
Écouter le culte :
J’avais 30 ans lorsque le roi est devenu fou. Nous avons vu arriver la troupe, le capitaine en tête qui a affiché une déclaration. Il nous a regardés, lentement, puis s’est éloigné avec la troupe. La déclaration signée du roi nous demandait de changer, de ne plus être comme avant. Il nous enlevait l’aubergiste et pour les impôts et la construction des chemins, c’était à nous de voir. Le capitaine ne s’en occuperait plus. Nous avons lu et relu l’édit. Mais pourquoi donc le roi nous laissait-il seuls ?
Les habitants se sont regardés sans dire un mot. Antoine, le plus intelligent a dit : « Le roi est devenu fou. » Pendant des mois nous avons vécu comme des orphelins, éparpillés, sans force et tristes. Jusqu’au jour où Antoine nous a réuni et dit qu’il n’y avait pas de raison de supprimer l’auberge. Il nous a demandé d’aller tous chercher du vin et de remplir les tonneaux pour montrer que nous étions des humains.
Sur le coup de midi, nous étions tous là dans l’auberge, hommes, femmes, enfants. Avec le vin nous avions apporté du pain et du fromage. Nous avons mangé et bu tous ensemble. Les enfants se sont mis à jouer. Oubliant un peu notre malheur, nous avons commencé à chanter et à rire.
Mais pourquoi donc le roi nous avait-il laissé seuls ?
Le soir, plus calme, nous avons bavardé, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. C’est alors que Lucie a demandé le silence pour dire que cela ne pouvait pas continuer ainsi, que les femmes exigeaient qu’on leur construise un lavoir.
Antoine lui a dit d’y aller doucement mais a reconnu que c’était un vrai besoin et ajouté que les deux frères du moulin pourraient s’en occuper. Ils ont demandé quatre hommes pour les aider dans ce travail. Victor a remarqué qu’il faudrait aussi s’occuper du chemin en très mauvais état. Des équipes ont été organisées.
Mais pourquoi donc le roi nous avait-il laissé seuls ?
Dans la nuit, Armand le fou a lui aussi pris la parole pour proposer un jardin devant chaque maison. Nous avons ri. A la fin de cette nuit étrange, rien n’avait changé mais tout était différent. Nous n’étions plus les mêmes.
Quand le roi reviendra, l’auberge sera-t-elle ouverte, trouvera-t-il un chemin et des fleurs devant les maisons ?
Cette fable d’un auteur inconnu évoque pour moi ce que les proches de Jésus ont dû vivre lors de son ascension.
Leur maître part, lui qui a enseigné, lui qui a guéri des malades et fait venir le Royaume des cieux au milieu d’eux. C’est lui aussi qui a souffert et donné sa vie. C’est lui qui a vaincu la mort et le mal. C’est donc tout naturellement que ceux qui l’ont suivi jusque là ont les yeux rivés sur le ciel dans lequel Jésus vient de disparaître.
« Que faites-vous ? », leur demandent deux hommes en blanc. « Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? » J’imagine leur réponse : « Eh bin…, on attend qu’il revienne ! On attend que notre maître poursuive ce qu’il a commencé. »
Les apôtres se voient encore dans un rôle de spectateur ; des spectateurs privilégiés qui ont été aux premières places et qui se réjouissent de continuer à regarder, d’admirer Jésus dans ses œuvres, d’applaudir leur champion.
Il se trouve que Jésus, lui, a d’autres projets pour eux. Il vient de le leur dire : « Vous serez mes témoins ici à Jérusalem et jusqu’aux extrémités de la terre ! »
Manifestement, les disciples ont de la peine à capter. La question qu’ils posent à Jésus juste avant que celui-ci ne parte montre le changement profond qu’ils ont à vivre : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir le Royaume d’Israël ? » Dans leur esprit, c’est toujours à Jésus d’agir.
Les Actes, c’est le tome deux de l’œuvre de Luc, l’évangile étant le tome un. Dans l’évangile, on découvre comment Jésus a emmené Pierre et les autres à sa suite. Ils l’ont suivi, ils ont été ses disciples : ses mathetes en grec, ses élèves, ceux qui se sont laissé enseigner par lui. Mathetes, élèves, suiveurs : c’est comme cela que Luc les appelle la plupart du temps dans son évangile. Avec l’ascension de Jésus, leur rôle doit changer. Et pour que leur rôle change, il faut que Jésus s’en aille, qu’il leur libère l’espace. C’est ce qui va permettre que leur compréhension d’eux-mêmes change.
