Garder joyeusement la Parole de Dieu

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Nous sommes ici sur une hauteur qui a longtemps servi comme signal pour les hommes. En effet, nous surplombons tout le lac Léman, au loin la Vallée du Rhône et vers l’est toute la côte presque jusqu’à Genève. De cet endroit, on pouvait recevoir des signes lumineux et on pouvait les transmettre. On pouvait avertir les populations de ce qui arrivait depuis la Vallée du Rhône. On pouvait à l’avance dire, voici ce qui vient, et selon qu’il s’agissait d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle, les habitants de ce pays pouvaient se préparer.
Cette image du signal, du signe lumineux et clair qui était compris, reçu et transmis, est une bonne image, une image utile pour comprendre comment la parole et le témoignage de Dieu ont été transmis d’une génération à l’autre et à travers le temps. Et de la même manière que pour être bien reçu et bien transmis, il fallait que le signal qui partait de cette tour de Gourze soit clair et compréhensible, qu’on sache de quoi il s’agissait, de la même manière il fallait que le signal du témoignage de la parole de Dieu soit clairement annoncé, clairement transmis de façon à ce que chaque génération sache ce que les chrétiens croient, ce que nous croyons, ce que nous pouvons recevoir de Dieu : la merveilleuse promesse de Dieu qui est dans l’Évangile de Jean : Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné Son fils unique afin que toute personne qui croit en Lui, au lieu et en place de la mort, reçoive la vie éternelle.
Et la bienheureuse espérance : l’espérance de la résurrection des morts. Comme nous l’avons entendu par l’apôtre Paul, "Je vous ai transmis ce que j’ai moi-même reçu" : Jésus-Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures et il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.
Comme la mort de Jésus est le gage de notre pardon éternel, sa vie est le gage de notre vie éternelle avec Dieu.

Ainsi, ce message devait être clairement annoncé, mais de même que j’imagine du haut de cette tour, quelquefois le signal a manqué, soit que les gens qui devaient le recevoir et qui devaient le transmettre n’étaient tout simplement pas là, qu’ils avaient manqué à leur devoir, soit qu’ils n’ont pas bien compris ce qu’on leur signalait et n’étaient pas capables de le transmettre plus loin. Par négligence, par paresse, par manque de responsabilité, il a manqué un signal clair et sûr du haut de cette Tour.
De la même manière, la parole de Dieu et son témoignage n’ont pas toujours été transmis avec clarté, avec force. Quelquefois, le signal n’a tout simplement pas existé par manque de personnes, par manque de répondre présent à l’appel de l’Évangile. Ainsi les générations qui ont suivi n’ont pas pu entendre, n’ont pas reçu le message clair de la bienheureuse promesse de Dieu à toute personne. La transmission a fait défaut.

Nous avons vu dimanche passé comment, lors de ce siècle de la Réforme au XVIe siècle, des hommes se sont levés pour annoncer à nouveau clairement la parole de Dieu, pour transmettre le message du salut gratuit à tous les hommes et les femmes de leur génération. Et ils l’ont fait souvent au péril de leur vie, car ils l’ont fait la plupart du temps contre la permission des autorités civiles et religieuses de leur temps. Mais ils avaient reçu une liberté et une lumière si fortes qu’ils ne pouvaient pas ne pas la transmettre à leur tour. Ils étaient comme contraints par Dieu lui-même à transmettre ce qu’ils avaient reçu. Ils ont transmis la parole vivante de Dieu, le don de Jésus-Christ qui est suffisant pour la grâce et le salut de tous. Un seul sacrifice suffit pour le pardon et le salut de tous les êtres humains, et la foi, la confiance en Dieu est la seule condition pour recevoir le don gratuit de la vie éternelle. C’était une révolution, c’était un bouleversement complet de tout ce qu’on avait cru et reçu pendant plusieurs générations. Et pour bien marquer cette nouvelle lumière, ils ont signé ce témoignage dans une Confession de foi, qui a été pendant trois siècles la Confession de Foi de toutes les églises réformées de Suisse et de nombreux pays et qui commence ainsi : "Nous croyons et nous confessons que les écritures des prophètes et des apôtres du Vieux et du Nouveau Testament sont la vraie parole de Dieu et qu’elles ont suffisante autorité d’elles-mêmes et non pas des hommes. Car Dieu a parlé lui-même aux Pères, aux prophètes et aux apôtres et il nous parle encore aujourd’hui à travers les écritures."

