Nous sommes appelés à être des mages modernes

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Chers auditeurs, chères auditrices,
C'est un plaisir pour moi de vous accueillir pour cette édition spéciale de votre émission « Vision Jeunes ». Ce matin, c'est en direct du temple de Bevaix, village clunisien du littoral ouest du canton de Neuchâtel, que je me trouve, entourée d'un public venu nombreux en ce jour de Noël.
Vous connaissez le principe de notre émission : plusieurs visions sur un même thème et notre souci de mettre en avant les jeunes talents du pays.
Ce matin, nous avons la chance de recevoir des invités de marque : trois jeunes Suisses romands de talent qui ont en commun leur passion pour les rois mages. Melchior, Gaspard et Balthasar n'ont plus de secret pour eux. Ils ont bien voulu venir nous parler ce matin de leur travail. Je les en remercie.
Nous recevrons Yves Corbeil. Il est archéologue et, après plus de 6 ans de recherches, il soutiendra bientôt son doctorat à l'Université de Fribourg sur les rois mages. Ensuite, nous aurons le plaisir de faire la connaissance de Marie-Noëlle Jacot. Elle est conteuse et elle publie aux éditions Ciel étoilé un recueil de contes intitulé « Trois présents pour un enfant ».
Pour commencer, nous recevons Juliette Petit-Pierre. Cette jeune cinéaste neuchâteloise est la réalisatrice du court-métrage « Merci les mages ! » qui a été diffusé hier soir sur la TSR.

Diane : Juliette Petit-Pierre, bonjour. Dites-nous de quoi vous êtes partie pour écrire le scénario de votre court-métrage.

Charlotte : Bonjour et merci de me recevoir. À l'origine de mon film, il y a simplement le récit que l'on trouve au 2e chapitre de l'évangile de Matthieu.

Valentin : « Jésus naquit à Bethléem, en Judée, à l'époque où Hérode était roi. Après sa naissance, des savants, spécialistes des étoiles, vinrent d'Orient. Ils arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est l'enfant qui vient de naître, le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile apparaître en Orient et nous sommes venus l'adorer. » Quand le roi Hérode apprit cette nouvelle, il fut troublé, ainsi que toute la population de Jérusalem. Il convoqua tous les chefs des prêtres et les maîtres de la loi et leur demanda où le Messie devait naître. Ils lui répondirent : « A Bethléem, en Judée. Car voici ce que le prophète a écrit : «Et toi, Bethléem, au pays de Juda, tu n'es certainement pas la moins importante des localités de Juda ; car c'est de toi que viendra un chef qui conduira mon peuple, Israël.»
Alors Hérode convoqua secrètement les savants et s'informa auprès d'eux du moment précis où l'étoile était apparue. Puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez chercher des renseignements précis sur l'enfant ; et quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'aille, moi aussi, l'adorer. »
Après avoir reçu ces instructions du roi, ils partirent. Ils virent alors l'étoile qu'ils avaient déjà remarquée en Orient : elle allait devant eux, et quand elle arriva au-dessus de l'endroit où se trouvait l'enfant, elle s'arrêta. Ils furent remplis d'une très grande joie en la voyant là. Ils entrèrent dans la maison et virent l'enfant avec sa mère, Marie. Ils se mirent à genoux pour adorer l'enfant ; puis ils ouvrirent leurs bagages et lui offrirent des cadeaux : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Ensuite, Dieu les avertit dans un rêve de ne pas retourner auprès d'Hérode ; ils prirent alors un autre chemin pour rentrer dans leur pays. »

Charlotte : Ce récit ne comporte pas beaucoup d'éléments descriptifs, alors il ne m’a pas été facile de le mettre en scène. Surtout, il n'y a pas grand-chose sur les personnages, les savants, souvent appelés « les mages ».
Ces personnages m’ont beaucoup intriguée. Je me suis questionnée sur qu’ils étaient et comment les mettre en scène, car il faut dire qu’ils ont un rôle très important dans toute cette histoire. Ils sont témoins de la naissance du Christ et annoncent ce merveilleux événement à l’ensemble de la planète !!
Je me suis donc plongée dans plusieurs lectures les concernant. Suite à celles-ci, une première évidence : ils devaient être au nombre de 3 comme les trois cadeaux. J’ai aussi voulu qu’ils représentent les différentes civilisations de notre monde ainsi que toutes les générations d’âge. J’ai donc choisi pour les incarner des acteurs de nationalités et d’âge différents : un jeune Européen, un asiatique d’une quarantaine d’année et un vieil Africain ! Tout cela était très important pour moi, car les mages sont les messagers d’une merveilleuse histoire qui s’adresse à tous. Une histoire universelle !

Diane : Une chose est surprenante, dans votre film « Merci les mages ! », c'est que l'histoire se déroule à notre époque. Pourquoi avez-vous choisi cette approche ?

