Tout ce que Dieu peut faire!

Eglise évangélique de Meyrin (©Barbara Genequand)

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Il n’est pas toujours facile de regarder l’actualité. On allume la télé ou l’ordinateur pour les mauvaises nouvelles. Ou pour des divertissements affligeants qui veulent faire oublier les mauvaises nouvelles. Ou pour des débats qui les décortiquent. Mais nous trouvons bien peu de choses, dans tout cela, qui puisse valablement nous tirer en avant, et encore moins nous enflammer…

Cela nous interroge sur nos ressources profondes : devons-nous rester les mains vides et les bras ballants parce que l’embellie ne vient pas ? Devons-nous nous désespérer devant l’absence de mieux, devant l’absurdité des choses ? Ou, à l’inverse allons-nous nous vanter : « J’ai la foi, moi… même pas mal ! » ?

La terre est pourtant notre lieu de vie, nous vivons ici. Qu’est-ce qui peut animer nos cœurs et affermir nos mains, dans ce monde tantôt si exigeant, tantôt si beau ? Qu’est-ce qui peut encore nous faire vibrer, nous faire nous engager et ne pas démissionner ?

C’est l’apôtre Paul qui vient réorienter notre regard vers un repère à toujours garder en vue : tout ce que Dieu peut faire. Et s’il y avait là une clé, un déclic possible ?

« A celui qui peut faire infiniment au-delà de ce tout ce que nous demandons ou pensons, à lui la gloire dans l’Église et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles, Amen. » (Éphésiens 3, 20-21)

On pourrait se demander si ce n’est pas, précisément, vouloir s’abstraire de notre réalité que de considérer cela. Mais depuis quand est-ce quitter la terre que de penser que Dieu peut intervenir sur la terre ?

Le monde, parce qu’il est créé, n’est pas fermé à son Créateur, à son action. On considère parfois le monde comme fermé sur lui-même, limité aux lois et aux régularités que décrit la science. Si le monde est créé par Dieu, ces régularités existent : Dieu les a voulues et les maintient. Mais elles ne sont pas l’unique mot de l’histoire. Dieu peut, s’il le désire, agir dans le monde, qui est son monde. Il peut se servir des lois régulières. Il peut injecter du neuf, de l’innovant, bousculer ou infléchir le cours habituel des choses. Nous croyons que Dieu a cette liberté-là. Le facteur de ce que Dieu peut faire est tout sauf une quantité négligeable.

Quels sont donc les contours de ce que Dieu peut faire ? Paul utilise une formule dont il a le secret. Il nous invite à ne pas penser ces contours au rabais, à ne pas jouer « petits bras » et « ventre mou ».

L’apôtre commence par affirmer : « Dieu peut faire ». C’est donc que Dieu n’est pas ligoté : il a la liberté de l’action. Il peut faire « ce que nous demandons » : il n’est ni sourd, ni lointain, ni indifférent ou distrait ; il entend nos prières. Il peut faire « ce que nous pensons » : il connaît nos pensées, même celles que nous n’osons pas formuler dans nos prières.

Sur cette base, Paul continue. Dieu peut faire « tout » ce que nous demandons ou pensons : la mesure de nos pensées et de nos besoins n’est pas un problème pour le Seigneur. Et Dieu peut faire « au-delà de tout » ce que nous demandons ou pensons : sa mesure et ses ressources se situent au-delà du cercle de ce que nous concevons ; il possède une ampleur de capacité et de générosité qui dépasse ce que nous pouvons demander ou penser.

Arrivé là, Paul semble considérer qu’il est encore un peu juste dans sa description de ce que Dieu peut faire. Il forge donc un « super-superlatif » : Dieu peut faire « hyper-extrêmement au-delà de tout » ce que nous pensons ou demandons ! Pas besoin d’en rajouter : l’apôtre veut nous convaincre que l’action de Dieu est absolument sans limite !

« Ce que Dieu peut faire » doit être conçu avec cette ampleur-là. C’est juste vertigineux ! S’il fallait nous libérer de l’angoisse d’une pénurie quelconque, ou d’un Dieu qui soit en panne quelque part, voilà la réponse qui nous est donnée : « hyper-extrêmement au-delà de tout ! »

Ou, pour le dire avec les mots précieux du psalmiste : « Le Seigneur est mon Berger, je ne manquerai de rien. » (Psaume 23, 1)

La formule est forte et encourageante. « Hyper-extrêmement au-delà de tout ! » Mais il n’est pas facile de nous l’approprier. Je voudrais relever trois obstacles.

