L'espérance ne trompe pas

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Un sage disait que «l’important dans la vie, ce n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive.» Mais, quand il vous arrive quelque chose de dramatique et d’inattendu, que vous passez par une catastrophe, l’échec ou la maladie, vous ne pouvez pas vous résigner. Vous ne pouvez pas agir comme si de rien n’était ou simplement rebondir dans la vie avec le sourire aux lèvres. Vous ne le pouvez pas, parce que vous avez mal, parce que vous êtes en état de choc.
Le mois passé, ce fut le choc pour notre famille. Alors que nous étions absents et vaquions à nos occupations, le séchoir à linge a subi un court-circuit… Les plombs ont sauté, mais trop tard : le linge, la buanderie, la cave et tout le sous-sol ont commencé à prendre feu.
De retour, deux heures plus tard, deux camions pompiers devant chez nous : munis de masques à oxygène et avec beaucoup d’efficacité, les hommes du service du feu sont intervenus juste avant que le rez-de-chaussée et la maison tout entière ne soient la proie des flammes. Mais, comme la porte entre le sous-sol et le rez était restée ouverte, les dégagements de fumées épaisses avaient eu largement le temps de se répandre dans tout notre logement, de bas en haut, n’épargnant aucune pièce, aucun contenu d’armoire ou affaire personnelle.
Fort heureusement, il n’y avait personne d’endormi à cette heure-là à la maison, les émanations toxiques des fumées auraient alors pu causer l’irréparable. Nous l’avions échappé belle, oui, mais c’était quand même «la catastrophe», et nous n’avions plus que ce que nous portions sur nous qui n’avait pas été sinistré…!
«L'important dans la vie, ce n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive.» Et bien, sur le moment, vous ne savez pas quoi faire. Les pompiers partis, vous ne savez pas par où commencer. Vous tournez en rond et tout ce que vous touchez est souillé par la suie : les sols, les tais, les meubles, les murs et les plafonds, armoires et tiroirs, tout, absolument tout est noir et dégage une odeur que vous pouvez imaginer.
Etat de choc, comme lors de tant d’autres situations dramatiques, on n’y croit pas, on reste sans voix, on ne comprend pas ce qui nous arrive, on a envie de crier sa rage et son découragement, de pleurer, que sais-je ? Quel gâchis ! Instinctivement on mesure les dégâts, ce qui est perdu, abîmé, la peine qu’il faudra pour recommencer. La vie ne sera jamais plus comme avant.

Bien évidemment, je vous souhaite de n’avoir jamais à passer par un incendie. Mais, les événements de la vie étant parfois cruels, je sais que si l’incendie vous a été épargné, vous avez peut-être traversé ou vous subissez peut-être en ce moment même d’autres difficultés, autrement dramatiques, comme peuvent l’être la perte d’un être cher, la maladie pour vous ou l’un des vôtres, avec un diagnostic médical pessimiste, voire désespéré, l’accident ou l’handicap, l’échec dans votre vie de coupe ou de famille, la perte d’un emploi, la dépression, la solitude...
Je vous souhaite de n’avoir jamais à connaître les conséquences d’un incendie, mais j’espère surtout que ce matin au travers de ce culte, vous vous sentirez un peu mieux compris, un peu mieux rejoint dans ce que vous vivez en ce moment même. Parce que, voyez-vous, l’Evangile parle aux hommes et aux femmes découragés, l’Evangile s’adresse à eux, leur disant qu’il y a encore de l’espoir, un avenir et une vie possibles...
Nous avons réentendu tout à l’heure le récit de ces deux qui, désespérés, s’en repartaient sur un chemin de Palestine conduisant au village d’Emmaüs, la tête passe, tristes, le cœur chargé. Ce que ces deux viennent de traverser avait été pire qu’un incendie. Ils avaient rencontré Jésus, ils l’avaient suivi, ils étaient devenus ses disciples, avec joie et une immense espérance. Et puis soudain, la fin, la catastrophe. Et maintenant, pour eux la vie n’a plus de sens, tout est noir… Ils rentrent donc chez eux, découragés, désespérés. Ils n’arrivent pas à comprendre, ils sont découragés, désespérés, tout comme le semeur de la parabole racontée par Jésus…