De spectateurs qu’ils ont été, ils vont devenir des acteurs. De spectateurs des signes du Règne de Dieu, ils vont devenir les acteurs qui participent à faire venir ce Règne. Voilà pourquoi le tome deux de l’œuvre de Luc s’appelle « Les Actes des apôtres ». C’est un peu l’histoire que je vous ai racontée au début. Le nom « Actes des apôtres » atteste du changement profond qu’ils ont vécu. Dans les Actes, ceux que Luc jusqu’ici a appelé « disciples », il les appelle désormais « apôtres », c’est-à-dire « envoyés ».
Les apôtres ont gardé l’attente du retour du Christ au cœur de leur foi. Et je vous invite à faire de même. Mais cette attente, les apôtres ne l’ont pas vécue les yeux fixés au ciel. Ils ont accepté la tâche de témoins.
Chers auditeurs, à quoi pensons-nous quand nous pensons à Jésus et à la vie chrétienne ? Est-ce que nous nous voyons comme ses disciples, ses mathetes, ses élèves ? J’imagine que oui. J’espère que oui ! Nous avons toujours à apprendre de lui et besoin d’être guidé dans nos choix.
La question est de savoir si en plus d’être les disciples de Jésus, nous sommes aussi ses témoins. Cela implique un changement dans la façon de nous voir nous-mêmes et d’envisager notre vie. L’Esprit saint nous est donné pour que les disciples que nous sommes deviennent des témoins.
De fait, l’invitation à devenir témoins court depuis le tout début des évangiles : dans l’évangile de Jean, Jean-Baptiste en voyant Jésus dit : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage, c’est lui le Fils de Dieu. » Jean-Baptiste va ainsi permettre à d’autres que lui de reconnaître le Fils de Dieu. À nous de prendre sa suite pour que la chaîne du témoignage ne s’interrompe pas.
Le livre des Actes nous montre comment les apôtres se sont inscrits dans cette dynamique du témoignage. C’est une manière de vivre qui implique d’aller à la rencontre des autres, de se mettre à l’écoute de ce qui les préoccupe tout en partageant librement le trésor qui nous fait vivre : Jésus vainqueur du mal de la mort.
Être témoin de Jésus, c’est veiller à notre attitude : il ne faut pas s’ériger en professeur tout en partageant quelque chose de soi-même, de son propre vécu. Pierre, Paul et les autres, n’ont pas eu peur de parler d’eux-mêmes, de leur vie avec Jésus, de leurs échecs ou de leurs échardes dans la chair. On les voit partir de leur propre expérience pour rendre témoignage à Jésus-Christ. Le apôtres ont témoigné en paroles et en actes.
C’est toujours en paroles et en actes qu’il nous faut être témoins, en veillant à ne pas séparer la parole des actes ou les actes de la parole. La plupart, nous aimerions que nos actes suffisent et parlent d’eux-mêmes. Nous sommes réservés au moment de dire notre foi. Ça peut se comprendre. On ne veut pas faire la leçon aux autres. Mais les Actes des apôtres nous invitent à oser dire qui est celui qui inspire nos actes et d’où vient notre espérance. Elle vient de Jésus-Christ, vainqueur du mal et de la mort.
Ce jeudi de l’Ascension nous rappelle qu’après avoir vécu sur terre, après avoir souffert et connu la mort, Jésus est ressuscité. Il est ensuite monté au ciel où le Père l’a fait s’asseoir à sa droite. Les peintures qui montrent le Christ en gloire nous le rappellent.
A la suite de ces peintres et des apôtres, soyons les témoins de cette victoire qu’est la résurrection. Soyons les témoins qu’aucune forme de mal n’a pu anéantir le Fils de Dieu ou éteindre l’amour à l’œuvre en Jésus. Cet amour, Dieu l’a rendu vainqueur. Il a donné raison à celles et ceux qui misent sur le don de soi plutôt que sur l’égoïsme, sur la bonté plutôt que la violence. Le Christ qui règne en gloire, c’est le don de soi qui est vainqueur.
