Dis, le Royaume, c'est pour quand?

©Alexandra Urfer Jungen

Écouter le culte :

Il était une fois… une époque où il était possible de voyager différemment. Imaginez : vous êtes sur la route des vacances. Vous n’avez rien oublié dans vos bagages et le GPS a été programmé correctement. Vous roulez depuis 10 minutes, 1 heure, 2 heures, voire plus. Et soudain : « Dis, papa… dis, maman… c’est quand qu’on arrive ? » Cette question, vous l’avez peut-être posée lorsque vous étiez enfant. Et vous, les parents, les adultes, peut-être que vous avez répondu : « Bientôt, tu verras ! » Est-ce que vous vous reconnaissez dans cette anecdote ?

Eh bien, dans le premier texte qui vient d’être lu, les disciples se retrouvent un peu dans la même situation que les enfants à l’arrière de la voiture : « Dis, Seigneur, le Royaume, c’est pour quand ? » Et on ne peut pas dire que la réponse soit très claire ; ils n’obtiennent pas de délai précis. Certes, une force, un « outil », leur est promis. Cet outil, c’est le Saint-Esprit. Je peux imaginer que les disciples aimeraient bien en savoir plus, mais voilà que leur maître s’en va. Ou disons plutôt qu’il est soudain soustrait à leur regard. Alors les amis de Jésus, comme par réflexe, lèvent les yeux au ciel.

Dans la vie courante, vous le savez bien, lever les yeux au ciel peut exprimer un signe de surprise, de perplexité, d’agacement ou encore d’étonnement. Sans doute que les disciples, à l’Ascension, sont passés par plusieurs de ces sentiments.

Et alors que les amis de Jésus sont encore tout surpris de ce qui vient d’arriver, deux hommes en blanc (qui ne sont pas sans rappeler celui qui était apparu aux femmes devant le tombeau au matin de Pâques), deux hommes en blanc donc font entendre leur voix : « Pourquoi regardez-vous le ciel ? » Autrement dit : « N’avez-vous pas d’autres choses à faire, maintenant ? »

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, en imaginant la scène, je me sens proche des disciples. Pour une fois, il est facile de se mettre à leur place. Une situation où tout est en train de changer, où nous avons l’impression de ne rien maîtriser, où nous nous posons plein de questions. Mais où, en même temps, il faut bien continuer à mettre un pied devant l’autre, et continuer à faire confiance. Cela me rappelle quelque chose. Et je pense qu’à vous aussi, non ?

Dans le texte, les disciples se trouvent dans le temps de l’entre-deux. D’abord, ils ont vécu une expérience de vie avec Jésus, ils l’ont accompagné, ils l’ont écouté. C’était leur quotidien. Et puis, eux aussi, ils sont soudain en train de vivre une crise : leur ami va partir, ils ne pourront plus le rencontrer, discuter, partager un repas – cela doit être questionnant et angoissant. Mais, en parallèle, la suite de la crise se prépare déjà : ils vont recevoir le Saint-Esprit. C’est la promesse qui leur est faite. Même si tout semble incertain, ils peuvent avancer avec confiance vers l’avenir. Même s’ils n’ont pas encore « tout en main », c’est comme si Jésus leur disait : « À vous de jouer maintenant. Vous en êtes capables. La situation sera différente de celle que vous avez connue jusqu’à maintenant. Mais vous n’êtes pas seuls. »

L’Ascension, c'est un temps de l’entre-deux. Il y a eu Pâques et viendra Pentecôte. Nous, nous connaissons toute l'histoire, alors nous le savons. Mais les proches de Jésus, eux, que savent-ils de l'avenir qui les attend ? Il y a bien eu quelques paroles de leur maître qui peuvent leur faire penser que tout n'est pas fini. Cela dit, il est difficile de faire des projets quand l'avenir semble bouché ou, au minimum, incertain.

