Etre le sel et la lumière du monde

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Jésus rassemble autour de lui une grande foule, et d’après Matthieu, prononce son premier discours. Qui est Jésus pour ces gens ? La plupart doivent en avoir une très vague idée puisqu’il vient de commencer son ministère. Jésus est tout au plus précédé d’une rumeur, une rumeur assez séduisante, apparemment, si on tient compte du nombre de personnes. D’habitude, lorsqu’un orateur prend la parole, il se présente, il explique les raisons de son propos.
Jésus commence par quelques béatitudes qui doivent en étonner plus d’un et enchaîne subitement en disant à ces gens qui ils sont de son point de vue. Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde. Il place d’entrée ces gens qui sont venus le voir et l’entendre avec toutes sortes d’intentions et d’attentes, au cœur du monde, comme les éléments essentiels de la vie : le sel et la lumière ! Ce n’est pourtant ni une promotion, ni une élection, ni une élévation, mais une révélation ! Jésus n’exhorte pas ces gens à être sel ou lumière, il affirme qu’ils le sont !
A aucun moment il ne dit que le sel pourrait ne plus en être, mais que par contre, affadi, il pourrait être piétiné, bêtement. A aucun moment il ne dit que la lumière pourrait s’éteindre, mais que, par contre, elle pourrait être cachée, bêtement. Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. C’est ainsi que Jésus au début de son ministère invite ses contemporains à se considérer, à se découvrir. C’est étonnant !
On pourrait s’attendre à ce que Jésus exhorte les hommes à devenir sel et lumière et qu’il leur annonce qu’ils pourraient y parvenir au terme d’une initiation dans laquelle il les inviterait. Non. Il les considère comme tels, du fait qu’ils l’écoutent, eux : les pauvres de cœur, les doux, les tristes, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, ceux qui font œuvre de paix, ceux qui sont persécutés, ceux qu’il vient d’accueillir en les disant bienheureux.

Jésus prêche sur la montagne. Il voit devant lui une grande foule dont il constate la situation globale : des gens persécutés, probablement en raison même du fait qu’ils suivent Jésus, des gens qui pleurent, des pauvres qui attendent les effets d’une justice qui les rétablirait dans leur dignité. Mais il voit également des cœurs purs, des doux, des miséricordieux, des ouvriers de paix. Et c’est alors qu’il les dit sel et lumière du monde.
Ces gens pourraient être en révolte, en colère, attendre de Jésus qu’il soit pour eux un chef charismatique qui les conduise sur des chemins de revendication et de libération. Certains le feront, il est vrai, mais plus tard. Jésus est touché par ces gens ordinaires dont l’environnement social est hostile, mais qui ont en eux une dignité lumineuse et salée ! Idéalisation de ma part ? Sûrement ! Mais tout de même, c’est avec ce regard que Jésus commence son ministère. D’après Matthieu, c’est même sa première prédication.
A ces petits, il dit le rôle essentiel du sel et de la lumière. Il les invite, non à se cacher sous un meuble, sous le meuble de la modestie, de la timidité ou de la honte, mais à prendre une place telle que toute la maison soit éclairée par eux !
Ces petits qui n’ont que quelques qualités de cœur, fondamentales, certes, mais si peu influentes. Ils sont doux, purs, avides de justice et de paix, miséricordieux et Jésus leur demande de monter le plus haut possible pour éclairer toute la maison. Le monde entier ! Il leur demande non de se faire modeste en se contentant de leur sort et de leur condition, mais à éclairer le monde du seul fait de leurs qualités de cœur. Il ne leur propose pas de créer un monde nouveau, en chamboulant tout, en revendiquant ou en faisant une révolution, même pacifique non ! il leur demande d’éclairer le monde.
Ni plus, ni moins. En leur disant qu’ils sont la lumière. Lumière afin que l'espérance fasse ses premiers pas. Lumière afin que la foi fasse reculer l'obscurité. Aujourd’hui, qui est sel de la terre ? Qui est lumière du monde ? Ce qu’éclairent et ce qu’épicent les médias ? Ce que mettent en évidence et rendent clinquantes les tendances et les faiseurs de mode ? Ceux qui trônent sur leur piédestal et prétendent éclairer l’humanité de leur intelligence, de leur art et de leur compétences ? Ceux qui prétendent colorer la vie fade et insipide de quotidienneté par la nouveauté ? Par le vécu et l’authentique ? Peut-être, parfois, pourquoi pas ?

