La Trinité: visages d’un Dieu qui se fait tout proche

Temple de Sainte-Croix

Écouter le culte :

« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », voilà une expression qu’on a déjà entendu ce matin, peut-être un peu usée par l’habitude. C’est celle que Jésus a prononcée en envoyant ses disciples avec cette mission de porter l’évangile.

Dans l’histoire chrétienne, cette notion de Trinité (le Père, le Fils, le Saint-Esprit) a donné lieu à pas mal de discussions, quelques débats, quelques conciles pour essayer de mettre les mots. Ce n’est pas si facile de mettre des mots sur quelque chose d’un peu mystérieux et dans notre langue (le français, ou encore le vaudois), c’est une langue un peu limitée pour parler de Dieu et de choses difficiles à appréhender, à découper, à comprendre. Est-ce que ce sont des personnes indépendantes, ou des visages différents de ce même Dieu unique ?

Comme le mot « trinité », on l’a dit, n’est pas dans la Bible, on trouve des chrétiens pour qui cette notion est très importante, et d’autres beaucoup moins. Récemment j’ai logé un pèlerin maronite du Liban, et en une soirée il a prononcé plus souvent le mot « trinité » que je le fais en une année entière ! Pour lui, c’était quelque chose de très important. Et pour d’autres, à l’opposé, c’est quelque chose d’un peu bizarre. Pour les gens qui ne sont pas de confession chrétienne, la Trinité est même quelque chose d’étrange, presque une hérésie.

Je vous propose, pour ce matin, de ne pas faire une bataille de mots, de ne pas refaire un concile pour chercher la meilleure définition, mais d’avoir une approche plus concrète. Comment pouvons-nous concrètement goûter une relation avec le Père, avec le Fils, avec le Saint-Esprit ? Pour moi ce sont trois aspects, trois visages merveilleux d’un Dieu qui veut être tout proche de nous.

D’abord le Père. Pouvoir parler de Dieu comme un Père, c’est quelque chose de bouleversant, d’incroyable. C’est un des grands privilèges de notre foi chrétienne. Le passage de l’épitre aux Romains que nous avons lu dit que nous pouvons l’appeler «Abba, ô mon Père», peut-être quelque chose de proche de «Papa» ?

Je crois que nous avons tous besoin d’un père. Notre père biologique, ou adoptif, a fait ce qu’il a pu, et puis un jour nous devons le quitter. Ou c’est lui qui nous quitte. Mon père est parti depuis plus de 10 ans et c’est le cas pour plusieurs d’entre nous. Mais toute notre vie, je crois, nous avons besoin d’un père. Et Dieu se présente comme ce père dont nous avons besoin.

Et comment est-il ? Est-il un père fouettard, est-il un père absent ? Pour le savoir, on peut écouter la parabole magnifique du fils prodigue, que Jésus a raconté pour voir quel est ce père, comment est son cœur.

En deux mots, un fils rebelle prend sa part d’héritage. Il va tout dépenser, il fait tout pour mériter les foudres de son père et quand il a tout dépensé, quand il a le ventre vide, le voici qui revient. Comment le père va-t-il l’accueillir ? Ce qui est étonnant et magnifique, c’est que son père l’attendait, son père l’accueille, son père le reçoit dans ses bras, le couvre de baisers, et fait une fête immense parce qu’il est revenu. Pas un reproche ! Et Jésus a raconté cette histoire en insistant sur le fait que Dieu fait la même fête quand quelqu’un qui lui a tourné le dos revient vers lui. « Il y a une fête dans le ciel, dit Jésus, pour un seul pécheur qui se repent ! »

Voilà comment se présente Dieu, un Père avec un amour inconditionnel, immense, presque trop grand qui fait la fête quand on revient à lui. Dieu comme un Père, c’est quelque chose qui revient beaucoup dans le Nouveau Testament, c’est même le début de la prière bien connue : « Notre Père qui es au cieux ». Et j’aime beaucoup aussi cette parole de Jésus qui dit : « Je monte vers mon Dieu et votre Dieu, vers mon Père qui est aussi votre Père. »

Avec ce qu’on vient de dire, on pourrait penser que c’est suffisant d’avoir un Dieu qui est notre Père, mais il y a aussi Jésus, Dieu le Fils. Dans le passage de l‘évangile de Matthieu, au moment de quitter ses disciples, il les assure qu’il va être avec eux tous les jours. Mais comment, sous quelle forme, dans quel type de relation ?

