«Que devons-nous faire?»

Abbatiale de Romainmôtier (©Trisente, CC BY-SA 4.0 Wikimedia Commons)

Écouter le culte :

« Que devons-nous faire ? » demandent successivement les foules, les collecteurs d’impôts et les soldats. Ils s’adressent à Jean-Baptiste, car ils perçoivent en cet homme quelqu’un qui peut les aider à vivre davantage dans l’amitié de Dieu. Et Jean-Baptiste va leur répondre : « Apprenez à partager entre les personnes qui ont et celles qui manquent ; n’abusez pas de votre pouvoir sur les autres ; n’utilisez pas la violence ni les faux témoignages. » De bons conseils en somme.

« Que devons-nous faire ? » : c’est pourtant une question que je n’ai plus guère le loisir de me poser aujourd’hui. Je ne me la pose plus parce que je suis gavé – telle une oie pour Noël – de conseils sur ce qu’il faut faire pour être un meilleur époux, un meilleur amant, un meilleur parent, un meilleur employé, un meilleur mangeur, un meilleur soignant de la planète, un meilleur sportif…

Les magazines, livres ou Internet ne cessent de me prodiguer moult recommandations; et je suis sûr qu’il en va de même sur la RTS. À tel point que je n’en peux plus de tous ces conseils. Il existe même des livres qui nous apprennent à être meilleur pour ne pas nous laisser envahir par le souci d’être meilleur !

Alors vous pensez bien que je n’ai pas besoin de recevoir encore d’autres conseils, fussent-ils de Jean-Baptiste. Je n’ai plus à demander « Que dois-je faire? », puisque le monde entier ne cesse de me le dire, chacun à sa manière, avant même que je me questionne.

Laissons donc le partage, l’égalité et la non-violence. Rien de nouveau ici. Portons plutôt un instant nos regards sur ce que fait Jean-Baptiste lui-même, à part donner des conseils. Il baptise d’eau et annonce celui qui vient. Voilà une attitude, un « faire », qui est plus étonnant. Car tant le baptême que l’annonce désignent quelque chose d’autre que soi : c’est un geste et une parole qui mettent en lien la terre et le ciel.

Par tout ce que l’eau symbolise : mort et vie, purification et lavage, croissance et fruits, alliance et dépendance, le baptême de Jean vient me rappeler que ma vie humaine n’est pas faite uniquement de mes actes, fussent-ils vertueux. Elle est faite de tout ce qui me rappelle que ma vie est pleinement vie dans son lien avec Dieu. C’est là qu’elle acquiert hauteur et profondeur et largeur et épaisseur.

Vivre, ce n’est pas seulement faire.

Vivre, c’est se découvrir humain relié à Dieu, à la fois au plus intime de soi et au plus extérieur à soi.

Vivre, c’est se recevoir, comme je reçois l’eau indispensable à la vie.

Vivre, c’est regarder à Celui qui vient, au Dieu qui vient, et l’annoncer afin que les mots construisent cette réalité pour les autres et pour soi.

Voilà pour ce que fait Jean-Baptiste. Une attitude qui ouvre : l’humain n’est pas construit que par sa morale, il est aussi construit par son lien à ce qui le dépasse. Mais allons plus loin et posons la dernière question : « Que fait le Christ ? », selon Jean-Baptiste.

Au-delà de tout ce qui m’appartient et dépend de moi, il en est un – le Christ – qui représente que je ne peux pas tout, que je reste fragile et limité ; que bien souvent j’échoue, malgré tous mes efforts, toutes mes lectures, malgré tous les conseils.

Un, qui, par son existence me dit : être humain, ce n’est pas d’abord une performance à réussir. Être humain, c’est recevoir en soi l’Esprit de Dieu. C’est découvrir que cet Esprit est présent au coeur de ton coeur. Cet Esprit, qui à la Pentecôte sera représenté par le feu d’une flamme, porte aussi un autre nom dans la Trinité : il s’appelle l’Amour.

Que fait le Christ ? Il nous baptise d’amour, il nous fait renaître dans l’amour. Pour cela, il nettoie ce qui a besoin de l’être en nous, toujours à nouveau, comme un agriculteur qui, à chaque moisson, doit recommencer à trier le grain.

Puis il laisse le feu de l’Esprit qui est amour consumer tout ce qui ne sert de rien, tout ce qui alourdit, tout ce qui dénature notre humanité à l’image de Dieu.

Et il amasse précieusement ce qui est beau et bon dans chacune de nos vies humaines, comme autant de grains qui nourrissent.

« Que devons-nous faire ? », disent certaines et certains.

Il y a place pour une éthique du partage, du refus d’abuser du pouvoir, une éthique de la non-violence. Mais il y a aussi place pour tout ce qui raconte notre lien à Dieu : nos gestes symboliques, nos paroles priées… Et enfin, il y a place pour tout ce que nous ne faisons pas mais recevons : l’Esprit de Dieu qui vient faire éclore l’amour au creux de la vie des humains. Et nous transformer jour après jour, travailler en nous jour après jour.

C’est le « faire » de Dieu dans le monde. Aussi peu spectaculaire qu’un pauvre homme au bord d’une rivière de Galilée, mais qui pourtant change tout.

Où l’on découvre par les paroles de Jean-Baptiste qu’il y a bel et bien des choses à faire pour vivre davantage dans l’amitié de Dieu, mais que celles-ci ne sont pas suffisantes au final, car c’est tout l’être humain qui a besoin d’être transformé. Les recettes fonctionnent un bout, mais ne font pas tout le plat!

Détails

Avec la participation de
Sylvain Berthoud, pour les lectures
Orgue
Michel Jordan et Anne-Claude Burnand Mauri
Musique
Isabelle Kleisl, soprano, Fabienne Franzi, soprano, Anne Grognuz, soprano, Anne-Lise Cavin, alto, Marie-Claude Chezeaux, alto, Anne Joset, alto