ ressuscité. Lequel, selon la lecture de l’Évangile de ce jour, nous précède en Galilée. Ce pays fertile, comme une terre prochaine d’éblouissement. Ce pays auquel le Ressuscité nous invite à le rejoindre. Comme dans un nid d’excellence posé sur l’arbre de la croix.

C’est Pier Paolo Pasolini qui, dans un poème sur la passion, ose, prend la liberté de penser que Jésus nous voyait : « Tu nous voyais / Avec nos corps / Splendides dans des nids / D’éternité ». (Pier Paolo Pasolini, « Adulte ? Jamais. », extrait du poème « La Passion », éditions Points / Inédit, 2013)

La Galilée, comme allégorie du Royaume de Dieu qui précède celle du festin du banquet de communion ; la Galilée, ce pays avec son climat agréable, son sol très riche, ses ressources végétales abondantes, ses collines recouvertes de chênes, de térébinthes et de muriers, ses côteaux plantés de figuiers, d’oliviers et d’amandiers, auxquels manquaient certes encore les vignes. Et ses bords de lac ou de mer avec leurs lauriers roses, ses champs où l’orge et le blé poussent rapidement. Sans oublier le mont Tabor où eut lieu la transfiguration de Jésus, prémisses de sa résurrection. Et Nazareth, aussi, la ville de son enfance. En fait, un jardin vers le ciel, qui aujourd’hui entre dans nos cœurs.

 

Conclusion : « Des nids d’éternité »

Ce jardin similaire à toute passion de vie. À l’image de celle du Christ. Jardin, terre de vie, qu’il nous faut, à la sueur de nos limites physiques et spirituelles, cultiver, labourer, sarcler, désherber, nettoyer de l’ivraie et du chiendent.

Mais avec, au cœur, ce désir de faire pousser, d’entortiller nos nids d’éternité aussi ; sans oublier certes les dons de la nature que Dieu nous accorde : fruits, légumes, foin, et blé, brindilles et branches d’arbres de l’étang avec lesquels les oiseaux font leur nid, par exemple.

Mais en plus, ajouter, faire pousser le nid des promesses de Dieu, les fleurs de nos pensées, de notre vie intérieure, pour les regrouper dans le vase sublimatoire des réjouissances pascales. Vase, que je vous propose, chers amis, de toujours poser sur la table de vos repas dont on ne saurait se passer.

Et sur la table de vos festins, d’en ajouter un ou deux à l’infini. Parce que vous le savez, le festin pour Jésus, le repas de la cène est la plus belle image du Royaume que Dieu nous promet.

Amen.

Les récoltes sont un assortiment des dons de la terre offert, en actions de grâce, à la table des hôtes du festin de la Vie. Un festin récapitulé dans la cène, mais élargi, extensible à toutes celles et ceux qui confessent, dépassant la loi, les règles, les systèmes, les dogmes, les apparences, les crève-cœurs, pour la contemplation du Christ Ressuscité.

« Tu nous voyais / Avec nos corps / Splendides dans des nids / D’éternité » (Pier Paolo Pasolini in « Adulte ? Jamais », extrait du poème La Passion, éditions Points, 2013)

Détails

Avec la participation de
Marianne Fornachon, pour les lectures, Lucienne Serex et Annette Moret pour la prière d'intercession
Orgue
Alain Rouvinet
Musique
Chœur d’hommes du Vignoble, sous la direction de James Juan, avec Mireille et Valérie Meystre, à la flûte, Jacqueline Bignan, à la clarinette basse