Espoir possible dans une voix à-venir

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Avent ? Passé ou présent ? Deuxième dimanche du temps de l'Avent. Finalement, qu'est-ce que nous fêtons ? un passé ? un présent ? un avenir ? Par exemple, je m'imagine, à poser cette question dans la rue ou quand je recevrai mes petits-enfants : au fond, pourquoi fêtons-nous ce temps de l'Avent ? Qu'est-ce qu'il y a de si important, pour que nous fêtions le temps de l'Avent, c'est-à-dire l’avant-Noël ? Et de quoi nous réjouissons-nous ?
Les uns diraient : «C'est pour rappeler un événement qui s'est passé il y a très longtemps, un événement historique, la naissance de Jésus» ou encore «C'est parce qu'on reçoit des cadeaux» ou encore «C'est la tradition», ou d'autres choses encore.
Et moi, je répondrais : d'accord, ça c'est la manière de fêter n'importe quelle fête, pour rappeler un passé. Mais pour un chrétien, le passé n'est intéressant que dans la mesure où il nous parle de notre présent, (et en particulier d'un présent en relation à Dieu)… et aussi de l'avenir. Le mot a-vent parle d'une attente, d'un à-venir.

Nous avons donc 2 questions maintenant :
a. Qu'est-ce que nous pouvons fêter au présent ?
b. Qu'est-ce que nous attendons par rapport à l'avenir ?
Quoi ? ou qui ?
Parce que si vous avez écouté les nouvelles sur notre à-venir, ça fait plutôt peur :
· La situation économique reste chancelante et la vie devient plus chère.
· La maladie du SIDA se répand de plus en plus.
· La terre se réchauffe et on va vers la catastrophe.
Et j'en passe - c'est déprimant, rien d'y penser…- et de plus réalistes.
Que pouvons-nous attendre encore de bon de l'avenir ? Et je dis bien : «Nous attendons quoi ?», car c'est ainsi que nous le formulons… Quel bonheur ou quel malheur, quelle chose, quel événement concret, matériel qui va faire que «ça change», et nous permettre d'espérer… Y a-t-il encore de la place pour autre chose ?
Mais voici la bonne nouvelle de l'Avent : il n'est plus question de la venue d'une chose, d'un quoi (et c'est la 1ère surprise), mais la venue d'un qui, de quelqu’un. La question n'est pas d'attendre un quoi, mais un qui : Nous attendons qui ? C'est-à-dire d'attendre un événement, non plus seulement au niveau des choses, un événement muet, incompréhensible, devant lequel nous sommes impuissants, mais un événement où nous sommes touchés au niveau de notre personne, de personne à personne, une personne qui vit et qui vibre, une personne qui parle, qui cherche à comprendre, qui veut participer et qui est capable de trouver un nouvel esprit.
Alors, si l'Avent est le temps de l'attente de quelqu'un, qui est-ce ? qui ? La première réponse qui vous vient spontanément, j'imagine, c'est de dire : Nous attendons l'intervention du Dieu Tout-puissant qui va tout transformer, un peu comme quand on va au spectacle, qu'on regarde un film, et que tout semble perdu, on se dit : «Quelqu'un va venir de l'extérieur, pour redresser la situation et tous les torts.»
Mais dans la vie courante, ce n'est pas comme cela que ça se passe… Dans ces temps de l'Avent, ce qui est arrivé, c’est une scène où il y a des gens qui se posent des questions. Et nous fêtons ce que ces personnes ont dit, cru ou pas cru, vécu autour d'un événement tout simple, (et c'est la deuxième surprise) la naissance d'un enfant, Jean le Baptiste. Et comment, à partir de cette naissance, et de ces réactions, Dieu (toujours présent) a pris corps parmi nous. La Bonne Nouvelle, c’est quelqu’un qui vient.