A ce propos, je voudrais vous dire que j’aime cette parabole de l’Evangile, car ce qui y est dit sur le semeur et sur son champ correspond tellement bien à la situation du plus profond découragement, quand il n’y a plus d’issue, plus la moindre lueur d’espoir, quand on touche le fond du désespoir. Comme le grain semé, on a jeté dans la balance ses dernières forces, on a fait tout son possible, on a mis tous ses efforts à faire de sa vie le mieux qu’on pouvait faire. On a engagé tout ce qu’on était et qu’on possédait. Et soudain survient une nuée d’oiseaux, et il n’y a rien que le semeur puisse faire. Quel gâchis !
L’indignation le submerge, la peur, la colère, il voudrait pouvoir exterminer ces maudits volatiles, remonter le cours du temps, revenir en arrière. Mais ils reviendraient à la charge, l’heure suivante, le jour suivant… Impuissance à ne pouvoir modifier le cours des choses. C’est à désespérer !
Et puis quel gâchis aussi, que ces grains qui finissent par se dessécher, parce que tombés dans une partie du champ au sol pauvre et pierreux ! Car ces pierres qui jonchent le terrain du semeur, et qui ne peuvent accueillir la semence, notre homme a beau labourer le sol encore et encore, elles seront toujours là. plus profondément il creuse, plus la couche de terre s’amenuise et plus la roche devient dure… Sentiment d’absurdité, d’impuissance encore à n’y pouvoir rien faire, c’est à désespérer !
Et puis, si vous y ajoutez encore les mauvaises herbes et ces plantes épineuses qui étouffent le grain comme parfois nos vies le sont par tout ce qui nous écrase, oui, véritablement, c’est à désespérer ! «L'important dans la vie, ce n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive.» Chers amis, Jésus nous accorde qu’on peut effectivement désespérer en ne considérant le monde et nos vies que sous cet aspect ; quand on ne regarde que ce qui est gâché, brisé, écrasé, perdu… Qu’on a de bonnes raisons de désespérer quand on ne voit le monde et nos vies, et ce qui nous arrive que sous ce seul éclairage… !
Jésus ne dit surtout pas qu’il est illégitime dans un premier temps de voir et de ressentir les évènements de cette façon, bien au contraire. Mais il nous dit que d’en rester uniquement à cette manière de considérer les choses ne fait qu’amplifier notre désespoir ! Etat de choc, colère, rage tristesse et découragement…, et tant d’autres, sont des sentiments normaux et humains. Ceci admis, il faut pourtant réagir, il faut repartir, et il faudra bien continuer de vivre… «L'important, c’est ce que nous faisons de ce qui nous arrive.» 
Et c’est alors que Jésus nous rappelle, au travers la parabole qu’il nous raconte, que tout n’est pourtant pas gâché, brisé, perdu. Il nous rappelle qu’il reste malgré tout un peu de grain, qu’un avenir et qu’une vie sont quand même possibles, malgré ce qui arrive, malgré ce qui nous arrive…
Même quand notre existence nous apparaît infime et absurde, même quand nous croyons avoir de bonnes raisons de penser que nous sommes de ce grain qu’il eût mieux valu ne jamais semer, qu’il n’adviendra plus jamais rien de bon de nous ou de notre vie, Jésus nous rappelle que Dieu ne nous a pas créés, ne nous a pas confiés à cet arpent de terre, s’il n’avait pas eu un projet pour nous. Il nous rappelle que nous pouvons, malgré tout, continuer d’espérer et vivre en espérant encore...
Et il nous invite surtout à faire crédit à la main de Dieu, le semeur d’éternité, qui savait ce qu’il faisait en nous déposant sur le champ du temps. Car c’est en lui que notre vie trouve - quoi qu’il arrive - son sens, son fruit, sa promesse…

