Ce que peuvent les minorités

Eglise française de Berne (©AUJ)

Écouter le culte :

Première partie : déclaration d’amour

Psaume 116, 1-2
J’aime le Seigneur, car il entend ma voix suppliante.
Il a tendu vers moi l’oreille, et toute ma vie je l’appellerai.

C’est donc la première étape de notre prière : nous avons entendu le Psaume, « J’aime le Seigneur ». Et vous, qu’aimez-vous ? Qu’est-ce qui vous enthousiasme ? Quel est le feu qui vous habite ?

Prenez un instant pour réfléchir aux causes qui vous passionnent, à votre vision pour aujourd’hui et pour demain.

Nous avons demandé à quatre personnes, chacune engagée pour une cause particulière, de nous faire une déclaration d’amour, de nous dire en quelques mots qu’elle est cette passion qui les habite.

Bertrand Baumann
Je m’appelle Bertrand Baumann, suis de langue maternelle française et j’habite Berne depuis 30 ans. J’ai grandi en France, ai fait mes études en Suisse romande et puis j’ai franchi une nouvelle frontière linguistique en m’installant ici. J’ai choisi d’apprendre la langue de l’autre. Ma vie a été marquée par des recommencements dans des environnements nouveaux mais je suis reconnaissant de ces opportunités. Que Dieu donne ce même feu à celles et ceux qui, volontairement ou non, vont ailleurs construire leur vie.

Afa Oskar
Je m'appelle Afa Oskar. J'ai grandi comme enfant de paysans à Ararat. Nous avions beaucoup de vaches et environ 600 moutons. Notre terrain s'étendait sur 82 hectares. Sur ces terres, j'ai souvent gardé les moutons avec mes deux chiens. Ce sont de beaux souvenirs que je garde de mon enfance. J'adorais faire la course avec les chevaux et les ânes en compagnie d'autres enfants. Nous ne connaissions pas la télévision. Nous aimions la liberté dans la nature. Ma patrie, mon pays me manquent.

Ari Lee
Je m’appelle Ari Lee. Je fais partie de la communauté LGBT, et je suis d’origine indigène et afro-caribéenne. Je suis animé et porté par l’amour pour tous les êtres humains, et plus spécifiquement pour les membres de la communauté LGBT et les personnes qui sont concernés par le racisme : afin que tout le monde puisse être libre d’être soi-même et d’aimer, et vivre en liberté. Changer nos regards sur nous-mêmes pour guérir des blessures, et libérer nos systèmes et pensées de toute forme de colonialisme.

Marie-Josèphe Glardon
Je m’appelle Marie-Josèphe Glardon. Je suis une femme pasteure de la première génération. Vous pouvez deviner mon âge ! Je suis retraitée, écrivaine et militante. Je fais partie des Aînées pour le climat.
« J’aime le Seigneur. »  Oui, mais je préfère la traduction : « J’aime, car le Seigneur écoute le cri de ma prière. »
Que Dieu m’écoute et m’entende m’ouvre à la vie, à un courant d’énergie et de sympathie, au courage et au risque.
J’aime ! Je veux oser, oser croire, oser croire à un avenir. Le vouloir.

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Deuxième partie : Plainte, déception colère

Psaume 6, 7-8
Or, à force de gémir, je suis épuisé, et, durant la nuit, sur mon lit, je pleure;
ma couche est trempée, inondée de larmes.
Mes yeux sont usés, tant j’ai de chagrin, ils n’en peuvent plus.
Ce sont tous mes ennemis qui en sont la cause.

Comme dans les Psaumes, changement de ton. « Je gémis, je suis épuisé. » De la déclaration d’amour, on passe à la plainte. On peut aimer et être en profond souci, pour nous-mêmes ou pour notre monde.

Et vous, qu’est-ce qui vous préoccupe ? Qu’est-ce qui vous empêche de dormir ? Quelle est votre révolte, quelle est votre plainte, quelle est votre tristesse, votre colère ?

Bertrand Baumann
Je suis parfois découragé. On jette un regard condescendant sur ce que nous faisons, comme si nous appartenions à un monde dépassé.
Le monde politique et celui de l’entreprise agitent le spectre de rétorsions financières lorsque l’Église prend position pour dénoncer des injustices, le monde du profit et de la consommation.
On voudrait nous réduire à faire silence et se recueillir, comme si l’Évangile ne se vivait pas par les mots et les actes.   