Le premier est la forme de la tournure. Elle multiplie les superlatifs. Il serait facile de se dire : ce n’est qu’une formule ! On traite alors ce texte comme une belle trouvaille poétique. Mais on n’accroche rien à la formule, on ne la prolonge pas concrètement. Elle ne résonne pas en tout. Mais si cette parole est forgée comme cela, c’est parce que Dieu est comme cela : « hyper-extrêmement au-delà de tout ! » Elle nous est donnée non pour nous chatouiller les oreilles, mais pour que nous y accrochions notre foi, pour que nous nous en nourrissions très concrètement.

Le deuxième obstacle est de limiter la portée de cette parole : elle dirait ce que Dieu « peut » faire, mais ne nous renseignerait pas sur ce que qu’il « veut » faire. Dieu peut, bien sûr, guérir, délivrer, restaurer, intervenir de mille façons, mais au bout du compte, ce qui est décisif, c’est ce qu’il veut faire, ce qu’il choisit de faire.

Il est relativement facile de mettre une grande distance entre ce que Dieu « peut » et ce que Dieu « veut ». Il arrive même qu’on en conçoive un certain ressentiment : Dieu n’a pas « voulu » agir alors qu’il en avait toutes les capacités, qu’il lui suffisait de dire un mot. Ici ou là, nous pouvons laisser se développer de l’incompréhension et de l’aigreur.

S’il fallait donner une orientation, ce serait de relever que Paul nous invite à voir une issue glorieuse à la façon dont Dieu met en œuvre sa puissance : « À lui soit la gloire ! » Quand nous verrons toute chose dans sa vraie lumière, c’est ce que nous chanterons. Nous ne dirons pas, « à lui soit la confusion » de ne pas avoir voulu utiliser plus efficacement sa puissance. Cette pensée doit nous aider à ne pas mettre une distance aigrie entre ce Dieu peut et ce que Dieu veut.

Un troisième obstacle est qu’il nous est facile d’enfermer ce texte dans les limites de nos pensées. Nous attendons de cette promesse que Dieu mette ses ressources inouïes plus ou moins au service de ce que nous demandons ou pensons. Il serait normal que les « plus » de Dieu soient quand même dans la ligne de nos pensées.

Or, Paul écrit : « hyper-extrêmement au-delà » de tout ce que nous demandons ou pensons. Souvent, nous voyons les choses dans notre petite dimension, alors que Dieu les intègre dans quelque chose de bien plus grand. Il nous faut donc garder humilité et confiance devant ce champ de pensée de Dieu, avec tout ce qu’il connaît et maîtrise. Nous ne sommes pas la mesure de toute chose. Nous ne pouvons juger Dieu au travers de notre seul calendrier. Dieu peut nous sembler lent parfois, mais Il n’oublie jamais ses promesses.

Comment résumer tout cela, positivement ? Je vous propose une formule : « Dieu a l’hyper-puissance de ses desseins ». Voilà la pensée qui peut nous accompagner cette année. Dieu a l’hyper-puissance de ses desseins.

Nous restons humbles : nous parlons de « ses desseins ». Nous ne jouons pas sa volonté contre sa puissance, mais nous les unissons. Et cela nous fonde à une grande confiance : Dieu a l’hyper-puissance de réaliser ses desseins. Cette confiance se traduit alors en attente et en foi : nous voulons les voir, ces desseins !

Paul nous oriente vers cela en incluant «toutes les générations, aux siècles des siècles». Chaque génération, chaque vie, chaque tranche de vie n’est qu’une petite partie de tout ce Dieu fait et fera encore.

Paul ajoute une précision importante : cette puissance est aussi à l’œuvre en nous. « Ce que Dieu peut faire » ne se cantonne pas dans les hautes sphères de son dessein global. Cela nous rejoint. Cette pensée, Paul l’a déjà exprimée : « Que Dieu vous donne d’être puissamment fortifiés, par son Esprit, dans votre être intérieur » (Éphésiens 3, 16).

Être fortifiés, c’est être rejoints dans notre manque de ressources, dans nos incertitudes, dans nos faiblesses, dans les progrès à faire encore. Paul nous rappelle que Dieu nous rejoint. Il habite et agit en nous, par son Esprit.