Cette Confession de Foi s’appelle la Confession de Foi helvétique postérieure, elle a été écrite à Zürich en 1566 et elle a duré jusqu’en 1845. Elle disait clairement à tous que toutes choses dans l’Église et dans le monde, sont subordonnées à la Parole de Dieu. Et aucune autre autorité, qu’elle soit civile ou religieuse, aucune autre volonté ne peut prendre la place de la parole du Dieu souverain transmise dans les Écritures. Rien ne peut se substituer à elle. Aucun intermédiaire, aucune autorité n’a le droit de se mettre entre moi, entre vous et la parole de Dieu, entre moi ou vous et le salut gratuit donné à chacun par Jésus-Christ, mort et ressuscité. Aucune autre parole ne doit se substituer à celle-ci.

Ce signal, cette transmission claire et lumineuse s’est propagée et elle a transformé des dizaines de milliers des personnes à travers toute l’Europe. Elle a changé le visage de toutes ces communautés, elle a apporté une liberté et un renouveau à tant et tant d’hommes et de femmes, une espérance et une liberté nouvelles. Chaque personne, chaque individu acquiert une valeur immense, infinie aux yeux de Dieu parce que c’est pour chaque personne, pour chaque individu que le fils de Dieu lui-même donne sa vie. Et ainsi, c’est chaque être humain qui prend cette immense valeur, car c’est pour lui et pour lui seul, pour chacun, l’un après l’autre, que Dieu donne ce qu’il a de plus précieux, son fils unique. Et cette valeur de la dignité de chaque personne, la valeur de la foi et de la liberté de chacun s’est transmise de génération en génération et nous en ressentons encore les effets aujourd’hui.
Comme je l’ai dit, c’était une révolution et ce renouveau de la foi a créé des milliers de nouvelles églises à travers toute l’Europe, à travers la persécution, à travers les guerres, à travers le bannissement. Ces hommes et ces femmes avaient trouvé un trésor et ils n’allaient pas le laisser.
Or, au bout de 3 ou de 4 générations, voilà que mystérieusement les églises – et aussi les églises protestantes, qu’elles soient calvinistes, luthériennes ou autres – se sont durcies, sont devenues raides. Il s’installe une espèce de léthargie, une espèce d’habitude qui fait que le signal de la parole de Dieu n’est plus clairement transmis, qui fait que la génération suivante n’a plus une idée claire de la foi. Elle n’est plus l’enthousiasme, elle n’est plus l’héritage commun à chacun et à chacune.
Cette léthargie, ce durcissement vient aussi du fait que seulement certains sont autorisés à annoncer la Parole de Dieu. Une hiérarchie et une soif du pouvoir s’installent aussi dans l’église.

