La foi, une clé pour la réussite ?

image

Écouter le culte :

La foi, serait-elle la « clé de la réussite » dans la vie ?

C’est frappant de voir le nombre de sportifs de haut niveau qui, au moment d’entrer sur le terrain, font un signe de croix, parfois en levant les yeux vers le ciel, comme pour implorer la bénédiction divine, voire pour demander carrément la victoire. Je ne sais pas si quelqu’un s’est donné la peine de faire des statistiques sur « l’efficacité » de ces gestes sur le résultat du match ou de la performance personnelle des sportifs en question, mais j’imagine qu’on serait très loin d’une réussite à 100%...

Et pourtant, « l’efficacité » de la foi est une idée bien enracinée depuis des siècles. Dans l’Ancien Testament, le livre de l’Ecclésiaste (ou Qohéleth) a créé pas mal de vagues en affirmant – du point de vue d’un croyant – que « tout est vanité et poursuite de vent ». A l’opposé de l’idée dominante de la rétribution divine, qui disait : tu fais le bien, Dieu te récompense ; tu fais le mal, Dieu te punit.

A notre époque, depuis quelques décennies déjà, au pays de l’Oncle Sam – mais aussi ailleurs – un certain nombre de soi-disant « évangélistes » attirent les foules en leur prêchant un message de prospérité, en leur disant que la volonté de Dieu, c’est que chaque chrétien soit sans un souci dans ce monde terrestre, en parfaite santé, même riche !

Dans les années 70, j’ai assisté à une réunion de prière pour la guérison, où sont venus des gens avec toutes sortes d’infirmités. Jeune homme de foi, je me réjouissais de voir Dieu à l’œuvre ! La personne qui avait « le don de la guérison » priait avec chacun, lui disant que, s’il avait la foi, il serait guéri. Avec le corollaire très fâcheux, que, si on n’était pas guéri, ça voulait dire qu’on n’avait pas assez de foi. Résultat : non seulement tu partais sans avoir été guéri, mais, désormais, c’était de ta faute !

Je ne conteste absolument pas que Dieu puisse faire un miracle, et guérir quelqu’un. Heureusement qu’on entend encore des témoignages de personnes de notre époque qui ont été miraculeusement protégées ou guéries. Mais un miracle, justement, ce n’est pas un processus automatique ou normal – c’est exceptionnel !

Comme on constate dans le chapitre 11 de l’Épître aux Hébreux, certains grands personnages de la foi ont pu vivre des miracles, mais d’autres – et parfois les mêmes – ont vécu des situations terribles, ou du moins ont été « pauvres, persécutés, maltraités ». On est très, très loin de la prospérité promise par certains prédicateurs.

Nous vivons dans un monde, dans une société, où la réussite prend une place énorme dans les projets des gens et dans ce qui donne sens à leur vie. Personne ne veut être en échec, et si on échoue, c’est le drame. C’est considéré comme quelque chose de pas normal, alors que ce qui ne serait vraiment pas normal, serait de réussir dans tout ce qu’on fait ! Et pourtant, si on a l’impression que quelqu’un réussit tout ce qu’il entreprend, on dit ce que c’est une personne exceptionnelle !

« Votre cœur sera toujours là où sont vos richesses », dit Jésus.

Dans notre société dite moderne, on n’a pas très envie d’être pauvre, même si un pauvre de chez nous possède tellement plus que la moitié des habitants de notre planète. Non, nous avons envie d’être exceptionnels !

Donald Trump l’a bien compris avec son slogan qui résonne autour de la planète depuis la dernière campagne présidentielle aux États-Unis : « Make America Great Again ! » – « Rendre à l’Amérique sa grandeur », traduit-on habituellement en français. Oui, Trump a bien vu que le citoyen moyen de son pays n’a pas envie d’être moyen, mais d’être « great » : formidable, fort, impressionnant, riche. Et tant pis pour les autres… à moins qu’on s’aligne avec le président américain.

On peut comparer cette tendance avec ce drôle de « cadeau » que Dieu offre à ses enfants, selon l’Évangile de Luc : « N’aie pas peur, petit troupeau ! » dit Jésus. « Car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume. » Génial ! Mais attendez… c’est une sacrée surprise, ce soi-disant cadeau ! Au lieu de nous enrichir, de nous apporter plus, ce cadeau implique qu’on est censé vendre nos biens et donner l’argent aux pauvres ! Donc, côté matériel, on en aura moins !

C’est quoi, au juste, ce « Royaume » ? Est-ce qu’il nous fait envie ?

Soyons francs : pour la plupart d’entre nous, sinon tous, nous n’avons pas envie d’être pauvres. Pas envie non plus de passer par des épreuves.