Etat de choc, rage, incompréhension et découragement…, et tant d’autres, sont des sentiments normaux et humains. Des sentiments que nous pouvons tous légitimement ressentir à un moment ou à un autre, et que Jésus accueille quand il s’approche de nous, comme des deux hommes désespérés et découragés du chemin d’Emmaüs… Il vous accueille dans votre peine, dans vos doutes et votre découragement. Comme pour eux jadis, il s’engage à vos côtés et rend l’initiative d’engager avec vous le dialogue. L'espoir qui toujours commence avec le sentiment d’avoir été écouté et compris, l'espoir est la chirurgie réparatrice de toute vie. Une chirurgie qui en Jésus-Christ a son «grand patron», mais qui - soit dit en passant - avec chacun de nous, pourrait avoir encore beaucoup d’apprentis…
Désormais, parce que précisément c’est Lui le Ressuscité qui vous rejoint et vous écoute, vous pouvez commencer à voir les choses autrement, vous pouvez considérer le monde et votre vie à la lumière d’un autre éclairage, dans une plus grande perspective. Désormais, comme dans la parabole du semeur, vous pouvez commencer à comprendre ce que veut dire Jésus quand il parle d’une chose invisible qu’on a jamais vue de la vie…, et qui donne malgré tout un sens à nos vies et à ce que nous essayons de faire et de vivre.
Ainsi, repensant à ce reste de semence qui tombe dans la bonne terre, qui porte du fruit, du trente, du soixante et même du cent pour un, vous commencez à comprendre qu’il a là un contraste fou avec toutes les situations de désespoir évoquées jusque-là. Et vous pouvez commencer à découvrir que c’est au cœur même du désespoir que cette expérience peut se produire. Tout n’est pas fini, tout n’est pas vain, la vie – même fragile - est plus forte que le mal ; la vie et l’amour sont à jamais plus forts que la souffrance et que la mort même.
Jésus ressuscité qui rejoint les hommes sur leurs chemins de découragement et de désespoir leur ouvre un nouveau possible, un avenir possible. Il vous rejoint ce matin sur votre chemin à vous, vous offre de croire malgré tout à un lendemain possible... Jamais plus comme avant, mais possible tout de même. Le bout du tunnel…
«L'important dans la vie, ce n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive.» Il y a des hommes et des femmes, Dieu le sait, qui des plus grands malheurs ont appris à faire sortir de la vie. C’est ça qui donne du sens à leur vie : non pas ce qui leur arrive, mais ce qu’ils en tirent…
Apprendre à faire sortir de la vie : encore faut-il faire confiance à celui qui s'approche de chacun, qui nous accueille dans ce que nous traversons et ressentons. Encore faut-il accepter de repartir courageusement avec Lui et accepter d’arroser avec persévérance la semence restante, jusqu’à ce moment où enfin les graines attesteront que les jours qui nous sont donnés peuvent malgré tout encore bourgeonner et refleurir.
Amen.

Textes des prières :

Des yeux immenses...
Je voudrais, Seigneur, que tu me donnes des yeux immenses pour regarder le monde. Car je regarde, mais mes yeux sont petits, trop petits pour voir plus loin que le bout de mon nez, pour voir l’au-delà des choses, des hommes et des événements. Je regarde la vie, mais je n’en vois que l’écorce dure. L’amour me fait signe, mais je n’en aperçois que quelques fruits, tandis que la sève m’échappe. Et je souffre quand je me heurte à mes limites et que de mon cœur s’élève un brouillard qui assombrit ma route. Pourquoi Seigneur, nous as-tu fait des yeux qui ne peuvent pas voir, voir ta vie, au-delà de la vie, ton amour au-delà de l’amour ?
Parfois j’accepte de fermer les yeux, et dans le creux de ma nuit j’entrevois un peu de cette lumière que le jour obstinément me cache. Je vois sans voir et je commence à croire. Pourtant, Seigneur, tu m’as donné des yeux pour regarder ceux qui m’entourent, des pieds pour cheminer vers eux, et avec eux fouler la terre ferme ! Seigneur, puis-je marcher les yeux fermés en refusant le jour ? Je veux voir en regardant, mais mes yeux sont petits, trop petits pour contempler l’au-delà des choses : donne-moi des yeux immenses pour regarder.
Ouvre nos yeux, Seigneur, pour que nous puissions voir plus loin que le bout de notre nez, plus loin que la pénombre et la nuit des apparences, pour que nous puissions voir enfin quelques reflets de ta lumière infinie. Ouvre nos yeux, Seigneur, pour que nous puissions voir au-delà des visages, des mots et des gestes, pour que nous puissions voir enfin quelques reflets de ta tendresse.
Ouvre nos yeux, Seigneur, pour que nous puissions voir au-delà de l’enchevêtrement des évènements et des routes humaines, au-delà des peines et des joies, pour que nous puissions voir enfin quelques reflets de ta fidélité. Oui, Seigneur, donne-nous des yeux immenses pour regarder le monde, et nous percevrons un peu de l’au-delà de notre immédiat superficiel, et nous pourrons dire alors que c’est toi que nous avons rencontré, que c’est toi qui marches avec nous, toi, lumière qui éclaire notre vie. Amen.