De son côté, Jésus reconnaît comme lumière du monde ceux qui espèrent, ceux qui ont une attente, ceux qui révèlent un Père qui agit aujourd’hui et maintenant et qui fait que ce monde est en chemin. Lorsque Jésus dit de ces gens qu’ils sont heureux, ce n’est pas par dérision ou par une habile manœuvre du discours. Mais bien parce qu’il les reconnaît en route. Leurs dispositions personnelles ajoutées à leur condition font qu’ils sont en marche, par leurs désirs, par leurs entreprises, par leurs attentes, par leurs prières. Ils sont en marche et c’est en cela qu’ils sont sel et lumière de la terre et du monde.
Une humanité parvenue, installée, immobile et satisfaite serait sans saveur et sans lumière. Parce que ses béatitudes seraient, par exemple :
Heureux sommes-nous, parce que les pauvres nous permettent d’être riches et sans esprit.
Heureux sommes-nous, parce que ceux qui pleurent ne nous empêchent pas de rire.
Heureux sommes-nous parce que ceux qui sont persécutés ne nous empêchent pas d’être libres.
Ce monde-là est alors condamné au régime sans sel et sa lumière n’est guère plus vive que celle d’un réverbère. Jésus dit des ces petits qu’ils sont sel et lumière du monde, parce que qu’ils sont en marche. Ils font de ce monde un monde vivant qui espère la rencontre ultime avec le royaume de Dieu.

Aujourd’hui, c’est nous qui sommes le sel et la lumière du monde. Nous, les chrétiens, nous les croyants. Parce que nous sommes en marche. La lumière dont a besoin ce monde aujourd’hui c’est de croire encore qu’il est en marche. On a de cesse de dire qu’il n’y a pas d’avenir, que tout est fini, réchauffement planétaire et fin du monde à la clé.
Être lumière du monde aujourd’hui, c’est croire en demain, faire confiance en Dieu qui nous accompagne à surmonter les difficultés de la vie pour parvenir ensemble dans son Royaume. Et nous faire confiance, par dessus tout ! Ce monde est aujourd’hui insipide à force d’immobilisme, à force de vision à court terme, à force de se planter dans le présent par peur de demain.
Ce monde manque de lumières, à force d’abat-jour et de rabat joie, par peur d’éclairer l’horizon. Le Christ nous invite à faire briller notre lumière aux yeux des hommes, pour qu’en voyant nos actions bonnes, ils rendent gloire à Dieu, notre Père. C’est Jésus qui le dit !
Nos paroisses sont sel et lumière, non pas parce qu’elles rassemblent les foules ou convainquent des vertus chrétiennes, mais parce qu’elles osent marcher, elles osent mettre en marche, parce qu’elles ont un horizon à montrer. Parce qu’elles peuvent donner le goût de la marche à une société qui n’ose parfois plus faire un pas en avant.
Nous sommes parfois honteux et frileux de nos Églises peu engagées, peu efficaces, peu influentes. Pourtant, nous sommes lumières, invités à prendre une position haute pour éclairer. Montrer qu’il y a du sens, mettre celui-ci en valeur. Jésus ne nous demande pas d’être timides et discrets ! Bien au contraire ! Il nous dit que notre place est en hauteur pour que la lumière brille et éclaire ceux qui sont dans la maison, dans le monde.
On a de cesse de constater que notre société n’a plus de valeurs et de références. Je crois qu’en fait il y en a tellement, qu’il est bien difficile de faire un choix. Notre rôle consiste à mettre en lumière ces valeurs. Plusieurs méritent d’être éclairées pour être écartées, éliminées, d’autres pour être mise en avant.
Pour être en marche, l’humanité a besoin de repères, sans quoi elle prend le risque de tourner en rond, de revenir en arrière, de se perdre ! Lorsque Jésus nous dit que nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde, ce n’est guère pour nous flatter, ni pour nous offrir les premiers rôles. C’est pour nous confier la succession de son ministère.
Jésus dit de lui-même : je suis la lumière du monde. Et chacun de nous de prendre conscience que nous sommes lumière de telle sorte que celle du Christ ne s’éteigne jamais et qu’éclairée cette vie ne soit pas un lieu dans lequel on se perd et s’égare, mais un monde dans lequel on grandit à soi-même, on s’accomplit, on libère en soi la femme, l’homme qui sont aimés de Dieu et qui sont libres de toutes les fraternités.

Et le sel, me direz-vous ? Qu’a voulu dire Jésus en affirmant que nous sommes le sel de la terre ? Jésus a dit de lui-même : je suis le chemin. Le sel est un puissant désherbant qu’on répandait sur les chemins dallés, sur les sentiers. Notre rôle est encore d’entretenir le chemin, pas seulement de l’éclairer, ce chemin que le Christ a tracé et qui conduit à la vie. Nous sommes invités à l’entretenir. Afin que ce tracé d’amour ne s’efface jamais, afin que l’homme ne perde jamais accès à la Vie, afin qu’il puisse toujours être en marche.
Puisque nous sommes sel, à nous d’entretenir le chemin. Puisque nous sommes lumière, à nous de le mettre en lumière ! Nous sommes sel de la terre et lumière du monde. C’est le Christ qui le dit.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Serge Pythoud
Musique