Jésus a annoncé qu’il nous considérait comme ses amis. Il est aussi un homme qui a expérimenté la vie sur terre. Dieu le Père pourrait nous paraître parfois un peu lointain (il est « aux cieux »). Jésus, Dieu le Fils, a su ce que c’était que la vie d’un homme. Il a été un bébé (je ne vais pas vous raconter Noël, mais il a été un bébé couché, même dans les langes), un enfant, un adolescent, un jeune homme qui a appris le métier de charpentier.

Pendant sa vie, on le voit qui a eu faim dans le désert, qui a eu soif sur la croix, qui a été fatigué et qui dormait au fond d’une barque, qui a été lassé du chemin et s’est assis sur un puits. C’est un homme qui est dans le ciel, et qui est capable de nous comprendre.

Et puis psychologiquement, si on ose dire ça de Jésus, il a connu des choses pas faciles. Il a été parfois admiré, mais parfois rejeté, il a connu la violence contre lui, il a été déçu par Pierre, trahi par Judas. Et même, et c’est un peu mystérieux quand on parle justement de la Trinité, il a été abandonné de Dieu ! (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »)

Toutes ces souffrances font que Jésus peut nous comprendre dans notre vie qui en comporte aussi. Il promet d’être avec nous « tous les jours ». Tous les jours, c’est les jours où tout roule, c’est les jours où tout s’écroule, où le train de notre vie semble être sorti des rails. Le jour où nous serons peut-être déçus par un proche, nous pouvons nous dire : lui aussi il a connu cela. Le jour où nous souffrons dans notre corps, nous pouvons penser que lui aussi, il sait ce que c’est. Il peut compatir, et lorsque nous le prions, nous le prions comme un ami qui nous comprend.

Et si j’ose confesser quelque chose de personnel, il m’est arrivé d’être fâché contre la vie, et finalement aussi contre Dieu le Père, et ce qui m’a retenu de tout lâcher, c’est cette pensée très forte que Jésus, homme, avait connu la souffrance, la difficulté, la colère, le rejet. Et c’est comme s’il mettait sa main sur mon épaule. Et plus tard j’ai retrouvé la paix avec Dieu le Père qui m’attendait.

Dans le livre des Actes, après que Jésus est remonté au ciel, on voit quelques expressions de sa présence réelle. Il est dit que « Jésus collaborait avec les premiers chrétiens » par des miracles. On voit aussi qu’Etienne, le premier martyr, quand il va être tué, il aperçoit Jésus debout à la droite de Dieu, et c’est à Jésus qu’il va dire, en mourant. « Seigneur Jésus, reçois mon Esprit ». Et puis Saul, le grand persécuteur, celui qui détestait Jésus ; c’est la voix même de Jésus qu’il entend et qui va changer sa vie.

Jésus, Dieu le Fils, est réel, ce n’est pas seulement son souvenir, comme pour un défunt. Mais c’est lui-même, vivant, ressuscité, qui est là quand il dit : « Je suis avec vous tous les jours ». Je crois qu’il nous entend maintenant, et pas seulement aujourd’hui, dimanche, à l’église. Mais demain, lundi, tous les autres jours, toute la journée, toute la nuit.

Pour compléter sur Jésus. Dieu le Fils, on pourrait rappeler qu’il a encore d’autres visages dans la Bible. C’est aussi le Maître (et nous les disciples), c’est aussi le Berger (et nous le troupeau dont il prend soin), ou encore le Marié, l’Époux (et nous, l’Église nous formons son épouse, sa femme et bientôt ce seront les noces).

Mais encore plus intime qu’un couple, ça semble difficile, il est dit qu’il est la Tête et nous sommes son corps ! Difficile de faire plus proche ! Comment prendre une image plus proche pour dire qu’il est là, à un souffle de nous, caché derrière le voile de l’invisible, mais Jésus est là avec nous, réel, proche.