Charlotte : Il existe déjà des films sur la naissance de Jésus qui sont réalisés dans la bonne temporalité. J’ai voulu être plus innovante, faire du neuf et imaginer ce que pourrait être cette histoire aujourd’hui. J’ai pensé qu’un abri de la protection civile serait un bon endroit pour la naissance de Jésus. Et les e-mails un bon support de communication pour que les mages transmettent la nouvelle au monde entier.
J’ai aussi beaucoup réfléchi à comment mettre les mages au goût du jour. Cela était un point crucial pour moi, ils sont tellement importants dans cette histoire ! Comme je désirais qu’ils représentent le monde entier, j’ai imaginé que l’Européen serait un jeune trader dans l’économie, l’Africain un vieux musicien et l’asiatique un artisan middle age. Je suis vraiment contente du résultat ! Mes mages modernisés ont une sacrée allure !

Diane : Un film très intéressant en tout cas, et tout à fait surprenant. Merci, Juliette Petit-Pierre, et nous vous souhaitons de beaux succès dans vos prochains projets.

Interview archéologue

Diane : Yves Corbeil, merci de nous avoir rejoints. Je rappelle que vous venez de déposer votre thèse de doctorat en archéologie. Sur quoi porte exactement votre travail ?

Thomas : J'ai axé toutes mes recherches sur l'origine de ces personnages, communément appelés les mages. Voyez-vous, la légende veut qu'ils viennent du lointain Orient ! Mais qu'est-ce que ce lointain Orient ?
Et bien, au terme de 6 ans de fouilles et de recherches approfondies, d'études linguistico-historiques menées par un éminent spécialiste de l'Université de Strasbourg II et moi-même, nous sommes parvenus à un résultat très intéressant : les Rois Mages venaient de loin, ils n'étaient pas natifs de la région d'Israël.

Diane : Si je vous suis bien, Monsieur Corbeil, les mages n'avaient aucun rapport avec le Christ.

Thomas : C'est exact. Et c'est finalement cela qui est véritablement passionnant dans cette histoire. Le résultat est irréfutable. Les Mages ne venaient pas d'Israël, mais d'ailleurs. Et ceci a une importance ontologique et spatio-temporelle plus que conséquente.

Diane : Tout ceci semble bien compliqué pour une profane comme moi. Expliquez-nous quelles sont les conséquences de cette affirmation.

Thomas : Simplement, les mages n'appartenaient pas au système gouvernemental en place à l'époque. Ainsi, l'existence de ce nouveau-né ne fut pas révélée au pouvoir en place, mais bien à des « étrangers ». L'incarnation du Fils de Dieu était d'importance internationale. Elle dépassait le pouvoir établi ! C'est assez révolutionnaire.

Diane : Merci Monsieur Corbeil pour vos commentaires éclairés et fort intéressants.

Interview conteuse

Diane : Notre troisième invitée est conteuse et porte un prénom de circonstance. Marie-Noëlle Jacot, dites-nous en quoi vos contes sont-ils différents des habituelles histoires de Noël ?

Manon : Ce qui est surtout différent dans mes contes, c'est l'angle de vue. Dans beaucoup d’histoires, on nous propose une vision d’ensemble sur la naissance de Jésus. J'avais envie de prendre le point de vue des Rois mages, d'écrire sur ces personnages et sur les cadeaux qu’ils ont apportés à l'enfant.
Comme trois cadeaux ont été offerts à Jésus, on en a déduit qu’ils étaient trois et on parle souvent de Rois mages car les cadeaux apportés étaient onéreux. Mais on ne sait pas grand-chose d'eux. J'ai écrit trois contes, un pour chaque cadeau. Un conte sur l'or, un sur l'encens et un sur la myrrhe.

Diane : Rappelez-nous d'ailleurs, pourquoi de l'or, de l'encens et de la myrrhe ?

Manon : En écrivant, je me suis moi-même rendu compte que j’avais oublié la signification de ces cadeaux. Pourtant, ils révèlent des facettes de l’identité de Jésus. L'or exprime la valeur que l'enfant a aux yeux des mages. Dès sa naissance, il est le roi. L’encens exprime la divinité de Jésus et son adoration. La myrrhe, parfum utilisé pour embaumer les morts, annonce déjà la mort de Jésus.

Diane : « Trois présents pour un enfant », c'est le titre que vous avez choisi pour votre recueil de contes.

Manon : Oui, ces trois présents ont été une source magnifique pour mon imagination. Ils évoquent beaucoup de choses en moi, font appel à mes sens : l'odorat, la vue, le toucher.

Diane : Et vous savez nous emporter avec vous dans vos récits. Merci beaucoup Marie-Noëlle Jacot. Je pense que nos auditeurs ont hâte de vous lire.

Conclusion avec irruption de Julie

Diane : J'aimerais remercier nos trois invités pour leurs éclairages qui nous permettent de mieux cerner ces rois mages et leur rôle. Nous allons maintenant continuer cette émission sur une note musicale :

Julie : Excusez-moi... pardon... veuillez m’excuser !