Chers auditeurs, c’est à nous qui croyons en Jésus-Christ d’être les témoins qu’il y a un avenir pour celui ou celle qui met sa confiance en Dieu. Il y a un avenir pour qui aime, pour qui donne de soi-même et attend la victoire du bien sur le mal. Quels que soient les bruits du monde et les malheurs qui nous frappent, le nom du vainqueur est connu : c’est le Christ et ceux qui marchent à sa suite. Dans les cieux, c’est déjà lui qui règne. Sur terre, c’est à nous de le faire régner.
Pas facile, on en fait tous l’expérience. Et on se souvient aujourd’hui des croyants, des hommes, des femmes de bonne volonté qui subissent une persécution ou un malheur comme les habitants de Blatten. Le mot grec pour témoin, martus, qui a donné martyr en français, rappelle qu’il n’a jamais été facile d’être témoin de la victoire du Christ dans un monde dans lequel le mal fait encore rage.
C’est pourquoi l’apôtre Paul qui s’adresse à Timothée l’exhorte à raviver en lui le don qu’il a reçu pour le témoignage. Il souligne que « ce n'est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse. »
En ce jour de l’Ascension, haut les cœurs, réjouissons-nous de la victoire du Fils de Dieu sur le mal et la mort ! Il veut faire de nous ses témoins, des ouvriers de paix, des bâtisseurs d’amour. Que le départ de Jésus ne laisse pas place à un vide mais à une nuée de témoins.
Qu’aucune forme de réserve ou de timidité ne nous empêche de témoigner de la victoire de Jésus Christ notre Seigneur sur toutes les forces de mort et de malheur.
Amen!
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Le témoignage d’une chrétienne irakienne m’a touché. Dans la situation de persécution ou de grande fragilité dans laquelle se trouvent les chrétiens au Moyen-Orient, elle a dit : « Avant de lire la bible, j’étais comme un petit chat timide. Maintenant que je la lis, je me sens forte comme un lion. »
La confession de foi que je vous propose de dire maintenant condense le message biblique à propos du Père, du Fils, de l’Esprit et de l’Église.
Il y a 1700 ans au mois de mai, les Pères de l’Église ont été rassemblé en concile à Nicée près de Constantinople. Ils ont choisi ces mots pour dire le contenu de la foi chrétienne. Vous trouvez le symbole de Nicée au numéro 64/69 du recueil Alléluia. Il affirme notamment le message de l’Ascension : Jésus ressuscité est monté aux cieux, il siège à la droite du Père.
Cette confession de foi, je l’ai apprise par cœur cette année. Dire ces mots me permet de croire non pas seul, mais avec les autres. C’est le sens même du verbe confesser : dire avec. Moi qui n’étais pas là au moment de la résurrection de Jésus ou de son ascension, je me joins à la foi de ceux qui nous ont précédé. Je me joins aussi aux croyants des Églises catholique, orthodoxe, évangélique. Fort de notre foi commune, il y a en moi quelque chose du petit chat timide qui se découvre fort comme un lion. Je vous invite donc à dire ensemble :
Symbole de Nicée-Constantinople (version oecuménique)
Je crois
en un seul Dieu, le Père tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre,
de tous les êtres, visibles et invisibles.
Je crois
en un seul Seigneur, Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu,
engendré du Père avant tous les siècles,
Lumière née de la lumière,
vrai Dieu né du vrai Dieu,
engendré, non pas créé,
un seul être avec le Père
et par lui tout a été fait.
Pour nous les hommes et pour notre salut
il est descendu des cieux,
il s’est incarné du Saint-Esprit et de la vierge Marie
et s’est fait homme.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
il a souffert la passion, il a été mis au tombeau ;
il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures ;
il est monté aux cieux, il siège à la droite du Père ;
il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts
et son règne n’aura pas de fin.
Je crois
en l’Esprit saint
qui est Seigneur et qui donne la vie ;
du Père il tient son origine ;
avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire ;
il a parlé par les prophètes.
Je crois à l’Église une et sainte,
à sa catholicité et à son apostolicité.
Je confesse un seul baptême pour le pardon des péchés.
J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir.
Amen.