Nous aussi, nous sommes dans un temps de l’entre-deux : il y a plus d’un an, alors que nous vivions notre quotidien (que nous maîtrisions plus ou moins), il est arrivé quelque chose de totalement inconnu, ce qui a créé des peurs, des angoisses et surtout des questions, qui sont nombreuses. Bien plus nombreuses que les réponses sûres et certaines.

Nous aussi, nous aimerions bien savoir « quand » : quand pourrons-nous retourner au restaurant, au théâtre ? Quand allons-nous recevoir des aides financières ou retrouver un emploi ? Quand pourrons-nous revoir ceux qui nous manquent ? Quand pourrons-nous tenter de renouer les fils distendus d’une relation abîmée ? Même si ces questionnements nous taraudent, nous préoccupent, il existe des instants où nous entrevoyons autre chose : voilà qu’à l’horizon apparaît l’après. Une situation que nous ne connaissons pas encore vraiment, mais qui sera nouvelle, différente de l’avant.

À l’Ascension, Jésus quitte la Terre, il rejoint le ciel. Mais le ciel n’est pas à comprendre comme un lieu géographique, plutôt comme le lieu de Dieu, un ailleurs. Dieu est partout où nous le cherchons. Il se tient là où nous sommes prêts à le rencontrer ; là où je suis prêt à le rencontrer.

Et si Jésus rejoint le ciel, les disciples, eux, restent bel et bien sur Terre, ancrés dans le monde qui les entoure. Ainsi, Jésus n’est pas un maître d’école qui a formé une classe d’élèves disciples avant de s’en aller à la retraite, non. Il a quitté ses disciples en leur confiant une mission : « Vous serez mes témoins. » Peu à peu, ils se mettront en route : à Jérusalem d’abord, ensuite en Judée et en Samarie, puis enfin, jusqu’au bout du monde.

À notre manière, vous êtes, nous sommes, des disciples d’aujourd’hui. À la suite de Paul dans la seconde lecture, rappelons-nous que le Christ a accordé des dons, et qu’ainsi, à notre échelle, et avec nos moyens, nous sommes appelés au témoignage et au service.

Comme les enfants, nous sommes parfois impatients d’arriver à destination, c’est vrai. Mais comme eux, nous sommes appelés, jour après jour, à grandir. C’est ainsi que nous parviendrons, peut-être, à gagner une « stature d’adulte », pour reprendre l’expression du texte. Bien sûr, comme dans tous les processus de croissance, il existe des épisodes où tout semble se passer pour le mieux, et d’autres qui se révèlent plus délicats à aborder.

L’important n’est pas de rejoindre la destination au plus vite, mais bien de se mettre en route, en mouvement. Et sur ce chemin, nous pouvons avancer avec confiance, à la fois dans le quotidien mais aussi vers l’avenir.

Finalement, je crois que l’interrogation des disciples ou des enfants, « Dis, le Royaume, c’est pour quand ? C’est quand qu’on arrive ? », peut être transformée en une nouvelle question : « Le Royaume, c’est comment ? »

Le Royaume, c’était hier, c’est aujourd’hui et ce sera demain. Quelque chose à vivre et à construire au fil des jours avec vous, avec nous, avec Dieu – Père, Fils et Saint-Esprit.

Ensemble.

Amen.

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Lever les yeux au ciel: dans la vie courante, cela peut être un signe de surprise, de perplexité ou d’étonnement. Sans doute que les disciples, à l’Ascension, sont passés par plusieurs sentiments. Ils attendaient une réponse et voilà qu’ils ont dû composer avec un temps de l'«entre deux», entre Pâques et Pentecôte. L’interrogation des disciples ne pourrait-elle pas devenir la nôtre pour, ensuite, ouvrir à de nouvelles questions?

Détails

Avec la participation de
Claude Vauthey pour les lectures
Orgue
Sylvain May
Musique
Jean-Daniel Estoppey, baryton. Sylvain May au piano et Haviva Tolstonog au violon