Afa Oskar
Cette violence et cette guerre civile à partir de 1980, personne n'en profite, cela détruit tout. Cela me rend triste. Entre 1991 et 1996, 5000 villages ont été brûlés pendant la guerre civile. En 1993, nous avons dû quitter notre village, notre maison. L'insouciance et la liberté ont été perdues. Plus de course avec les chevaux. Nous ne pouvions plus aller à la rivière. Nous avons ressenti une profonde peur en nous. Je ne peux pas oublier comment mes deux chiens de berger sont morts pendant la fuite.     

Ari Lee
Je suis révolté.e et en larmes, en colère et triste ! Nos droits ne sont jamais acquis, les insultes et les actes de violences restent quotidiens, la jeunesse est en détresse et l’incompréhension des structures gouvernementales et médicales persiste. La montée de la droite et de l’extrême-droite partout nous fait peur.
Le racisme, et la violence contre mon peuple, surtout les femmes, continue en toute impunité. Jusqu’à quand ?   

Marie-Josèphe Glardon
Je suis révoltée ! Avec Greta Thunberg, je m’écrie : Comment osez-vous ? Nier encore le changement climatique. Ne pas agir. Continuer tranquillement comme si l’aventure humaine n’allait pas échouer.
Comment osez-vous ne pas vous investir de tous vos moyens, spirituels, citoyens et politiques ?
Pourquoi ne pas vous allier décidemment pour la vie ?
Vous n’aimez pas la vie ? Vous n’aimez pas ?

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Troisième partie : Et après ? Engagement et prière

Jérémie 29 : 7-8
Recherchez le bien-être de la ville où je vous ai déportés et priez le Seigneur en sa faveur, car de son bien-être dépend le vôtre.

Comme dans les Psaumes, après avoir dit le feu qui nous habite, après avoir crié notre plainte et nos soucis, nous pouvons regarder en avant.

Le prophète Jérémie s’adresse à son peuple qui vit en exil à Babylone. Ce peuple est devenu une minorité dans une ville qui parle une autre langue. Un peu comme la paroisse française en ville de Berne. Mais aussi un peu comme les chrétiens dans un monde largement déchristianisé.

Jérémie dit aux gens de rechercher le bien pour la ville où ils vivent et de prier pour cette ville où ils sont exilés. Être une minorité, cela donne des responsabilités.

Chercher le bien pour la ville… Mais qu’est-ce qui est bien ? Et pouvons-nous vraiment changer quelque chose ?

Et pour vous ? Être une minorité, à quoi ça vous engage ?

Peut-être que la question vous paraît pesante. Nous vivons une époque où l’on veut nous rendre responsable de tout ce qui ne va pas. Certains souffrent de cette pression. Comme chrétiens, nous savons que nous ne sommes pas seuls à porter cette responsabilité. Dieu est avec nous.

Nous pouvons donc poser la question autrement, ou plutôt nous pouvons poser deux questions :

  • Être une minorité, à quoi ça nous engage ?
  • Et quelle est la part que nous voulons confier à Dieu dans la prière ?

Car pour nous croyants, les deux vont ensemble : s’engager et prier. S’engager là où nous pouvons changer quelque chose, déposer devant Dieu ce qui est au-delà de nos forces.

C’est un message essentiel de la foi chrétienne. Il nous dit et nous répète que tout est grâce, que nous ne pouvons pas nous sauver nous-mêmes, que nous ne pouvons pas non plus sauver le monde, mais que nous pouvons être témoins du Règne de Dieu qui vient. Le Règne est l’œuvre de Jésus-Christ, mais nous pouvons en être témoins. Et ce témoignage passe par un engagement concret. L’espoir conduit à l’action, c’est le désespoir qui pousse à ne rien faire. Nous avons la responsabilité de montrer que le monde peut être sauvé, nous avons la responsabilité de faire les premiers pas. Mais nous n’avons pas besoin de nous prendre pour Dieu. Ce n’est pas nous qui sauverons le monde.

Être une minorité, à quoi ça vous engage ?

Et quelle est la part que vous voulez confier à Dieu dans la prière ?

Nous entendons une troisième fois nos quatre témoins, cette fois avec leur engagement et leur prière.