Diane : Que se passe-t-il ?

Julie : Est-ce que...

Diane : Comment ?

Julie : J'aimerais dire quelque chose.

Diane : Non, Madame, ce n'est pas possible. Vous comprenez, nous sommes en direct à la radio. Notre temps est minuté et nous ne pouvons pas donner la parole au public. Écrivez à la RSR, nous lisons tous les courriers des auditeurs. Comme je vous le disais, nous allons écouter maintenant une oeuvre...

Julie : Vous faites une émission sur Noël et vous refusez de laisser surgir l'inattendu ! Vous n'avez donc rien compris ?

Diane : C'est à dire que... Bien, c'est entendu. Je vous laisse 2 minutes, pas une de plus. Vous comprenez, si on laisse n'importe qui prendre la parole sur les ondes...

Julie : J'aimerais vous dire que je reste sur ma faim suite aux exposés de vos invités. Toutes ces explications sont très intéressantes, je ne les remets nullement en cause. Mais il manque un peu de sens, de profondeur et l’élément central de cette histoire : Jésus.

Diane : Mais c'est vous qui n'avez rien compris, Jésus n’est pas le sujet de cette émission, ce sont les mages !

Julie : C'est bien là le problème, en effet. À force de donner tant d'importance aux mages, on a oublié pourquoi ils sont là : pour adorer l'enfant. Ils sont avant tout témoins de sa naissance. Il faut chercher plus loin qu’un exposé de faits. Et chercher la signification de la présence de ces rois mages dans l’évangile, ce qu’il représentent face à Jésus et au travers de leurs cadeaux.

Diane : Mais en quoi cela peut-il nous apporter un nouvel éclaircissement sur ces trois personnages ?

Julie : Le but n’est pas d’apporter un éclaircissement sur les rois mages, mais de donner à cette histoire un sens, une signification qui nous parle à nous, croyants du XXIe siècle. Cette fête est tout d’abord la naissance du Christ, la naissance d’un espoir nouveau, d’un nouveau départ. Pour moi, le réel sens de ce voyage est le rassemblement, l’union, le partage et non seulement un périple scientifique ou historique dans le but d’une rencontre incertaine.
L’importance de partager entre tous, quel que soit notre origine, notre couleur de peau ou notre niveau social. Je me sens moi aussi un mage venu de loin dans le temps, concernée par cette naissance.

Diane : Si je vous comprends bien, vous reprochez aux mages d'avoir éclipsé Jésus. Mais le destinataire des somptueux cadeaux, c'était bien lui, non ?

Julie : Oui, et comme l’a clairement expliqué la conteuse, ces cadeaux sont remplis de significations. Seulement, la signification littéraire seule ne fait pas écho à mes oreilles. Le fait de donner des cadeaux est avant tout un geste de partage, donner sans attendre en retour. Jésus et ses parents étaient pauvres, les mages ne pouvaient espérer recevoir quelque chose de matériel en retour. Ces cadeaux sont une offrande à celui qu'ils reconnaissent comme un roi.

Diane : Pour vous, Noël est centré sur le partage, donner et recevoir. Tout le monde ici sera certainement d'accord, et nos auditeurs également. Pas besoin que Jésus soit au centre de l'histoire pour dire que Noël, c'est la fête des cadeaux.

Julie : Bien sûr que si. Jésus est le cœur qui rend le don possible. Le partage se fait à tous les niveaux : spirituel, émotionnel, matériel, intellectuel. Le plus beau cadeau, c'est que Dieu soit devenu un homme et ait vécu parmi nous. Sa solidarité avec l'humanité est proclamée à Noël.
Et moi, aujourd’hui, j'affirme que je suis un mage, au même titre que ces personnages, sujets ou peut-être seulement objets d'études pour certains. Je suis une mage car moi aussi, je cherche dans le monde des signes de la présence de Dieu, mes étoiles à moi. Je suis aussi éloignée qu'ils l'étaient de la société d'Israël à l'époque. Je porte devant le Christ mon offrande, en lui présentant ce que j'ai de précieux et je reconnais en lui, ce Dieu fragile, celui qui me donne de la force dans ma vie.

Diane : J'aime votre idée que vous êtes un mage. Les techniciens sont probablement en train de s'énerver dans la régie parce que nous dépassons le sacro-saint timing. Mais je crois que nous avons bien fait de vous écouter. Oui, nous abordons Noël comme un sujet d'émission, laissant de côté l'idée même que cette naissance pourrait nous concerner aujourd'hui encore. Merci de nous y avoir rendus attentifs.
Peut-être finalement sommes-nous tous des mages modernes ? Des hommes et des femmes devant Dieu, interpellés par la fragilité dans laquelle il se présente à nous. Tous dignes de nous présenter devant lui avec nos vies en offrande.

Amen !

Détails

Avec la participation de
+ équipe de l'Etoile
Orgue
Jacques Barbezat
Musique
Matthieu Amiguet, flûte traversière