Le défi de la confiance: "Vous ne pourrez tenir bon qu'en vous tenant au Seigneur"

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« Surtout, restez calme ! Gardez votre sang-froid ! Ne cédez pas à la panique ! » Voilà la première consigne que l’on donne aux personnes confrontées à un accident, à un incendie ou à toute espèce de sinistre. C’est souvent plus facile à dire qu’à faire ! En particulier pour les personnes au caractère émotif ou aux nerfs fragiles.

Des paroles semblables furent adressées un jour par le prophète Esaïe au roi Akhaz à Jérusalem : « Veille à rester calme, ne crains pas ! Que ton cœur ne défaille pas ! » (Esaïe 7, 4)

La situation était bel et bien critique. Les armées de deux états voisins, celle de Recîn, roi d’Aram à Damas, et celle de Péqah, roi d’Israël du Nord à Samarie, venaient de se mettre en marche en direction de Jérusalem. Leur but ? Faire pression sur le jeune roi Akhaz pour qu’il s’allie avec eux et mette son armée à leur disposition. Ils venaient en effet de conclure une alliance défensive contre un ennemi très puissant, le roi d’Assyrie. Dès l‘an 738 avant J-C, celui-ci s’était mis en campagne pour conquérir tout le Proche-Orient. Alertés par ces bruits de bottes, le roi Akhaz et les siens furent plongés dans un grand trouble, que le récit biblique exprime par cette image suggestive : « le cœur du roi et le cœur de son peuple furent agités comme les arbres de la forêt sont agités par le vent » (Esaïe 7, 2). La peur s’était installée, cette peur qui est si mauvaise conseillère.

C’est alors que le roi reçut une visite. Le prophète Esaïe fut envoyé à sa rencontre près des remparts de Jérusalem, au bord d’un canal d’irrigation qu’il était sans doute en train d’inspecter. En cas de siège de la ville, l’approvisionnement en eau était une nécessité vitale. La venue du prophète, accompagné de son fils au nom symbolique, Shéar-Yashouv, qui veut dire un reste reviendra, atteste que le Seigneur se préoccupe de son peuple dans cette situation de crise.

Pour nous, c’est un signe que le Seigneur connaît bien ce qui peut agiter et troubler notre cœur : confrontation subite avec la maladie, rupture, séparation, perte d’un proche, chômage, menaces et violences.
Il ne veut pas nous laisser seuls dans l’épreuve. Il vient à nous. C’est la Bonne Nouvelle à partager en ce temps de l’Avent.

Lorsque le prophète Esaïe exhorte son roi : « Veille à rester calme, ne crains pas ! », il ne lui adresse pas une de ces paroles superficielles du genre : « Calme-toi, ça finira bien par passer ! ». Non, il lui fait part d’une conviction, basée sur une promesse de Dieu. Ce fameux « Ne crains pas ! » a déjà retenti auparavant dans l’histoire d’Israël. Abraham, Moïse, Josué l’ont entendu, chaque fois accompagné de cette promesse : « Je suis avec toi, je te soutiendrai ». Ces pères dans la foi ont pris au sérieux ces paroles du Seigneur. Ils ont placé en lui leur confiance et ils ont reçu le secours promis. Le souverain d’aujourd’hui est appelé à suivre leur exemple. Concrètement, cela signifie pour Akhaz résister aux pressions extérieures et aux menaces des autres rois coalisés contre lui, compter sur l’aide du Seigneur, ne pas chercher son salut dans une alliance avec d’autres puissances. Lorsqu’Esaïe vient à sa rencontre il veut envoyer une ambassade au roi d’Assyrie lui-même, pour lui demander son aide, contre rétribution bien sûr, en application du principe : je m’allie avec les ennemis de mes ennemis. Tactique et diplomatie, sagesse humaine, trop humaine. Alors qu’Esaïe, lui, annonce cette promesse de la part du Seigneur : ces machinations contre toi, « cela ne tiendra pas, cela ne sera pas ! » (Esaïe 7, 7).

Le roi est placé devant le défi de la confiance : croire que le Seigneur est toujours présent pour son peuple, même lorsque les ennemis sont à la porte. L’enjeu de cet appel pressant à la confiance est exprimé par une parole forte, sous la forme d’une brève sentence : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas » (Esaïe 7, 9).

En hébreu, il y a un jeu de mots basé sur un même verbe cité sous deux formes différentes. C’est le verbe âman, qui signifie : être solide, être fiable, être vrai. C’est de lui qu’est tiré le mot amen, qui veut dire : c’est vrai, j’y crois. Dans les paroles d’Esaïe, il résonne deux fois : « Si vous ne tenez pas la parole du Seigneur pour quelque chose de solide, de fiable – alors vous-mêmes ne serez pas solides, vous ne tiendrez pas ».

Des traducteurs ont cherché à rendre ce jeu de mots en français : « Si vous ne tenez ferme, vous ne serez pas affermis », ou encore « Vous ne pourrez tenir bon qu’en vous tenant au Seigneur ».

En résumé : la meilleure défense face aux diverses menaces, c’est le retour à Dieu, la prise au sérieux de ses promesses. Démarche que le roi Akhaz eut semble-t-il beaucoup de peine à entreprendre, car selon le livre des Rois, il préféra finalement remettre le sort de son royaume entre les mains du roi d’Assyrie, dont il devint le vassal (voir 2 Rois 16, 1-10).

Et pour nous, qu’en est-il ? Où allons-nous trouver nos appuis dans l’épreuve ? Comment allons-nous réagir face aux puissances qui nous menacent, et en même temps aussi nous fascinent ? Nous avons un avantage par rapport aux contemporains d’Esaïe. Nous pouvons nous baser sur bien plus que la venue d’un prophète. Nous avons reçu dans notre monde, dans notre humanité, la présence de Celui qui a pleinement accompli la promesse de l’Emmanuel : Dieu avec nous. Nous avons la lumière et l’amour de Jésus-Christ, dans la mesure où nous nous rendons disponibles pour l’accueillir dans notre vie. N’est-ce pas à cela que le temps de l’Avent nous encourage ?