Apparemment, si on regarde cette histoire : rien n'a changé dans le monde. Hérode a continué ses injustices. Il y a toujours les maladies, les difficultés. Hérode a même tué Jean, le Baptiste. Mais au niveau des personnes, oui là quelque chose a changé. Car ce message de Jean-Baptiste nous touche encore aujourd'hui. Il parle encore à notre personne, à notre conscience et notre foi dans ce qu'elle a de plus spontané. Il nous appelle à croire, à espérer, à nous ouvrir à Jésus-Christ… et au-delà, aux gens, à ceux qui nous entourent, et à nous-mêmes, à notre jardin intérieur.
Tant de fois on a attendu dans l’avenir très lointain comme si Dieu s’était absenté pendant plusieurs années et allait revenir. La bonne Nouvelle de l'Avent, c'est que quelqu'un nous parle, toi, moi, des hommes du passé, pour nous encourager à faire confiance au Dieu qui se manifeste non pas à travers des choses, mais au travers des gens.
Si nous fêtons le temps de l'Avent pour nous rappeler l'espoir en quelqu'un, en Dieu qui devient apparent parmi nous au travers de quelqu'un…, comment cela peut-il se passer concrètement pour nous aujourd'hui ?
Prenons un exemple : ça pourrait être quelqu'un qui vient de sortir de l'hôpital. Mais puisque nous parlons de l’Avent, prenons plutôt ce qui arrive à Zacharie, le père de l'enfant, le père de Jean le Baptiste.
L’histoire :
Vous connaissez sans doute l'histoire : Zacharie était vieux et avait perdu l'espoir d'avoir un enfant. Et quand on lui annonce la bonne nouvelle qu'il va avoir un enfant, son désespoir est si grand qu'il ne peut y croire, qu'il se ferme, il devient muet.
Pour Zacharie, le premier événement de l'Avent, c'est donc qu'il est devenu muet. Nous pouvons imaginer son désespoir… «Moi, Zacharie, moi, le prêtre. Moi, prêtre avec un nom qui veut dire «Dieu se souvient». Moi, qui me suis donné corps et âme à ton service, tous les jours de ma vie. Et pourtant, moi, devenu aujourd'hui muet, qui ne peut plus exercer ma fonction, qui ne peut plus dire la Parole de Dieu. O Dieu, de quoi est-ce que tu te «souviens» à propos de moi ? Pourquoi tout cela, mon Dieu, à moi qui suis vieux ? Quel est mon à-venir devant toi ?»
Alors Zacharie essaie de comprendre; il se met à lire probablement Malachie (puisqu'il le cite) qui parle de l'avenir. Malachie vit dans le temps de la peur de Dieu, Dieu dont on dit : C'est le Dieu de l'histoire, d'une histoire faite d'actes barbares qui font peur. Dieu dont on a aussi peur, Lui qui châtie, car Il est le défenseur d'une loi éternelle. La rencontre avec Dieu au fond, personne ne la désire; elle a une odeur de malheur et Zacharie vient d'en faire l'expérience.
Dieu, à qui on attribue une logique sous-entendue. «Si tu n'as rien fait contre la Loi, ni volé ni tué, que tu as respecté toutes mes règles, tu échapperas au jugement, tu seras pur devant Dieu, autrement dit, tu n'auras plus rien à craindre de Dieu…» Car c'est ça l'important, de se prémunir face à la peur de l'à-venir, du jugement à venir. Même si nous savons bien par l'expérience combien cette logique-là est futile et ne tient pas.
Alors Zacharie peut aussi se dire : mais Seigneur, moi non plus je n'ai pas fait toutes ces choses, alors pourquoi suis-je muet ? Il a dû mettre des mois pour essayer de s’en sortir.
Mais, par ailleurs, l'enfant est là, bien visible dans le ventre de sa mère. L'explication par la peur de Dieu ne suffit plus. Zacharie est obligé de changer son regard.
Il continue à lire Malachie, parce que Malachie parle aussi de l'avenir, comment un changement va venir. Il parle de :
· l'espérance en Quelqu'un qui vient, d'un espoir possible dans une voix à-venir.