Imprévu...
Je sortais, Seigneur, mais l’ascenseur s’est bloqué entre deux étages… J’étais en retard pour partir au travail, mais le lacet de ma chaussure a passé. Je suivais le match à la télé ; ils allaient marquer, mais le téléphone a sonné. Dans la rue je me dépêchais, mais j’ai rencontré un ami, il m’a raconté…, il s’est longuement raconté… il m’a tenu la jambe sans me laisser le temps de lui dire que j’étais attendu. Je dormais, enfin, mais l’enfant d’à-côté à commencer à pleurer et le chien à aboyer… !
C’est l’imprévu, Seigneur, dans notre vie bien organisée. Comme une boule lancée dans un jeu de quilles, nous voilà dérangés. Nous nous énervons, nous nous irritons. Nous devenons agressifs, nos relations avec les autres se tendent et la sérénité intérieure disparaît…
Pour tenter de marcher à ta suite, Seigneur, nous faisons parfois beaucoup d’efforts. Trop sûrs de nous, souvent nous croyons y parvenir… Mais déçus, humiliés, dérangés, nous devons bien convenir que nous acceptons de te suivre seulement quand nous connaissons la route et les étapes du voyage. Parce que c’est vrai, c’est devant l'imprévu que nous nous cognons… Et nos bons sentiments, nos bonnes résolutions s’envolent subitement…
Nous ne vivons pas encore assez près de toi et avec toi, Seigneur. Et pourtant, tu es là, dans notre vie bien organisée, et tu es là dans les imprévus aussi. Tu ne te réjouis pas des difficultés qui surgissent, mais tu es là pour nous aider à vivre l’aujourd’hui qui s’invite. Alors, Seigneur, donne-nous la paix que jadis tu promis à tes disciples. Non pas la paix que nous nous fabriquons, mais la tienne. Celle que de toi nous recevons quand humblement nous te la demandons. Celle que n’atteint ni coup de vent, ni violentes tempêtes. Seigneur, pour mieux vivre nos journées, nous avons besoin de toi.
Amen.

Croire au printemps...
Tu me dis, Seigneur, que la vie mérite d’être vécue. Je voudrais pouvoir la cueillir, comme on cueille les fleurs au matin du printemps. Mais je sais que la fleur ne naît qu’au bout d’un long hiver où la mort a sévi… Seigneur, je ne crois pas assez au printemps de la vie, car la vie trop souvent me semble un long hiver, qui n’en finit pas de pleurer ses feuilles mortes, et ses fleurs disparues.
Pourtant, c’est l’hiver que je veux croire au printemps... Mais ce que j’ai vécu jusqu’ici, Seigneur, est trop lourd, et ça ne peut plus continuer ! Mon existence n’est pas très longue, Seigneur, mais mon histoire chargée. Je suis découragé et j’ai traversé tant d’événements qui m’ont fait mal... Ce que je vis, ce qui m’angoisse, Seigneur, est trop lourd, et ça ne peut pas durer ! Je porte trop lourd, et j’en ai mal au dos. Je n’ai pas encore digéré ce qui m’arrive et j’en ai mal à l’estomac. Oui, Seigneur, ce que j’ai vécu, ce que je traverse, ce que je redoute m’écrase ! Je suis découragé...
On m’a dit, Seigneur, que la souffrance finit par s’estomper avec le temps... Qu’il fallait que je sois courageux et ne plus y penser ; que le passé est passé et qu’il ne faut pas se faire du mauvais sang pour l’avenir. Facile à dire ! J’ai lutté, j’ai tenté de tourner la page et d’être optimiste. Mais ce qui me pèse n’a pas disparu... J’ai essayé d’oublier... J’ai essayé de cicatriser mes blessures. J’ai essayé... J’y étais résolu, mais au moindre choc mes plaies se sont rouvertes et il fallait tout recommencer... Je suis découragé, mais c’est l’hiver que je veux croire au printemps...
Ce matin, ce que je porte, Seigneur, est trop lourd, et je ne veux plus le porter. Je veux te le laisser : le passé, le présent, et ce que je crains pour demain. Je veux croire que tu t’intéresses vraiment à moi... Je veux croire à ton pardon et à ta tendresse. Je veux croire que tu es là, que tu chemines à mes côtés et que c’est toi qui me soutiens. Pour me porter en même temps que tu porteras, toi, ce qui m’écrase...
Aide-moi Seigneur, je t’en prie, à compter sur toi. Car il me faudra du temps pour m’habituer à te remettre, chaque jour, les petites et les lourdes pierres de mon chemin. Celles sur lesquelles je bute. Et puis celles de mes découragements, celles de mes peurs et de mes doutes... Aide-moi à te faire confiance, Seigneur, devant les difficultés de ma vie, celles d’hier et celles d’aujourd’hui... C’est l’hiver que je veux croire au printemps de Pâques... Apprends-moi à me confier en toi, apprends-moi à tout te remettre, toi qui viens prendre soin de moi ! Seigneur, en priant et en agissant, donne-moi de croire de toutes mes forces à la puissance de ton amour.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Organiste : Jeanne Martin
Musique
Fanfare "La Rolloise", dir. Christophe Liechti