Qui est-il pour nous ?

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Nous avons tous eu un prof assez drôle, lunatique, distrait, dans son monde… mais terriblement gentil et humain ! Ces profs reçoivent toujours de la part des élèves un surnom qui cadre bien avec leur personnalité, avec leur façon d'être en classe. Parfois, c'est drôle, parfois un peu moins ! Chez les Corinthiens, il y avait aussi de ces profs qui avaient un défaut, de ceux qui croient que la pensée humaine et la raison peuvent nous mener à la foi. On pourrait peut-être les appeler les «Je-sais-tout, je-suis-casse-pieds !» Ils enseignaient la philosophie, la science de la sagesse.
Paul ne fait pas le procès de la philo, ne condamne pas les profs qui essaient d'inculquer leur savoir aux élèves ! Si Paul était recteur de faculté de théologie, il maintiendrait certainement la philo parmi les disciplines à étudier. Paul n'interdit pas à la philo d'essayer de mieux comprendre l'homme et sa pensée, mais il n'est plus d'accord lorsque cette discipline veut être la seule à vouloir nous faire avancer sur le chemin de la foi.

L'église de Corinthe est une drôle d'église avec de curieux paroissiens, des gens de composition fort modeste (plus de pauvres que de riches). Mais il y a un gros défaut : les Corinthiens se croyaient fort intelligents. Bien que d'un niveau social assez bas et peu cultivés, ils s'imaginaient détenir la bonne et pure doctrine. A ces gens qui pensent être des sages, des philosophes, Paul leur demande de redescendre sur terre : «L'important, c'est le Christ, le Christ crucifié.»
Voilà un message bref, qui va droit au but : «Je n'ai rien voulu savoir d'autre que Christ, je précise… Christ crucifié.» Qu'est-ce que cela signifie ? Paul ne connaîtrait que la Passion et la crucifixion du Christ ? Il passerait sous silence, oublierait la résurrection qui ne ferait pas partie d'une prédication fidèle à Jésus-Christ ? Cette prédication n'aurait pas lieu d'être dans ce temps de Pâques !
Dans cette même épître au chapitre 15, Paul va prêcher la résurrection qui est le centre, le fondement du message chrétien. C'est évident : Paul n'a pu prêcher le Christ sans sa résurrection. Sans la résurrection, l'évangile n'est pas l'évangile. La résurrection n'est pas l'annulation de la mort du Christ, mais l'intervention de Dieu dans notre histoire.
A Pâques, c'est Jésus-Christ, Jésus-Christ qui est éternellement présent. C'est la mort du Christ éternellement vivante, c'est la faiblesse de Dieu éternellement triomphante. Si Paul insiste tellement sur la crucifixion de Jésus-Christ, c'est parce que les Corinthiens avaient trop tendance à oublier que leur foi reposait, aux yeux de la raison, sur un échec, une absurdité intellectuelle.

Quand nous parlons de notre foi en Jésus-Christ, comment le présentons-nous ? Qui est-il pour nous ?
• un homme qui a marqué son temps, un agitateur politique,
• quelqu'un qui a soulagé bien des misères autour de lui,
• notre foi repose sur Jésus-Christ crucifié. Avons-nous réalisé alors que celle-ci repose sur l'échec humain du Fils de Dieu ? Notre salut tient tout entier dans un événement lamentable : le cadavre d'un condamné à mort. Avons-nous réalisé que c'est un supplicié décédé, et ressuscité trois jours plus tard, qui devient le salut de chacun d'entre nous ? Voilà qu'un mort va donner un sens à notre vie, plus, Jésus va nous donner sa vie.
Absurde ! Et pourtant, c'est le fondement de notre foi. Nous jouons notre existence sur Jésus-Christ, je précise Jésus-Christ crucifié.

Quelle stupidité, pensons-nous, que d'insister à ce point sur Jésus-Christ crucifié, le message est un peu maigre, vous ne trouvez pas ? Si la prédication semble manquer de panache avec un crucifié, la personne de l'apôtre a manqué également de prestige, comme s'il était l'exemple type de ce qu'il déclare ! Paul n'était pas un bon orateur - il passerait mal à la radio -, pas non plus un bon philosophe - aurait été un prof chahuté ! - timide, craintif, car il parlait d'une manière peu convaincante.
Les Corinthiens ont bien dû se moquer de lui : il se dit apôtre, mais il a peur de nous, ne sait pas discuter, de plus il parle sans cesse de Jésus-Christ, et encore, Jésus-Christ crucifié ! Malgré cela, l'infirmité de Paul n'est pas un frein à son ministère, au contraire :

1. Paul est «une preuve vivante» de la faiblesse de Dieu, en Jésus-Christ, Dieu se manifeste à nous dans la faiblesse, jusqu'à la mort sur la croix.
2. Si les Corinthiens sont devenus chrétiens, ce n'est pas à cause du charme de Paul, ou ses dons oratoires. S'ils sont devenus chrétiens, c'est grâce à la puissance de Dieu, il a fallu un fameux miracle pour qu'ils deviennent croyants !
Vrai, si aujourd'hui Paul revenait parmi nous :
1. Beaucoup de paroissiens le trouveraient maladroits, n'iraient pas écouter ce prédicateur hésitant.
2. Ils ne retiendraient pas la candidature de ce timide, un brin bafouilleur.
3. Passage un peu réconfortant pour nous qui pouvons être comme Paul, un peu bègues quand il s'agit de prendre la parole en public et sujets au trac. On se gêne quand il faut faire quelque chose ou dire devant tous en qui nous croyons. Rassurons-nous, notre défaut ne doit pas être un frein à notre engagement. Nous sommes de la même veine que Paul.
4. N'oublions pas que si nous sommes aussi maladroits que Paul dans l'art oratoire - nous pouvons par ailleurs être talentueux dans d'autres domaines - Paul se vengeait avec la plume : celle-ci était plus alerte que sa langue était malhabile.
Et nous, dans quel domaine nous rattrapons-nous ?

• Accueil : il y a toujours une place à notre table pour celui qui a besoin de compagnie.
• Prière : nous avons le souci de porter à Dieu nos frères et soeurs.
• Ecoute : nous donnons de notre temps, de notre disponibilité pour écouter ceux qui cherchent quelqu'un à qui se confier, et dire toute leur peine.
• Notre engagement au sein du conseil de paroisse (aujourd'hui les paroisses du Canton de Vaud veulent redire toute leur confiance à celles et ceux qui acceptent ce ministère si important de conseillers ou conseillères), secrétaire, caissier, monitrice, catéchète, membre du synode…, la liste est loin d'être finie !

Nous sommes certainement des apôtres Paul qui s'ignorent ! Il y a bien un domaine dans lequel nous excellons, et que nous pouvons mettre à profit au service du Christ crucifié et ressuscité ! Dieu a voulu que la foi des Corinthiens repose sur un fondement solide, de même, Dieu a voulu que notre foi repose également sur un fondement solide, sur l'évangile, puissance de Dieu qui nous sauve (nous rend la vie) avec nos faiblesses et nos qualités.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Benjamin Hatt
Musique
Groupe de jeunes chanteurs et musisiens de la région