La loi du plus fort? Préserver la paix fusionnelle de la communauté

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Écouter le culte :

Symphonie communautaire

« Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »

Un verset bien connu et qui rassure nos petites assemblées – le Christ est présent parmi nous même si nous sommes peu nombreux! Êtes-vous rassurés? Je devrais poser la question autrement : aviez-vous besoin d’être rassurés sur ce point?

Personnellement, je n’y vois pas de scoop. Dans mon expérience de foi et ma théologie, je suis convaincu de sa présence même lorsque je suis seul. Et je crois que ce qui me paraît comme une évidence l’était aussi pour les premières générations de chrétiens. En fait, j’ai l’impression que nous avons tellement répété ce verset pour nous rassurer, que nous passons à côté de l’essentiel. La question n’est pas de savoir quel est le nombre minimal de croyants pour que le Christ soit présent ; il l’est pour chacun. Et même quand je suis avec plusieurs coreligionnaires, la question n’est pas de savoir si le Christ est présent et pour chacun d’eux ; la question communautaire est de savoir s’il est présent pour nous, s’il est présent entre nous. Si notre communion est réelle, alors nous pouvons être une communauté qui accueille le Christ.

Pour cela, je reviens au verset précédent : « Si deux d’entre vous, sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit… »

Je suis allé vérifier le terme grec traduit par « se mettent d’accord ». Je ne connaissais pas ce verbe, mais il a éclairé ma lecture. Et même si vous n’avez pas fait de grec, il éclairera aussi votre lecture. Il s’agit de « συμφωνέω » [sumphoneo], qui en français a donné notamment « symphonie ». L’enjeu n’est donc pas de réunir des croyants triés sur le volet qui seraient déjà d’accord pour demander quelque chose, mais bien que des croyants différents puissent chacun trouver leur place et former ensemble une communauté.

Nous sommes chrétiens, donc tous frères et sœurs, et nous devons donc nous aimer. Il n’empêche que même dans une famille, nous avons davantage d’affinités avec certains membres et beaucoup de difficultés avec d’autres ! Quand nous pouvons reconnaître nos tensions, assumer nos différences et pourtant nous réunir dans une réelle affection pour prier et adorer le Christ ensemble, alors nous nous révélons comme des membres de l’Église. Le Christ est présent quand nous trouvons cette symphonie, comme l'harmonie qui jaillit lorsque plusieurs instruments se conjuguent. La Bonne Nouvelle, c’est aussi cela.

 

Correction fraternelle

J’ai déjà entendu plusieurs prédications sur la présence du Christ là où deux ou trois se trouvent réunis en son nom, mais il me semble ne jamais en avoir entendue sur la correction fraternelle. Je reconnais d’ailleurs que c’est la première fois que je prêche sur ces versets et que je ne les ai jamais non plus abordés dans des études bibliques. C’est apparemment un de ces (nombreux) passages que nous évitons parce qu’ils nous mettent mal à l’aise. Le résultat est que nous les passons sous silence et que nous n’y recherchons pas comment la Bonne Nouvelle y est aussi annoncée.

Comme déjà dit, la présence du Christ auprès de chaque croyant en prière relève de l’évidence. Ce texte met l’accent sur sa présence qui émane de nos liens communautaires, du corps que nous formons. Nous reprenons la correction fraternelle dans cette perspective.

Commençons pas le plus gênant: quid du pécheur ? Qu’est-ce qui lui est ici reproché ? À la suite du texte travaillé dimanche passé, nous pouvons considérer que le pécheur est ici celui qui provoque – volontairement ou non – la chute d’un tout-petit. La correction fraternelle n’a pas pour souci de punir les fautes d’un individu mais bien de favoriser la symphonie communautaire.

Comme cette question est délicate, la correction se fait graduellement. Le pécheur doit d’abord être repris individuellement. S’il persiste, c’est une petite délégation de deux ou trois personnes qui le reprend, ce qui montre qu’il ne s’agit pas uniquement de l’avis d’un individu isolé. S’il persiste encore, c’est l’ensemble de la communauté. S’il persiste encore, il n’a alors plus de place dans la communauté. Cette progression a pour but d’éviter le scandale, de maintenir la symphonie la plus large possible. L’exclusion est le dernier recours ; les étapes précédentes ont pour but d’éviter cette issue.

Venons-en à la correction. Pour une raison qui m’échappe, j’ai l’impression que les rares fois où nous mentionnons ce texte, nous nous mettons à la place de celui qui corrige et non de celui qui est corrigé. J’aimerais parfois avoir une telle assurance…

Bref. Dans les deux cas, il y a un enjeu. Celui qui corrige doit le faire en tant que membre de l’Église ; il ne doit pas rechercher ses préférences personnelles mais la santé de la communauté. Et celui qui est corrigé doit avoir l’humilité de reconnaître les besoins des autres et qu’il ne contribue pas à leur édification.

Je me permets ici de prendre un exemple personnel. Un dimanche à la sortie du culte, un paroissien est venu me voir pour me remercier pour la prédication… et me dire qu’il l’avait trouvée un peu déplacée. Selon lui, elle visait une situation particulière et non l’ensemble de la communauté. Même si mon but n’était alors pas de pointer du doigt, je remercie ce paroissien qui m’a poussé à remettre au centre la communauté plutôt que mes réflexions personnelles. Même si j’avais bien travaillé le texte biblique, même si mes propos étaient pertinents, la prédication ne contribuait peut-être pas à une symphonie communautaire large. Je me dis aujourd’hui qu’il m’a davantage amené à la Bonne Nouvelle par sa remarque que je n’ai édifié la communauté par ma prédication. J’ai été plus attentif par la suite, et ce paroissien n’est pas revenu me voir accompagné d'un petit groupe ou de l’ensemble de la communauté pour me rappeler à l'humilité.

Je termine avec celui qui ne saisit pas les perches tendues et est finalement exclu de la communauté. Jésus nous appelle à le considérer « comme le païen et le collecteur d’impôt », soit précisément comme ces personnes considérées négativement que Jésus vient rechercher ! Autrement dit, même si cet individu est exclu de la communauté, il n’est pas exclu de la grâce de Dieu. Même si la communauté n’a plus à se préoccuper de lui, Dieu continue à le rechercher. La Bonne Nouvelle, c’est aussi cela.

Amen.

Nous connaissons bien l’affirmation selon laquelle Jésus est présent là où ou deux ou trois sont réunis. Nous l'invoquons souvent pour nous consoler quand nous sommes déçus par la taille de l’assemblée... Mais nous connaissons moins bien l'autre versant de ce texte : la correction fraternelle. Peut-être préférerions-nous même oublier que Jésus en a parlé. Mais à travers ces deux points, Jésus nous donne des pistes pour accueillir Dieu ensemble, en communauté. La Bonne Nouvelle, c’est aussi ça.

Détails

Avec la participation de
Jean-Claude Chamorel pour les lectures
Orgue
Mina Balissat
Musique
Philippe Corset à la guitare et au chant et Micha Kovalchuk au violon alto