On fête ce weekend les 500 ans du départ de l’explorateur Ferdinand Magellan pour le premier tour du monde de l’histoire, et on sait qu’il a découvert le détroit qui porte son nom, entre l’Océan Atlantique et celui qu’il nommera le « Pacifique » à cause de la météo clémente qu’il y a rencontrée. On oublie qu’il a passé par beaucoup d’épreuves et qu’il y a même laissé sa vie, après 2 ans de voyage, en essayant d’évangéliser les tribus des Philippines. A la fin, sur 5 navires et 237 hommes au départ, un seul navire a complété le tour du monde, avec 18 hommes… On peut espérer que ceux qui ont souffert ou qui sont morts dans cette aventure ont eu la satisfaction d’avoir participé à un exploit historique !

De nos jours, on admire les sacrifices consentis par nos héros des temps modernes, pour réaliser leurs exploits sportifs, musicaux, humanitaires ou autres. De Mère Teresa à Mike Horn, en passant par Luciano Pavarotti ou Neil Armstrong, on sait que les gens qui réalisent des choses exceptionnelles passent souvent par des temps difficiles. Mais ce qui est le plus pénible, c’est de passer par l’épreuve, sans y voir le sens ou l’utilité :
- Un accident plus ou moins grave, pour soi-même ou un proche.
- Une tache suspecte sur l’imagerie médicale.
- Un licenciement.
- Un deuil.
- Une rupture dans une relation importante.

Ou simplement, la lente évolution des années, qui nous rend incapables de faire des choses qu’on appréciait tant dans notre jeunesse ou qu’on ne savait pas apprécier à leur juste valeur, tant ça « allait de soi » ; une perte de mobilité ou d’autonomie. Et on se dit : « Pourquoi ? »

Ça ne fera pas les gros titres des journaux, ça ne semble rien apporter de mieux à ce monde, on n’y voit rien de positif – et pourtant, on avait la foi.

Écoutons une autre histoire de Bruno Ferrero, pour essayer de voir ces choses autrement :

Le doyen des moines bénédictins copistes du monastère de Montecassino, riche de toutes ses années d’expérience et de grâce, fut interviewé par un journaliste de télévision, qui lui demanda de révéler le secret de son travail qui demande tant de patience. Le moine lui confia ceci :

« Voyez-vous, dans la vie, il y a trois sortes d’encre pour écrire. Une noire, une rouge et une blanche.

Tout ce qui est écrit avec l’encre noire disparaît et s’évapore rapidement, comme la fumée. Ça passe bientôt, ça ne reste pas longtemps. Ça va se perdre. C’est seulement une question de temps. Dans le meilleur des cas, ça dort pour quelques siècles dans un coin sombre et moisi au fond d’une bibliothèque. Mais c’est destiné à disparaître.

Ce qui est écrit à l’encre rouge – le rouge du sang des sacrifices et des souffrances, ou bien le rouge des preuves sincères d’amour – restera écrit jusqu’au dernier jour, le jour du Jugement. Et ça constituera une preuve irréfutable de foi, scellée par la marque précieuse de la Croix. Ce sera la ‘carte Visa’ du salut.

Tout ce qui est écrit à l’encre blanche… »

« L’encre blanche ? », demanda le journaliste étonné, « l'encre blanche est une encre invisible ! »

« Justement, » répondit le moine, avec le sourire. « C’est l’encre de l’humilité, de la pauvreté, de l'enfance spirituelle, de la franchise, de la grâce… Elle peut être lue seulement dans le Royaume des Cieux. Mais elle dure pour l’éternité ! »

Revenons à notre sportif d’élite qui se fait un signe de croix ou un autre geste rituel au moment d’entrer sur le terrain – si pour lui c’est censé être la « clé de la réussite » sportive, il risque de vivre quelques déceptions. Si, en revanche, il le voit comme un moyen de se rappeler les valeurs essentielles de sa foi, qu’il est appelé à vivre même dans le feu de l’action et de la compétition – dans la défaite comme dans la victoire – c’est autre chose !

Mais ces valeurs essentielles, selon le vieux moine de Montecassino : l’humilité, la pauvreté, l'enfance spirituelle, la franchise, la grâce… ne sont pas forcément les choses qui vont nous pousser sur le devant de la scène. On n’aura probablement même pas la « gloire éphémère » d’un figurant de la Fête des Vignerons !

Mais ce qui sera écrit « à l’encre blanche » sera lu avec une attention infinie au Ciel. Et il sera bien plus important pour les gens que nous côtoyons sur cette Terre et il durera pour l’éternité !

Amen.

Certains prédicateurs n’hésitent pas à proclamer que la véritable foi en Dieu serait la clé pour une réussite professionnelle et personnelle, alors que les grands personnages de la Bible, des exemples de la foi, de l’Ancien Testament jusqu’à Jésus, ont connu un parcours souvent pénible… Ce qui ne veut pas dire que leur vie ait été un "échec", bien au contraire.

Détails

Avec la participation de
Aldo Ravedoni
Orgue
Margarita Lazareva
Musique
Marius Marcu, ténor