Au comble de la liberté

Temple de Monthey

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Le comble de la liberté !

« Je vis, mais ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi. » Dans la liturgie du début de ce culte, j’ai évoqué les détenus qui, privés de liberté de mouvements, perdent beaucoup, dans tous les domaines de leur existence, y compris dans leur identité et leur dignité. Dépossédés d’eux-mêmes, est-ce qu’ils expérimentent pour autant ce que signifie « ce n’est plus moi qui vis. » ? Sans devoir passer par la prison, je crois que les événements traversés dans nos vies nous permettent une prise de conscience par rapport à ce verset. Sans subir l’enfermement, certaines épreuves nous placent face à nous-même et nous permettent de mesurer ce qui peut mourir en nous. Ce sont toutes ces parts de soi qui ne sont pas nécessaires pour l’éternité, qui ne sont pas utiles pour la venue du Royaume de Dieu, ce dont on se réjouit d’être libéré un jour. Il peut s’agir de traits de caractère, d’habitudes, d’incapacités ou de manquements ; des agacements, des jalousies, ou le fait de douter de soi trop souvent. Partageant la même condition humaine, il y a des choses en nous qui vont devoir mourir.

Que signifie alors le fait que Christ vit en moi ? Jésus dit : « connaître la vérité fera de vous des femmes, des hommes libres. » Chaque jour, le Christ, le Vivant m’offre sa présence et sa lumière révèle qui je suis, éclaire mes zones d’ombres, celles que je cache, dont je ne suis pas très fière. Ces espaces en moi où je finis par être enfermée, emprisonnée.

Cette rencontre avec moi-même, par la présence de Dieu, révèle aussi toutes mes capacités, toutes mes qualités, tout ce que Dieu a placé en moi comme trésor infini.

Lorsque je vais en prison, je suis émerveillée. Derrière la porte, derrière les barreaux, les grilles, il y a des hommes, quelques femmes, qui sont prêts à se laisser accueillir, à se laisser rencontrer. Ils vont oser se dire, ils vont se laisser écouter. Au moment d'entrer, je demande au Christ d'être avec moi et je sens sa présence à mes côtés. Je sais aussi qu'il m'attend au parloir, qu'il est déjà là. Je me prépare à une rencontre qui soit fraternelle, que je puisse connaître, reconnaître cet homme comme mon frère, qu'il puisse me reconnaître comme sa sœur, et qu'ensemble on puisse se laisser bousculer, se laisser interroger, comme si lui et moi, nous pouvions ensemble révéler un visage de Dieu. Au parloir, le visage de Dieu se révèle souvent dans la détresse, dans la souffrance et la nudité de nos deux vérités. L’atrocité des actes commis est révélée, comme celle de tout ce qui a été subi. Et en même temps, mystérieusement, de manière simultanée, se dévoile la dignité inaltérable de l’être humain comme enfant de Dieu. Ces rencontres sont la promesse d’un chemin qui libère. Plus d'une fois, je me trouve moi-même bouleversée intérieurement, transformée, renouvelée. Parce que seule une liberté peut s'engager dans une relation ajustée à la vraie vie.

Qu'est ce qui se joue dans ces moments-là ? Le Christ, le Vivant se donne, se révèle dans la rencontre, lui qui se donne à connaître, à reconnaître chaque jour à nouveau, en chacun, chacune de nous. Ce n'est pas seulement en prison, c'est ici et maintenant. C'est à chaque fois que se vit une rencontre en vérité.

Et si Dieu, dans son plan d'amour, en nous offrant la liberté d'être ses enfants, nous donnait la capacité de nous laisser déplacer, surprendre, bousculer, dépayser, pour pouvoir vivre de cette vie même de Dieu ? Et si, comble de la liberté, Dieu lui-même était comme cela ? Dieu ne serait-il pas prêt, à chaque instant, ici et maintenant, à se laisser surprendre, à s'émerveiller que chacun, chacune de nous, à la suite du Christ et par la force de l'Esprit, dans sa créativité et sa singularité, révèle son visage En nous créant, Dieu a tenté l'aventure de l'altérité. Sans plan préconçu, sans une maîtrise absolue sur nos vies, il avait, il a et il aura confiance que son visage et sa vie même va, de manière exponentielle, infinie et éternelle, être dévoilés encore et toujours par chacune de nos existences. 

Il s’agit bien de la vraie vie, la vie vivante et vivifiante, qui est comme une éternelle naissance. En préparant ce culte avec Océane, lors du camp de marche des jeunes de l’EREV, nous avons choisi les thèmes de ces deux cultes depuis la paroisse de Monthey en lien avec des citations de Christian de Chergé qui accompagnaient chacune de nos journées. Voici celle qui a nourri ma réflexion sur la liberté :

« Ce à quoi Jésus nous invite, c’est à naître. Notre identité d’homme va de naissance en naissance, de commencement en commencement […] Et de naissance en naissance, nous arriverons bien, nous-mêmes, à mettre au monde l’enfant de Dieu que nous sommes ; car l’incarnation, pour nous, c’est de laisser la réalité filiale de Jésus s’incarner dans notre humanité, dans mon humanité à moi. » (L’invincible espérance, p. 297-298)

Cette vie du Christ qui vient demeurer en nous, qui nous emplit, ce n'est ni de la matière ni un contenu ; ce n'est pas une morale, ni des règles ou des listes de choses à faire. Ce n'est pas une pratique, ni des dogmes ou des raisonnements. Cette vie du Christ, c'est une capacité, comme la contenance d’un récipient vide. Être capable, c'est être en creux, se reconnaître pauvre de cœur et désirer plus que tout au monde vivre la rencontre. Et pour cela, nous avons un modèle, Jésus, lui qui marchait sur les routes et allait à la rencontre.

Ce matin, ces prochains jours, nous pouvons mettre nos pas dans les siens. Une vie humaine est certainement nécessaire pour arriver à la liberté intérieure, cette liberté qui n'a plus rien à perdre, rien à défendre, rien à revendiquer ; cette liberté qui n'est que désir, soif de la vraie vie, soif de l'autre, soif d'être encore une fois et éternellement appelé ailleurs vers ce qui est neuf. Je crois en effet que Dieu est comme cela.

Le Christ a besoin de toi parce que tu es unique. Tu es son enfant. Il t'a créé tel que tu es et il désire vivre en toi et par toi, chaque jour, à chaque instant, dans une radicale nouveauté ; parce que le comble de son amour, c'est sa liberté et que sa liberté n'a pas de limite, n'a pas de fin.

Amen.

 

Et à la fin de cette prédication, je vous laisse avec une question : Qu'est-ce que je ressens au moment où je prends conscience que Christ est vivant aujourd'hui grâce à moi ?

De l’esclavage à la liberté, cela évoque une histoire fondamentale du peuple de Dieu. Qu’en est-il aujourd’hui de notre rapport à la liberté ? Comment articuler autonomie et dépendance, libre arbitre et déterminisme ? En quoi Jésus a-t-il renversé nos attentes pour nous appeler à vivre ici et maintenant au comble de la liberté ?

Détails

Avec la participation de
Robert Burri pour les lectures
Orgue
Musique
Happiness Gospel, sous la direction de Constant Mpaka