L'espérance ne trompe pas

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Vous êtes allés «le» voir, vous ne l’avez pas regretté : «il» vous a fascinés… «Il» : c’est bien évidemment le film de James Cameron, «Titanic» ! Et, même si vous ne vous êtes pas rendus au cinéma à cette occasion, l’histoire, la vraie, sur laquelle est construit le film, l’histoire vous est connue et, comme pour chacun, vous a impressionnés.
Rappelez-vous : le 10 avril 1912, le Titanic, le plus grand paquebot du monde, réputé insubmersible, quitte Southampton et l’Angleterre à destination des Etats-Unis, pour une croisière inaugurale. Quelque 2’200 passagers et hommes d’équipage embarquent et s’installent dans les cabines de première, deuxième et troisième classes. Départ en fanfare, la vie à bord s’organise…
Quatre jours plus tard, le dimanche 14 avril, peu après 22 heures, le Titanic, lancé à pleine puissance, heurte un iceberg. En un instant, c’est le drame, le cauchemar imprévu, inimaginable, il faut évacuer le navire. Et c’est alors qu’au milieu de la panique et des scènes horribles de l’évacuation - où se mêlent la terreur, le courage et le désespoir -, l’orchestre du bord égrène la mélodie d’un cantique chrétien bien connu…
Quelques notes, un appel : «Plus près de toi mon Dieu, plus près de toi…» Les canots et les gilets de sauvetage sont en nombre insuffisant, on se jette à la mer. Le Titanic enfonce par l’avant, se dresse, se casse en deux; les cris de terreur et de désespoir redoublent d’intensité, on entend encore les musiciens jouer…
Et puis, plus rien, c’est fini, un silence de mort… A 2h. 20 du matin, le Titanic disparaît corps et biens. Le bateau le plus proche, le Carpathia est à 58 miles de là. Trop loin, trop tard : l’eau glacée finit d’engloutir ceux qui n’avaient pu trouver de place dans les canots de sauvetage… Des 2'200 passagers au départ, seuls 703 survivront.
Chers amis, si l’histoire du Titanic nous fascine, c’est bien parce qu’elle illustre ce qui peut nous arriver à chacun : l’accident, l’échec, la maladie, le drame d’une catastrophe imprévisible que ni notre toute-puissante technologie ni toutes les assurances du monde ne peuvent empêcher. Dans une époque en proie à de violentes mutations, travaillée par l’angoisse du lendemain, non, ça n’arrive pas qu’aux autres ! Nous le savons que trop, nul n’est à l’abri, et notre vie et celle de ceux qui nous sont proches, en un instant peuvent basculer… et sombrer.
Fascinés aussi, parce qu’avec l’histoire du Titanic, c’est l’ultime question du sens de la vie et de ce que d’aucuns appellent le «destin» ou la «fatalité» qui se posent à nous. Notre histoire à chacun est-elle inscrite, déterminée une fois pour toutes et irréversible ment ? Si tel était le cas, ne sommes-nous pas les marionnettes d’une puissance inhumaine, aveugle et inflexible ? Et puis, enfin, comment croire encore en un Dieu qui ne nous épargne ni les drames ni la souffrance ?
Sur le pont du Titanic, terrorisés, des hommes, des femmes, des enfants…, la plupart ni plus ni moins courageux que vous et moi. Des hommes et des femmes qui savent que leur dernière heure est arrivée. Sur le pont du Titanic, des hommes, des femmes, des enfants…, et puis des musiciens… Et certains se mettent à chanter : «Plus près de toi mon Dieu, plus près de toi…»

Pour ces autres dont nous avons entendu le récit dans l’Evangile, ce n’était pas le Titanic, mais plus modestement leur barque, celle qu’ils utilisaient quotidiennement pour gagner leur vie de pêcheurs professionnels. Et ce lac qu’ils étaient en train de traverser, vous pensez s’ils le connaissaient par cœur ; ce n’était pas l’Atlantique Nord… Et pourtant, le vent violent, la tempête inattendue, l’eau qui monte de plus en plus dans la barque, c’est l’angoisse : «Au secours, Seigneur, nous allons mourir !»
Je vous le demande : qui de nous, lorsqu’il était menacé par une catastrophe, un accident, la maladie ou un échec redouté, n’a pas comme eux retrouvé soudainement les mots pour crier à Dieu de l’aider et d’intervenir ? Nous en avons tous fait l’expérience, un jour ou l’autre. Et, si vous me permettez un brin d’humour au passage, je vous dirais à ce propos que j’ai toujours pensé que les chauffeurs d’autocar ou de car postal, font plus pour stimuler la prière de ceux qu’ils conduisent sur les routes escarpées de montagne que les pasteurs dans leurs églises !
Oui, à l’heure de l’épreuve, quand on se sent menacé et que surgit le danger, l’homme retrouve tout à coup sa vraie dimension, sa vulnérabilité et ses limites, et se souvient que son horizon de vie ne se résume pas à ce qu’il voit ou qui lui arrive, ne se résume pas à ce qu’il peut ou ne peut plus…
Si vous ouvrez la Bible, au livre des Psaumes, vous constaterez que cette même expérience de pouvoir s’adresser à Dieu en toutes situations, des hommes et des femmes l’ont décrite en de multiples occasions. Tenez par exemple, l’un d’eux disait : «Ô Dieu, accorde-moi ton appui, car c’est près de toi que je cherche refuge. Je viens à toi, je me mets sous ta protection, jusqu’à ce que l’épreuve soit passée.» Ou cet autre qui avouait : «Je suis angoissé, terrorisé. J’appelle Dieu au secours, et lui me sauvera, car il entend mon appel et il s’approche de moi… Au cœur de la détresse, quand j’ai peur, Seigneur, je mets ma confiance en toi.»
«Non», écrivait le poète, «nous ne sommes pas seuls et la vie n’est pas absurde. Son secret n’est pas dans les étoiles, ni au fond des mers. Il ne s’est pas enfui au-delà des années, ni englouti dans le naufrage du temps passé. Le secret de la vie et de l’espoir est au dedans de nous, là où Dieu vient nous rencontrer !»
Avec lui, et avec tous ceux qui ont expérimenté l’aide et la proximité de Dieu dans leur existence, nous osons dès lors affirmer que notre histoire à chacun n’est en aucun cas inscrite, déterminée une fois pour toutes et irréversiblement. Nous ne croyons pas au destin. Et avec eux, nous osons affirmer que nous ne sommes pas les marionnettes d’une puissance inhumaine, aveugle et inflexible...
La Bible dit que «le soleil se lève sur les bons et sur les méchants» et que «la pluie tombe sur les justes et sur les injustes.» Cette réalité toute simple est celle que nous avons le plus de difficulté à accepter. Parce qu’évidemment nous, nous souhaiterions que les bons soient mieux traités que les méchants, et les justes mieux que les injustes. Par exemple, que l’accident, la maladie et l’épreuve soient pour les uns, mais épargne les autres, que les catastrophes n’arrivent pas aux bons, mais seulement aux méchants. Et nous serions volontiers pour un christianisme assurance «tous risques» ou «porte-bonheur». Seulement, le signe de Jésus-Christ n’est ni le fer à cheval ni le trèfle à quatre, mais la croix.