Et voici qu’à nouveau, des hommes et des femmes se lèvent et annoncent à nouveau la parole de Dieu. C’est par exemple, en Allemagne au XVIIIe siècle, un comte qui s’appelait Zizendorf et qui s’est mis à annoncer le pardon de Dieu, la bonne nouvelle de Jésus-Christ et qui a rassemblé autour de lui des communautés, qu’on a appelées bientôt les Frère Moraves. Et ceux-ci se sont installés en Suisse et en Angleterre, et voilà que ces hommes et ces femmes ont influencé un jeune pasteur anglican, du nom de John Wesley. Cet homme, quand il a reçu pleinement, quand il a été transformé par le pardon et la vie de Jésus-Christ vivant en lui, il s’est mis à tellement prêcher qu’il a été chassé de son église. Et le voilà au Pays de Galles, à la fin du XVIIIe siècle, prêchant la parole de Dieu à des dizaines de milliers de mineurs et d’ouvriers qui travaillaient comme des bêtes dans les mines. Et voilà que la parole de Dieu se transmet et que le réveil de milliers de personnes commence et qu’ils vont fonder des milliers de chapelles et ce sera le début du Méthodisme. Et le Méthodisme va se répandre en France et en Suisse et il va de nouveau changer le visage des églises à ce moment-là.
Et voici une femme maintenant qu’on a appelée la Maréchale, Catherine Booth, qui arrive d’Angleterre et qui se met à prêcher le pardon gratuit, la vie éternelle et l’amour de Dieu à des ouvriers dans le nord de la France, et malgré l’hostilité des églises installées, catholiques et protestantes, elle continuera. Elle ira dans les cafés, dans les réunions, dans les maisons, dans les usines et voilà que l’Armée du Salut va à nouveau changer une partie de la société. Et l’Armée du Salut viendra en France, elle viendra en Suisse, elle va influencer des milliers d’hommes et de femmes. Elle va apporter cette flamme et cette liberté que tant et tant d’hommes espéraient sans la connaître encore.
Enfin, dans le Canton de Vaud et à Genève et dans le Jura bernois au début du XIXe siècle, c’est le Réveil. Il se propage d’abord à Genève. Des étudiants en théologie qui n’avaient jamais entendu la bonne nouvelle de Jésus-Christ, car leurs professeurs ne la connaissaient plus ou n’y croyaient plus. Ces étudiants qui s’appelaient Merle d’Aubigné, Empeytaz, Ami Bost sont devenus pasteurs et ont prêché l’Évangile et certains d’entre eux se sont fait chasser de leurs églises et ils en ont fondé de nouvelles. Ils sont venus et ont influencé des pasteurs vaudois. Et ces pasteurs vaudois se sont mis à annoncer l’Évangile aussi.
Et le Réveil s’est propagé dans toute la Suisse romande. Il a créé des remous, il a créé des exclusions et des rejets, mais il a surtout amené la lumière et la flamme de l’amour de Dieu à nouveau à des milliers d’hommes et de femmes. Et ainsi, comme la torche qui apporte la lumière, ces hommes et ces femmes ont apporté le témoignage de Dieu.
Par négligence, par manque de foi ou soif de pouvoir, les responsables des églises, protestantes surtout, n’avaient plus transmis le clair signal, la lumière de la parole de Dieu qui est donnée à chaque personne gratuitement par Jésus-Christ. La place de la Parole de Dieu était occupée par autre chose, l’éloquence humaine, le rite obligatoire, la recherche d’influence sociale.
Et c’est dans ces moments-là, dans ces moments où la foi renaît et où l’église devient à nouveau servante de la parole de Dieu, qu’elle est la plus puissante. Je vous en donne 2 exemples : c’est la fin du travail obligatoire des enfants. Les enfants, à ce moment-là, dans les grands pays industrialisés, partaient travailler dans les usines à l’âge de 10 ans. Souvent, à l’âge de 15 ans ils étaient malades et à 20 ans c’était des vieillards. Eh bien, des hommes chrétiens réveillés ont obligé les gouvernements à légiférer contre le travail des enfants. C’était au début du XIXe siècle en Angleterre.
Et puis en Amérique, c’était la traite des noirs, l’esclavage. Et ces hommes et ces femmes à cause du message de l’Évangile ont empêché que l’esclavage continue et ça a été la libération de centaines de milliers d’esclaves qui ont découvert l’amour de Dieu pour eux et qui nous ont légué ces chants extraordinaires (nous allons en chanter un tout à l’heure) les Gospel songs. Et nous voyons l’influence extraordinaire du message de l’Évangile et comment l’Église, quand elle s’est faite servante de la parole de Dieu, a été véritablement puissante.