Enfin il reste le Saint-Esprit, qu’on appelle aussi l’Esprit de Dieu, ou Dieu le Saint-Esprit. Plus mystérieux, à quoi ressemble-t-il ? Ce qui m’a aidé à comprendre, un peu, c’est une image de la physique-chimie, les trois états de l’eau.

Si on prend l’image de l’eau qu’on applique à Dieu, alors l’eau liquide serait Dieu le Père. Sans forme particulière.

L’eau solide, la glace, la neige, qu’on connait bien à Sainte-Croix jusque parfois dans un printemps tardif… l’eau solide me fait penser à Jésus, Dieu le Fils qui a pris un corps qu’on a pu toucher, qu’on a pu voir sur terre en chair et en os.

L’eau solide est un peu différente de l’eau liquide, et. Mais l’eau solide et l’eau liquide sont les deux de l’eau. Comme Dieu le Fils et Dieu le Père sont Dieu.

Et il y a encore la vapeur d’eau, encore plus mystérieuse car on ne la voit pas. Pourtant elle fait tourner des turbines, elle nous permet de cuire deux fois plus vite nos légumes. C’est comme une puissance. Et ça me fait penser au Saint-Esprit.

Le jour de la Pentecôte, qu’on a fêté et dont on a parlé dimanche passé, le Saint-Esprit s’est manifesté comme une puissance, qui a transformé 120 chrétiens peureux en prédicateurs sans peur dans les rues de Jérusalem, au point que 3000 personnes ont cru en un seul jour ! Et, si j’ose dire ainsi, dopés par l’Esprit Saint, ils ont rempli le tour de la Méditerranée de cette bonne nouvelle.

La bonne nouvelle, c’était que Jésus était venu de la part de Dieu, que sa mort sur la croix nous donnait un accès libre à Dieu le Père sans autre sacrifice ou autre loi à suivre. Juste la grâce. Juste la foi. Quelle nouvelle que le Saint-Esprit a poussé à répandre !

Dans le passage qu’on a lu, « L’Esprit de Dieu rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu », on apprend que l’Esprit est aussi une petite voix intérieure qui nous confirme que nous appartenons bien à Dieu. Et dans d’autres passages, il est dit que l’Esprit peut nous inspirer des paroles au bon moment, par exemple si on était accusé, ou pour apporter une parole d’encouragement, à la bonne personne, au bon moment. L’Évangile selon Jean nous dit encore que c’est une voix qui parle aussi à ceux qui ne croient pas, pour frapper à leur porte et les inviter à croire.

Alors est-ce que nous ne voulons pas profiter de ce Souffle qui est en nous, de cette inspiration qui nous aidera à apporter la joie, la paix, l’amour, l’évangile autour de nous ? Qui nous aidera à répondre si on est bousculé ou attaqué ? L’Esprit de Dieu veut être en nous, et nous apporter cela.

Voici une prière sous forme poétique qui exprime ces trois relations privilégiées :

J’ai tant besoin d’un père, et te voici, mon Dieu,
M’accueillant avec joie, ouvrant tes bras tout grands,
Quel bonheur quand ta voix me murmure « mon enfant ! »
J’ai besoin d’un ami, et te voici, Jésus,
Toi, l’homme qui a souffert, tu me tiens par la main.
Tu promets d’être là, chaque jour sur le chemin.
J’ai besoin de ta voix, et voici ton Esprit
Ce souffle au fond de moi, qui murmure ton amour
Et qui inspire mon cœur, pour bénir en retour.

Les deux passages bibliques de ce dimanche rapprochent Dieu le Père, Jésus-Christ et le Saint-Esprit comme faisant un tout. On peut discuter théoriquement de la notion de trinité, ce qui s’est parfois fait au cours des siècles. Ou alors on peut s’émerveiller devant chacun des visages de ce Dieu: il veut être à la fois le père, l'ami qui promet d’être avec nous tous les jours, et le souffle inspirant nos actes et nous murmurant à l’oreille que nous sommes enfants de Dieu.

 

Détails

Avec la participation de
Frédéric Steinhauer, pour la liturgie
Gérard Pasche et Jean-Philippe Favre pour les lectures
Orgue
Karin Fuchs
Musique
Marie Lys, soprano
Luc Fuchs à la clarinette basse
Jean-Paul Pruna au piano