· l'espérance en quelqu'un qui a quelque chose à nous dire de bon, de sain, de vivifiant, pour nous.
· et enfin l'espérance d'un Dieu qui devient présent au milieu nous, quand bien même l'avenir paraît tout assombri.
Pour Zacharie, c'est comme une illumination intérieure. C'est le grand changement, l'espérance, ce n’est pas seulement pour les autres, à l'extérieur, mais aussi pour lui. Avec la présence de cet enfant, il ne peut plus voir les choses de la même manière. Son mutisme, ce n'est pas là l'essentiel. Il réalise qu'il y a vraiment un changement en cours, un changement en lui et pour lui. L'à-venir n'est pas celui qu'il avait pensé. Il peut faire vraiment confiance à Dieu. Il en est illuminé, il retrouve l'espoir et du même coup il retrouve sa voix, qu’il avait perdue.
Et pour nous, aujourd'hui… quel avenir ? En ce temps de l'Avent, nous sommes invités à réentendre l'itinéraire de Zacharie.
Car nous aussi, nous sommes parfois muets, sans parole, devant ce qui arrive, impuissants et même révoltés. En disant par exemple : «C'est trop injuste que cette personne, qui se donne entièrement à Dieu soit au chômage, que cette mère de famille s'attende à mourir du cancer, que cet homme de bien ne trouve qu'incompréhension et refus autour de lui…»
Dans ces cas-là, comme Zacharie, nous devons aussi arrêter de voir les choses de l'extérieur pour entrer dans notre intérieur. Notre avenir, c'est de faire l'expérience de l'amour infini de Dieu, malgré les apparences contraires, la possibilité du pardon, malgré la violence, de la confiance possible en Dieu malgré la peur du futur.
Dans ce parcours, nous risquons trouver une première difficulté : la difficulté de ne plus donner crédit à la peur - c'est tellement instinctif, quand les choses vont mal - ne plus avoir peur du futur ni de Dieu. Nous sommes invités à sortir de nos schémas, à savoir que comme les prévisions météorologiques, nous pouvons nous tromper. Nous pouvons sortir de notre manière d'interpréter les événements à notre manière, et nous ouvrir à ce qui se passe, comme la naissance d'un enfant…
Et puis une deuxième difficulté, celle de trouver le sens, la sagesse dans ce qui se passe. Nous risquons, comme Zacharie, d’avoir de la peine à croire, au vu de ce qui se passe, que Dieu n'est pas contre nous, mais avec nous. Nos handicaps ne sont pas là pour nous punir, mais pour un devenir encore à découvrir.
Et nous risquons de rencontrer bien d'autres difficultés, de lâcher prise, de devoir mettre en veilleuse ou d'abandonner nos projets, nos envies… d'attendre des mois et de nous ouvrir à ce qui nous arrive.
Mais la direction de tout ce cheminement, c'est un apprentissage à faire confiance à l'avenir, à mon avenir qui commence déjà aujourd'hui. Tant il est vrai qu'en faisant confiance, maintenant, je suis déjà en train de changer quelque chose de mon futur, de changer ma manière de vivre le présent comme l'avenir. En changeant mon regard intérieur, je change déjà quelque chose à l'extérieur. Comme Zacharie, je suis sur le chemin de retrouver ma voix.
Aujourd'hui, je suis simplement invité à me réjouir de ce qui vient pour moi, me réjouir de ce que Dieu m'ait donné quelqu'un, dont le témoignage m'invite à espérer et à croire en disant : «Seigneur, comme Zacharie, je ne sais pas pourquoi cela m'arrive, quel est mon à-venir. Mais je continue à avoir confiance que quelque chose d'important est en train de se passer et que tu me donneras les ressources nécessaires en route. O mon Dieu, aide-moi dans ma peur et mon incrédulité ! Seigneur, je te fais confiance et je crois en toi.»

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Sean Bourquin
Musique
avec Marion Rolland (alto)