Sa puissance est aussi une puissance de proximité, une puissance de terrain : là où il le faut, quand il le faut, comme il le faut. Elle ne nous rend pas tout-puissants, comme des superhéros invincibles. Elle nous fortifie. C’est une invitation à avoir recours à Dieu, au fil de nos besoins, au fil de la vie de chaque jour, dans tout ce qui se trame.

Nous demandons souvent à Dieu d’utiliser sa puissance pour changer ce qui est autour de nous. Paul, ici, nous rappelle que Dieu peut aussi nous renouveler puissamment, à l’intérieur. Cela peut signifier qu’au lieu de nous épargner telle ou telle situation délicate, Dieu va préférer nous fortifier in situ pour nous permettre de la traverser. Et nous aurons grandi, progressé, appris quelque chose de durable.

Pour nous éviter de considérer ces perspectives comme de simples pensées bienfaisantes, Paul a soin de nous donner un repère. Ce repère, c’est Jésus-Christ : « A Dieu soit la gloire, dans l’Église et en Jésus-Christ. » (Éphésiens 3, 21).

L’Église et Jésus ne sont pas sur le même plan : l’Église est bénéficiaire, Jésus-Christ est acteur. Pourquoi mentionner Jésus-Christ ainsi ? C’est qu’il lui reviendra, à lui, de manifester toute la grandeur de « ce que Dieu peut accomplir ». Il le fera lorsqu’il reviendra du ciel, pour faire toutes choses nouvelles sur la terre, après avoir jugé le mal et anéanti la mort pour toujours.

Mais en Jésus-Christ, « ce que Dieu peut faire » s’est déjà manifesté, a déjà été attesté dans l’histoire. Et cela n’a pas été une simple idée encourageante. Mais une « action souveraine de la force de Dieu, mise en œuvre dans le Christ, en le ressuscitant des morts et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de tout pouvoir » (Éphésiens 1, 20).

Où pouvons-nous discerner « tout ce que Dieu peut faire » ? Dans la résurrection de Jésus ! Elle n’est pas un acte isolé, un îlot perdu au milieu de l’océan du dessein impénétrable de Dieu. Elle est le modèle même de ce que Dieu peut et aime accomplir. Ce que le Père a fait au corps de Jésus-Christ en le ressuscitant des morts, est l’inauguration et le modèle de ce qu’il tient en réserve pour toute sa création.

Et cela, ce n’est pas simplement une belle et grande idée. « Ce que Dieu peut faire » s’est manifesté là, comme une puissance venue vers nous, puissance d’amour et de salut, puissance de renouvellement et de triomphe de la vie.

Et maintenant ? Dans quel état d’esprit aborder notre présent, nos lendemains, l’année qui s’ouvre, malgré les craintes, les déceptions, les difficultés ? Quelles pensées, quelles perspectives, vont animer notre cœur et fortifier nos mains ?

Nous sommes invités à nous laisser renouveler, régulièrement, par la perspective de «tout ce que Dieu peut accomplir». Nous avons à faire face à toutes sortes d’événements et de situations, personnelles ou universelles. Restons toujours en éveil, toujours curieux de voir «tout ce que Dieu peut accomplir».

Il possède, n’en doutons pas, l’hyper-puissance de réaliser ses desseins. Qu’allons-nous attendre de lui ? Qu’allons-nous oser entreprendre, forts de cette certitude ? Il veut déployer sa puissance en nous : quel recours aurons-nous auprès de lui ? Qu’allons-nous lui demander de changer, concrètement, en nous ?

Attendons, dans un esprit de foi, qu’il se manifeste encore en nous, pour nous, parmi nous, autour de nous.

Amen !

Il n’est pas facile de regarder l’actualité, ou même de confronter les limites et les crises de notre propre vie. Nous sommes touchés par tout ça.

Qu’est ce qu’il reste pour nous tirer en avant et nous enflammer le cœur? Qu’est-ce qui peut donc affermir nos mains dans ce monde tantôt si âpre et exigeant, tantôt si beau et prometteur?

L’apôtre Paul oriente notre regard vers un repère à toujours garder en vue: «Ce que Dieu peut accomplir...»

Détails

Avec la participation de
Denise Félix pour la liturgie et les lectures
Orgue
Musique
Silvain Dupertuis au piano, Héléna Duckert au violon et au chant, Théa Beronja à l'alto