Bertrand Baumann
Il y a quatre cents ans, les Huguenots arrivés ici ont dû se battre pour obtenir ce dont ils avaient besoin, mais ils ont apporté leurs convictions et leur savoir-faire dans ce pays bernois qui les accueillait.
Je prie Dieu pour qu’il permette aux communautés de langue française d’écrire de nouvelles pages d’histoire. Une histoire de pont entre alémaniques et romands, entre francophones d’ici et d’ailleurs, un espace de vie pour celles et ceux qui souhaitent se sentir accueillis.

Afa Oskar
En Suisse, j'ai rencontré différentes personnes qui m'ont soutenu. J'en suis très reconnaissant. Je remercie Dieu pour Maurice. Il est un modèle pour moi : lorsque j'étais au centre d'asile à Reconvilier, il m'a envoyé en stage à Berne. Il a cru en moi.
Je prie pour des gens comme Maurice, des gens honnêtes et bons. Je remercie Dieu pour Elisabeth à la Pauluskirche, qui nous a pris par la main, ma famille et moi, à Berne.
Je souhaite également soutenir les personnes qui peuvent avoir besoin de mon aide. Et je prie pour que d'autres paroisses accueillent des personnes comme l'a fait la paroisse qui m’a donné une place.

Ari Lee
Je m’engage à ne pas me taire face aux injustices, face aux discriminations contre la communauté LGBT et face aux racismes ; je veux tendre ma main et élever ma voix. Ceci à la suite de Jésus et des prophètes qui annonçaient un Dieu aux côtés des opprimés, un Dieu d’Amour libérateur. Chaque ligne que j’écris est une prière, chaque pas que je fais en est une ; ainsi je te retrouve, Créateur, dans chacun de mes actes pour les 7 prochaines générations.

Marie-Josèphe Glardon
Je prie contre la haine et la bêtise. Je supplie pour le dialogue, la coexistence et le respect. Je pleure pour la paix.
Je prie pour le pouvoir, pour qu’il redevienne service, intelligence et responsabilité, comme Dieu l’a confié aux humains, ses créatures parmi les autres.
Je prie pour la conversion de nos mentalités et de nos actes.

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Ensemble, confessons la foi, non pas selon la lettre qui nous lie, mais selon l’Esprit qui nous rend libres :

Nous voulons croire en Dieu.
Malgré son silence et son secret, nous voulons croire qu’Il est vivant.
Malgré le mal et la souffrance, nous voulons croire qu’Il a fait le monde pour le bonheur de la vie.
Malgré les limites de notre raison et les révoltes de notre cœur, nous voulons croire en Dieu.

Nous voulons croire en Jésus-Christ.
Malgré les siècles qui nous séparent du temps où il est venu, nous voulons croire en sa Parole.
Malgré nos incompréhensions et nos refus, nous voulons croire en sa résurrection.
Malgré sa faiblesse et sa pauvreté, nous voulons croire en son règne.

Nous voulons croire en l’Esprit saint.
Malgré les apparences, nous voulons croire qu’il conduit l’Église.
Malgré la mort, nous voulons croire à la vie.
Malgré l’ignorance et l’incrédulité, nous voulons croire que le Royaume de Dieu est promis à tous.

Amen.

Un culte qui prend la forme d’un psaume.

Un culte-prière en trois étapes :
1. la louange, feu d’amour qui m’habite
2. mon cri de plainte
3. mon engagement et ma prière pour ce qui est au-dessus de mes forces.

Quatre témoins, représentant chacun une minorité, diront leur feu d’amour, leur plainte, et leur engagement dans l’action et la prière.

Ce culte rassemble les douze paroisses réformées de la ville de Berne, dont la paroisse française, qui fête ses 400 ans d’existence. Ce culte inaugure les festivités du Jubilé qui s’étendront jusqu’au 1er octobre.

Détails

Avec la participation de
Liturgie préparée par une équipe de pasteur.es et laïcs de la ville de Berne: Sabine Müller, pasteure à l'église de Nydegg, Tobias Rentsch, pasteur à l'église Saint-Jean, Bertrand Baumann, de l'Eglise française, et Olivier Schopfer, pasteur à l'Eglise française.
Orgue
Elie Jolliet
Musique
Le choeur de l'église française de Berne et le choeur Saint-Grégoire (paroisse catholique francophone), sous la direction de Brigitte Scholl