«Au cœur de la détresse, quand j’ai peur, Seigneur, je mets ma confiance en toi…» Dieu ne nous conduit pas sur un nuage à l’abri des difficultés, mais il nous accompagne au travers des épreuves… C’est vrai, le mystère du mal et de la souffrance reste entier. Mais, à défaut d’explication, nous avons à leur sujet un signe extraordinaire : celui de Vendredi-Saint et du matin de Pâques, celui que Jésus nous a donné en offrant sa vie pour que ni le mal ni la mort n’ait le dernier mot !
C’est vrai, que Dieu ne nous épargne ni les drames ni la souffrance. C’est vrai que Dieu n’a jamais promis que nos vies seraient dépourvues de difficultés et d’épreuves, mais il nous a dit et nous redit à chacun : «Tu n’es pas seul, je suis avec toi !» Il est bon de pouvoir entendre aujourd’hui encore, que non seulement chacun peut crier à Dieu, mais que ce Dieu - pour qui nous sommes précieux – est un Dieu qui nous écoute et qui nous accompagne, fût-ce au cœur des plus terribles tempêtes et de nos plus profondes ténèbres.
Mais il est bon aussi, parce que fort heureusement la vie n’est pas faite que de drames et de peines, il est bon aussi de nous souvenir que ce Dieu est avant tout le Dieu, qui au travers des jours clairs comme des jours sombres, se fait le compagnon de nos journées et reste fidèlement à nos côtés.
Quoi que nous vivions, l’Evangile entier nous incite à croire avant de faire quoi que ce soit, et à croire en le faisant… Avec cette précision qu’on n’a pas la foi parce qu’on en connaît intellectuellement la définition et le contenu, mais qu’on a la foi lorsqu’on croit que le Christ est présent dans tous les choix, dans tous les actes, dans toutes les circonstances de notre vie. Le mystère de notre condition humaine devant Dieu est là; le mystère chrétien est là : avec la foi tout peut survenir, tout peut se passer. Sans elle, plus rien : nous pensons que Dieu dort.

D’ailleurs, remarquait saint Augustin, «quand on pense que Dieu dort, c’est nous qui dormons.» Et d’ajouter : «La barque, c’est ton cœur. Si tu te souviens de ta foi, de la fidélité et de l’amour de Dieu, ton cœur n’est pas agité. Si tu oublies ta foi, la fidélité et l’amour de Dieu, le Christ dort, et toi tu risques le naufrage.»
«Le secret de la vie n’est pas dans les étoiles, ni au fond des mers… Le secret de la vie et de l’espoir est au-dedans de nous, là où Dieu vient nous rencontrer !» «Tu n’es pas seul, je suis avec toi !» nous redit Dieu, à chacun ce matin… Quoi que vous viviez, quoi que vous traversiez - et que Dieu connaît - «plus près de toi mon Dieu, plus près de toi…», cette prière peut devenir votre devise pour aujourd’hui et pour demain.
La devise de ceux qui savent que Dieu les aime tels qu’ils sont et qui l’invitent à partager leur quotidien, pour tenir le coup et quoi qu’il arrive, malgré leurs peurs et leurs faiblesses, apprendre à mieux croire, espérer et aimer.
«Plus près de toi mon Dieu, plus près de toi…», n’attendez pas d’enfoncer pour accueillir celui qui s’approche de vous, vous tend la main et se tiendra fidèlement à vos côtés… Non n’attendez pas le naufrage, vous auriez perdu le meilleur !

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Organiste : Jeanne Martin
Musique
Ensemble de percussions de la Côte (env. 15 pers.),
dir. Claude Meynent