Si nous considérons notre cheminement personnel, nous pouvons sans doute nous remémorer des temps forts, des rencontres, des paroles qui nous ont rejoints au bon moment pour nous faire réaliser que nous n’étions pas abandonnés, et qui ont pu aussi parfois rendre la présence du Christ particulièrement perceptible. Il y a encore l’appui de la communauté croyante. Plusieurs fois, j’ai entendu ce témoignage : à tel moment, dans l’épreuve et le désarroi, quand je ne pouvais même plus prier, j’ai su que d’autres priaient pour moi et cela m’a aidé à tenir le coup. Je pense en particulier à ce paroissien, terrassé par un grave AVC, qui a passé les fêtes de Pâques aux soins intensifs et qui m’a confié : « j’étais très angoissé et ce qui m’a aidé, c’est de repenser aux célébrations vécues à l’église et chanter intérieurement les cantiques célébrant la résurrection. » Oui, nous avons ici des signes concrets que malgré les apparences, Dieu est avec nous. Ici, la parole du prophète nous rejoint : n’oubliez pas ces signes donnés ; prenez appui sur eux ; tenez ferme pour être affermis à nouveau !

J’aimerais encore dissiper un malentendu : « Ne crains pas ! Garde ton calme ! Reste dans la confiance ! », ce ne sont pas là des appels à la passivité. Relever le défi de la confiance, c’est au contraire mobiliser toute son énergie, toutes ses forces, pour résister aux puissances qui cherchent à nous impressionner pour nous dominer.

En parlant de puissances, je pense en particulier à celle de l’argent lorsqu’elle va de pair avec la recherche du profit maximal, qui a pour effet de réduire toute chose et toute personne à leur valeur marchande. Je pense aussi à l’exaltation de la compétition à outrance, qui se présente comme la seule motivation à l’action et comme la seule voie possible pour l’épanouissement personnel ; avec les ruptures, les déchirures et les conflits que cela entraîne dans les familles, la vie sociale, les relations entre les communautés et les peuples.

Résister à ces puissances, c’est tout d’abord un travail intérieur, pour accueillir les promesses de Dieu. Croire qu’elles sont solides et que les valeurs de vérité, de justice et de paix qui leur sont attachées sont bien celles qui subsisteront jusque dans le Royaume de Dieu. A partir de cette ferme conviction, il est possible de résister aux « à quoi bon ? On ne peut rien changer ! Vous y croyez encore ? » Et on a la force de s’engager pour mettre ces valeurs en pratique le plus largement possible. C’est cela, bâtir sur le roc de l’Evangile du Christ.

Cet engagement, je le vois sur deux axes complémentaires : tout d’abord, celui des ruptures. Pas des polémiques agressives, mais des positionnements en accord avec les convictions intérieures. Des choix sont nécessaires, car tout n’est pas admissible. Par exemple : le harcèlement, ou le dénigrement à l’encontre d’une personne fragile – souvent amplifié par le recours aux réseaux sociaux – je les refuse, je ne veux pas m’y associer. Et c’est la même chose pour la discrimination basée sur l’apparence, le sexe, la condition sociale ou la religion ; cela ne passera pas par moi !

Le second axe est celui de la construction. Unir nos forces avec d’autres pour développer des réseaux de contact, des actions communautaires pour vivre l’accueil et l’entraide, pour mettre en oeuvre un usage respectueux des ressources naturelles. Tout ceci en associant et mettant en valeur les compétences de chacun. Etablir ainsi, face à l’arrogance des puissances conquérantes, des poches de résistance. Dresser, avec l’aide de Dieu, des signes indiquant que d’autres choix de vie sont possibles que la compétition incessante pour accumuler toujours plus.

Gardons courage ! Dans ce temps de l’Avent qu’il nous est donné de vivre, nous pouvons, même dans les jours sombres, allumer les lumières de l’espérance qui ne décevra pas.

Amen

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Intercession pour le temps de l’Avent

Seigneur qui viens,
Nous avons besoin de ta grâce, même pour t’attendre,
car la fatigue et la lassitude nous guettent.
Ecarte de nos pensées toute peur, toi qui es notre refuge.
Aide-nous aujourd’hui à faire face aux épreuves de notre temps.

Seigneur qui viens,
Apporte ta lumière et ta paix à toutes les personnes
qui se trouvent seules, délaissées ou méprisées.
Accorde ton soutien à celles qui sont aux prises
avec la maladie, le deuil ou toute autre épreuve.

Seigneur qui viens,
Rends-nous plus fermes dans notre foi,
plus joyeux dans notre espérance,
plus déterminés à résister aux puissances de division et d’oppression,
plus actifs dans notre engagement à faire rayonner ton amour.

Seigneur qui viens,
Fais de nous des veilleurs respectueux les uns des autres
dans l’amour de toi.
Et que nous soyons un jour tous rassemblés en toi.

Amen

« Garde ton calme, n’aie pas peur ! » Cette exhortation, que le prophète Esaïe adresse à son roi affolé par des menaces de guerre, est bien plus qu’un slogan creux. Elle se base sur la promesse de la naissance d’Emmanuël, « Dieu avec nous ». C’est un appel à la confiance et à la résistance qui nous est adressé, face aux puissances qui nous menacent.

Détails

Avec la participation de
Sébastien Fague, Céline Michel
Orgue
Anne-Claude Burnand-Mauri
Musique
Christian Delafontaine à la flûte traversière