J’arrive maintenant au temps présent. Aujourd’hui, est-ce que nos églises sont comme cette torche qui brille au loin et que quand les hommes de notre temps la regarde, ils voient clairement l’amour de Dieu, le pardon des péchés, la promesse de la vie éternelle ? Je suis au regret de dire que non, ils ne les voient pas - en tous cas pas facilement. Il ne suffit pas seulement d’entrer dans nos temples, mais en regardant nos statistiques nous voyons que notre église, avec bien d’autres, connaissent un déclin.
Que faire ? C’est le moment pour nous d’entendre la Parole de vie et la promesse de Dieu : celui qui garde ma parole, dit le Seigneur Jésus, je viendrai à lui et je lui donnerai l’esprit de vérité, l’esprit de Dieu que le monde ne voit pas mais que nous pouvons recevoir. Il vient en nous, il ne nous laisse pas orphelins. Et quand nous recevons cette promesse, nous sommes amenés à partager notre foi avec d’autres et la vie de l’église renaît alors.

Pourquoi faut-il tant de luttes, tant d’efforts et de peine pour garder la Parole de Dieu ? De même qu’un soldat s’endort pendant sa garde, désobéit ou se rebelle contre son supérieur, de même l’Église peut s’endormir, se rebeller contre son Seigneur. Au lieu de le servir, elle peut être tentée de se diriger elle-même plutôt que de suivre la volonté de Dieu. L'Église est alors appelée à se repentir.
Cet appel au repentir court à travers toute la Bible. C’est le message des prophètes au peuple : Reviens ! dit ton Dieu. C’est le message de Jésus : le règne de Dieu est proche : repentez vous et croyez à la Bonne nouvelle.
Reconnaître qu’on a été infidèle et avouer sa faute sans détour est l’une des choses les plus difficiles qui soit. Mais à ce retour vers Dieu est liée une promesse : la venue du Consolateur, l’esprit de vérité, qui rend l’Église vivante et rayonnante.

Et lorsque la foi en Dieu nous réveille, elle nous appelle aussi à aller nous réconcilier avec les frères et les sœurs des autres églises. Car toute cette histoire a eu aussi son revers de rejets, de jugements et d’exclusions. Tant et tant d’hommes et de femmes, pour avoir été renouvelés et libérés par leur foi, ont subi aussi le rejet et le jugement, quelquefois la moquerie, quelquefois l’exclusion. Dans le canton de Vaud, en 1825, si vous alliez à une réunion de prières en semaine, vous risquiez la prison. Ce n’est plus le cas aujourd’hui !
Mais par contre, de génération en génération, il y a cette amertume, ce durcissement qui s’est transmis, et je pense particulièrement chez nous aux membres des églises évangéliques et aux membres des paroisses protestantes. Nous avons fait de grands pas les uns vers les autres, mais on sent toujours ce reste où les uns se sentent rejetés et les autres se sentent jugés, et cette espèce de méfiance qui règne encore entre nous.
L’Évangile nous dit, avant d’aller offrir ton culte à Dieu, si tu te souviens que ton frère ou ta soeur a quelque chose contre toi – ou que tu as quelque chose contre lui – va d’abord te réconcilier avec lui. Et quand tu seras réconcilié avec ton frère, viens donner ton culte à Dieu.
Et c’est à cela, chers amis, chers auditeurs, que j’aimerais vous appeler aujourd’hui, à réentendre le message clair de l’amour de Dieu pour chaque personne, du pardon de nos fautes quelles qu’elles soient, de la venue de l’Esprit de Dieu gratuitement pour toute personne qui croit et de l’invitation pressante que Dieu nous fait de nous réconcilier les uns avec les autres. Quand nous serons en train de faire cela, la vie de nos églises et de nos paroisses renaîtra, le signal clair et lumineux brillera à nouveau.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
(sans)
Musique
Union instrumentale de Forel, dir. François Hofmann